Cosmopolitan N°549 – Août 2019

(Nora) #1

E


En arrivant au manoir de Jessica, à
Beverly Hills, j’ai presque l’impres-
sion d’entrer sur une scène de crime :
les chaussures sont strictement inter-
dites à l’intérieur... Comme les dix-
huit personnes de son équipe et les
membres de son entourage, j’enfile
ma paire de surchaussures jetables
bleues. Perchée sur un tabouret dans
son immense salle de bains, Jessica
lave les cheveux de son fils. Ses deux
filles aînées, Honor, 11 ans, et Haven,
7 ans, sont en pyjamas assortis. Leur
mère leur annonce qu’elles pourront
dormir dans son lit ce soir, car leur
père (le producteur Cash Warren) est
en voyage. Mais à une condition : « Je
ne dors pas au milieu! » Les étagères
sont garnies de produits The Honest
Company, la marque de bien-être à
succès que Jessica, 38 ans, a fondée
en 2012. En rejoignant le salon, elle
interpelle ses enfants, à travers la
cacophonie des dessins animés de
l’immense télévision. « Vous pouvez
surveiller le bébé? Vous pouvez
mettre moins fort? Vous lui donnez
son doudou? Dites “Oui, Maman !”. »
Aucun doute : la patronne, c’est elle.

Saine et responsable
Jessica est apparue dans autant de
listes de « femmes les plus sexy au
monde » qu’elle a tourné de blockbus-
ters hollywoodiens... Mais il y a sept
ans, elle a lancé son entreprise de
produits bien-être « non-toxiques »
pour la maison, la beauté et les bébés,
inspirés des difficultés médicales
qu’elle a elle-même connues enfant.
« Je pense que beaucoup de gens
croyaient à l’époque qu’il s’agissait
d’une sorte de théorie du complot,
que c’était exagéré, que tous ces pro-

duits ne nous empoisonnaient pas
vraiment... mais pourtant c’était le
cas. Énormément d’ingrédients
ont été interdits parce qu’ils étaient
nuisibles, même à petites doses »,
explique Jessica, faisant référence au
réveil collectif qui nous encourage
aujourd’hui à être plus attentifs aux
produits que nous utilisons. Estimée
à 1,7 milliard de dollars, sa marque
connaît un succès fou.

Raisonnable et féministe
Jessica m’entraîne jusqu’à son dres-
sing, dont les murs sont tapissés de
talons Louboutin et Manolo Blahnik.
Quitter l’industrie qui a fait d’elle une
star n’était pas au programme, mais le
succès de The Honest Company lui a
apporté quelque chose que le métier
d’actrice n’a jamais su lui offrir : « J’en
avais assez de la façon dont les femmes
étaient traitées dans le cinéma, je
bossais comme une dingue, les mecs
ne faisaient rien comparé à moi. Je me
suis dit “OK, j’en ai marre de bosser
comme ça”. » Après les scandales qui
ont agité Hollywood, on se demande
si Jessica a déjà connu le pire. « Je ne
vais rien dire, parce que je ne veux pas
passer du temps sur le sujet. Sachez
juste que j’ai vécu pas mal de choses
qui m’ont appris à me forger une
carapace... Je pense que c’est pour ça
que j’étais parfois agressive, avec
un côté garçon manqué. J’ai toujours
tout abordé avec une pointe de
cynisme, mais pas d’une mauvaise
façon. En fait ça m’a plutôt motivée. »
Jessica a toujours été très réfléchie
concernant ses choix de vie. « Même
quand j’allais en boîte à 20 ans, je me
débrouillais pour ne jamais me faire
shooter par des paparazzis. Je savais

comment les gens étaient perçus,
et je ne voulais pas qu’on pense que
j’étais une grosse fêtarde. Il y a bien
eu quelques fois où je n’étais pas
sobre, où j’ai trébuché sur une voi-
ture... mais pas de photos! »
Jessica a refusé un certain nombre de
campagnes publicitaires lucratives
qu’elle trouvait trop risquées pour son
image. Ses choix ont toujours été
stratégiques. « J’ai pris beaucoup de
décisions qui me motivaient financiè-
rement, avoue-t-elle en haussant les
épaules. Je n’étais pas en compétition
avec les autres actrices, j’étais en
compétition avec les acteurs mascu-
lins. Je me disais : “Pourquoi ce ne
serait pas moi le personnage princi-
pal ?” Plus les gens s’habitueront à ce
que les femmes jouent dans des films,
plus nous pourrons être égaux. »
Surprise : Jessica est revenue secouer
les écrans américains au printemps
dernier avec la série « LA’s Finest »


  • un spin-off féminin du film « Bad
    Boys » des années 1990 – une série
    télévisée qu’elle a réalisée à sa manière,
    puisqu’elle en était la coproductrice,
    avec Gabrielle Union. « Ce rôle, je l’ai
    toujours voulu, sourit-elle. Je ne
    voulais pas être la femme qui attirait
    Bruce Willis dans “Die Hard”,
    je voulais être Bruce Willis! »


Femme d’affaires sensible
Quand le shooting s’achève en début
de soirée, Jessica tape dans la main du
photographe, et nous nous retrou-
vons au salon, où son assistant nous
verse un verre de champagne. « J’aime
diriger ma boîte et encourager mes
employés à sortir de leur zone de
confort, à réfléchir différemment,
pour qu’ils ne se contentent pas de

Quitter Hollywood pour lancer sa propre entreprise?


Le pari était risqué, mais elle l’a fait! Rencontre avec l’actrice


et entrepreneuse, chez elle, en Californie.
Par Martha Hayes. Photos Justin Coit.
Traduction et adaptation Mathilde Effosse, avec la participation de Manon Bealu.

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