Cosmopolitan N°549 – Août 2019

(Nora) #1

Q


Quand j’entre dans un kiosque,
je revois la scène : avenue des Frères
Lumière à Lyon, j’ai 11 ans et
comme chaque samedi, j’accom-
pagne mon père à la Maison de la
Presse pour acheter un « Minnie
Mag ». Mais ce jour-là, je quitte
le rayon jeunesse... J’attrape un
« Girls! » avec un gros titre sur les
garçons et l’amour, je rejoins mon
père à la caisse, « Tu es sûre? », me
demande-t-il. « Oui. » Pour le rassu-
rer, je saisis aussi un paquet de Têtes
Brûlées sur le comptoir. Cet échange
scelle mon entrée dans la préadoles-
cence sous le regard bienveillant de
mon papa, et le début d’une passion
inaltérable pour la presse féminine.

Le kiosque des années 2000
Chaque mois, avec ma meilleure
amie Aurélie, on fait un point argent
de poche, et on répartit les dépenses
entre le Jennyfer de la rue de la Ré
et le kiosque à côté du collège :
« Tu prends le “Girls! ”, je prends le
“Miss”? » Sur un banc du square, on

Le kiosque du village
vacances
En vacances, une personne normale
fuit tout ce qui peut lui rappeler
le boulot. Pas moi. Avant même de
défaire ma valise, je dévalise le
kiosque du village. Je m’autorise à
tout acheter : trois magazines people
pour comparer leurs interprétations
de la même photo choc ; tous les
« Spécial tests » pour poser l’air de
rien des questions intimes à mon
entourage ; une tonne de magazines
pour hommes qui convaincront
peut-être le mien d’oser les Converse
sous le costard ; trois exemplaires
du même hors-série « Sudoku » juste
pour avoir le paréo cadeau dans
toutes les couleurs... Et au moment
de régler, je craque sur ces cartes
postales super-kitsch qui feront
marrer les potes. La seule chose que
j’évite, c’est le rayon actualités.
Rien que les titres en couv explosent
mon capital stress. Et je me retiens
d’acheter Cosmo, pourtant c’est pas
l’envie qui me manque! C’est parce
que je ne veux pas revivre la scène
de l’été dernier : mon père, tombant
sur un article signé à mon nom dans
le « Spécial Sexe ».

Le futur est dans le kiosque
Un magasin d’optique a remplacé
la Maison de la Presse de mon
enfance. Doctissimo a remplacé les
problèmes du mois dans « Girls! ».
Et YouPorn s’occupe de l’éducation
sexuelle de nos ados. Mais dans le
rayon jeunesse du Relay de la
Gare de Lyon, il y a une petite fille


  • la mienne – qui hésite entre un
    numéro « Spécial dinosaures »
    ou le magazine avec une loupe de
    détective en cadeau. Plus tard, elle
    veut « sauver les espèces en voie
    de disparition ». Je lui assure que
    c’est une très bonne idée, en repen-
    sant à la couv’ du premier Cosmo
    que j’ai acheté : « Réaliser ses rêves,
    c’est possible ». La preuve. l


...LE KIOSQUE À JOURNAUX


L’odeur du papier glacé, c’est ma madeleine de Proust.
Par Chloé Plancoulaine

décortique les problèmes du mois :
« Est-il amoureux ou juste ami? »,
« J’ai mal pendant les rapports »,
« Comment rouler une pelle? » La
réponse de celui-ci, je l’apprends par
cœur... Sans savoir que je vais encore
poireauter plusieurs années avant de
passer à la pratique. Je lis aussi les
interviews hot du magazine « One »
pour tout savoir sur la première fois
d’Alyssa Milano ou de Christina
Aguilera et je découvre l’existence du
clitoris dans les pages de « Jeune et
Jolie ». Sous les tables du cours de
français, mon pote Nicolas surligne
ses témoignages érotiques préférés
dans « Union ». Comment il a réussi
à soutenir le regard du vendeur au
kiosque? « Je l’ai caché dans un
“Picsou Mag” ». Waouh! Moi, le truc
le plus thug que j’aie osé jusqu’ici,
c’est d’acheter le magazine « 20 ans »
alors que j’en ai 15. Mais j’ai bien fait :
c’est en pleurant de rire sur l’article
« Treize raisons de coucher » que j’ai
su que je voulais en faire mon métier


  • écrire des articles, pas coucher.


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MOI ET...

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