Science Du Monde N°4 – Août-Octobre 2019

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actuaLité Brèves


24 ActuAlités Breves


science magazine n°46

Avez-vous déjà pensé à utiliser les sons pour
collecter des données et mieux voir votre en-
vironnement? L’Institut de développement
pour les nouvelles technologies (UNINOVA)
explore et teste les nombreuses applications
possibles en milieux urbain et domestique.
Son projet EAR-IT (Experimenting Acous-
tics in Real environements using Innovative
Test-bad), coordonné au Portugal, étudie
l’acoustique de notre environnement quoti-
dien pour les futures villes intelligentes.

Un banc d’essais à taille réelle a permis de tester
le dispositif EAR-IT en situation d’accident de
la circulation en milieu urbain. Des capteurs
acoustiques sont disposés dans toute la ville et
surveillent le grouillement citadin. En cas d’ac-
cident, l’équipement est à l’écoute des sirènes
et réorganise intelligemment la signalisation

lumineuse en faveur des véhicules de secours.
Les victimes sont ainsi secourues et transportées
plus vite à l’hôpital.

Les capteurs acoustiques fonctionnent princi-
palement sur batteries et sont installés dans les
lampadaires afin qu’ils puissent se recharger la
nuit. Leur disposition leur permet aussi de nom-
breuses applications : reliés aux autres instru-
ments de mesures, ils permettent de surveiller la
pollution en percevant la densité du trafic ; reliés
aux smartphones, ils préviennent les habitants
des évènements se déroulant en ce moment dans
leurs quartiers (concerts, festivals, etc..).

Nos maisons sont pleines de bruits et de sons
qui sont tout autant d’indicateur sur nos activités
et notre état de santé (éternuements, portes qui
claquent, animaux domestiques, etc..). Ainsi, le

système de capteurs acoustiques peux contrôler
une pièce de la maison en fonction des sons qu’il
entend : il allume la lumière quand les volets se
ferment et régule le chauffage en fonction du
nombre de personnes présentes. Aussi il peut
transmettre des messages d’alertes en cas d’ac-
cidents domestiques. Il prévient les familles ou
les services d’urgence s’il entend une personne
appeler au secours.

Les premiers tests ont montré que le système
fonctionne dans des ambiances calmes mais
aussi en pleine cacophonie. Ce projet a mobilisé
six partenaires européens et une PME chinoise.
L’Université de Rennes et Easy Global Market
(EGM) sont les principaux partenaires français.
Une étude est actuellement en cours pour la com-
mercialisation d’EAR-IT. (Source ADIT)

La compétition pour les ressources alimen-
taires est le lot quotidien des êtres vivants.
Dans certaines situations, celle-ci peut même
aller jusqu’à l’affrontement entre individus
d’une même espèce. Les conséquences de
cette forme de compétition dite « par inter-
férence » sur les dynamiques de populations
ont pu être modélisées par des chercheurs.
Leurs résultats montrent qu’une forte inter-
férence favorise l’émergence d’un système
féodal où une classe dominante composée
de quelques individus s’approprie presque
toutes les ressources au détriment d’une
classe de dominés.

La structure et l’évolution des populations de
plantes et d’animaux dans l’espace et le temps
est régi par de nombreux paramètres. La com-
pétition pour l’accès aux ressources entre indivi-
dus d’une même espèce est l’un des principaux
facteurs de régulation de cette dynamique des
populations. Si la compétition par exploitation
directe des ressources a déjà été largement étu-
diée par les biologistes, c’est loin d’être le cas de

la compétition par interférence. Cette dernière
intervient dès lors que les individus interagis-
sent directement entre eux pour accéder à la
ressource, notamment en se battant.

S’appuyant sur le comportement en laboratoire
de l’espèce de collembole Folsomia candida,
des animaux proches du groupe des insectes,
des chercheurs de l’Institut d’écologie et des
sciences de l’environnement de Paris et de
l’Institut de biologie de l’Ecole normale supé-
rieure ont mis au point un modèle mathéma-
tique permettant de décrire la compétition par
interférence au sein de populations structurées,
c’est-à-dire composées d’individus d’âges ou de
tailles différentes.

Selon le niveau de compétition par interférence
imposé, ce nouveau modèle prédit une variété
de dynamiques possibles. Lorsque l’interférence
entre individus est faible, celui-ci se comporte
comme les modèles classiques de compétition
par exploitation. Pour un niveau légèrement
supérieur d’interférence, la compétition agit

comme une force stabilisatrice sur la dynamique
de la population. Mais si le niveau d’interférence
devient plus fort, des individus géants émergent
dans la population et commencent à la dominer.
Les petits individus se retrouvent alors totale-
ment exclus de la ressource tandis que les gros,
bien qu’en sous-effectifs, se la partagent en to-
talité. « Le fait que la population se retrouve
déstabilisée lorsque le niveau d’interférence
devient trop important est un phénomène auquel
nous ne nous attendions pas », avoue Vincent
Le Bourlot, principal auteur de l’étude. « Cela
suggère que cette forme de compétition pourrait
être un facteur de régulation des populations
plus important que nous ne le pensions. »

Les biologistes veulent maintenant tester leur
modèle en y intégrant la variation de paramètres
environnementaux tels que la température. Et
tenter ainsi de savoir comment, dans un contexte
de changement climatique global, les rapports de
force entre compétitions par exploitation et par
interférence risquent d’évoluer au sein d’espèces
dont les populations sont structurées.

utiliser l’acoustique pour mieux


voir notre environnement


la compétition directe entre


individus source de déstabilisation


Breves ActuAlités 25


science magazine n°46

Notre système solaire est né


dans des conditions rares


Grâce notamment aux observations récentes
de la sonde Voyager (qui a récemment at-
teint les confins du système solaire), des phy-
siciens du CNRS*ont montré que les noyaux
radioactifs de^10 Be (béryllium 10) contenus
dans les premiers solides du système solaire
ont pu être produits à la suite de l’explosion
d’une ou plusieurs étoiles massives précédant
la formation de ce dernier. Ces travaux ren-
forcent l’hypothèse selon laquelle la forma-
tion du système solaire aurait eu lieu dans
des conditions peu communes au sein de la
Voie lactée.

La présence de noyaux radioactifs de courte du-
rée de vie (inférieure à quelques millions d’an-
nées) dans le disque protoplanétaire pose une
contrainte majeure aux scénarios de formation
du système solaire. Parmi ces noyaux, le^10 Be
présente une caractéristique particulière car il
ne peut être synthétisé efficacement au sein des
étoiles. Il n’est produit que par des réactions
nucléaires induites par des particules chargées
accélérées jusqu’à plus de 15% de la vitesse de
la lumière.

A ce jour, le scénario favorisé pour expliquer la
présence de^10 Be dans le système solaire primi-
tif était une production induite par des noyaux
légers (protons, particules alpha) accélérées au
voisinage du soleil, lorsque celui était en forma-
tion. Pourtant, des analyses isotopiques récentes
d’inclusions minérales réfractaires très primitives
(FUN) contenues dans des météorites** montrent
que le nuage de gaz et de poussières protosolaires
contenait lui-même une contamination en^10 Be.

Les physiciens du CNRS ont étudié les différentes
possibilités de produire les quantités de^10 Be ob-
servées dans ces phases minérales primitives.
A l’aide des observations récentes de la sonde
Voyager et de simulations numériques, ils ont
reconstruit le flux de particules rapides qui existait
à proximité du système solaire en formation et
ont montré que la quantité de^10 Be induite par ce
flux ne peut rendre compte de la contamination
déduite de l’analyse des inclusions FUN.

En revanche, les observations sont compatibles
avec la contamination en^10 Be du nuage protoso-
laire par une ou plusieurs supernovas. Dans ce

cadre, les chercheurs ont étudié en particulier la
production de^10 Be dans une couche de gaz dense
générée par les vents d’une étoile massive qui se
serait échappée de son amas d’origine (une étoile
fugueuse). Un tel scénario permet en effet d’expli-
quer la présence initiale d’autres noyaux radioactifs
dans des inclusions réfractaires de météorites.

L’interaction d’une étoile massive fugueuse
avec un nuage de gaz interstellaire étant un évé-
nement rare, ces travaux suggèrent que notre
étoile est née dans un contexte astrophysique
particulier.

* Centre de sciences nucléaires et science de
la matière – CSNSM (CNRS / Université Paris
Sud), Institut de physique nucléaire d’Orsay –
IPNO (CNRS / Université Paris-Sud).
** Les FUN-CAIs (Fractionation and Uniden-
tified Nuclear isotopes anomalies in Calcium
Aluminum-rich Inclusions) sont des phases
réfractaires, qui ont donc condensé à haute
température, dont la composition isotopique
n’a pas été modifiée depuis leur formation il y
a 4,6 milliards d’années.

un système visuel original


chez le lézard


Le fonctionnement du système visuel des lézards
reste en grande partie mystérieux. Une équipe
associant des biologistes de l’Institut d’écologie
et des sciences de l’environnement de Paris et de
l’Université de Cornell, aux Etats-Unis, en étu-
diant le lézard vivipare commun en France, vient
de montrer que cette espèce disposait d’un sys-
tème visuel sensible aux rayonnements proches de
l’infrarouge. Extrêmement rare chez les vertébrés
terrestres, un tel système visuel permettrait au
lézard de mieux discriminer des subtiles variations
de coloration arborées par ses congénères. Ces
travaux suggèrent que cette étonnante caracté-
ristique aurait co-évolué en même temps que les
signaux colorés connus pour être impliqués dans
les interactions sociales, notamment la sélection
sexuelle.
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