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LeS dernièreS découverteS Sur La mémoire DossIEr 35
Que se passe-t-il dans le cerveau?
Détecter en amont des symptômes
Y a-t-il vraiment des facteurs de risque?
Quelles sont les premières manifestations de
la maladie? Au départ, le patient éprouve des
difficultés à enregistrer de nouvelles informa-
tions ou le contenu de conversations récentes.
Puis des souvenirs plus anciens s’effacent.
Ensuite l’évolution est très variable d’un
patient à l’autre. Mais on retrouve trois carac-
téristiques : l’aphasie, qui est la difficulté à
trouver ses mots ; l’agnosie, c’est-à-dire l’inca-
pacité à reconnaître et à nommer des objets
ou des personnes familières ; et l’apraxie, qui
correspond à des troubles dans l’exécution de
certains gestes. Après 10 ou 15 ans d’évolution,
certains malades présentent aussi des troubles
du sommeil et de l’humeur.
Que se passe-t-il dans le cerveau? Le peptide
bêta-amyloïde, naturellement présent chez
l’homme, s’accumule sous une forme anor-
male, constituant des agrégats entre les neu-
rones appelés plaques ou dépôts amyloïdes. Il y
a aussi d’autres protéines anormales (protéines
Tau), qui à leur tour s’accumulent et entraînent
l’apparition des signes de la maladie.
Détecter la maladie le plus tôt possible consti-
tue un véritable enjeu en vue de tester des trai-
tements avant les premiers symptômes. On sait
en effet que son évolution est très lente et que
les premiers signes apparaissent en général
10 à 15 ans après les lésions. Entre-temps, la
réserve cognitive joue son rôle, c’est-à-dire
la capacité du cerveau à compenser la dégra-
dation de certaines de ses structures. Ainsi
on constate que, chez des personnes ayant
un niveau d’études élevé, les symptômes se
manifestent plus tardivement pour une même
quantité de lésions.
Une fois les premiers symptômes apparus,
les chercheurs pensent qu’il est probablement
trop tard pour espérer une récupération, car les
dégâts provoqués par la maladie sont trop avan-
cés. D’où l’idée qui prévaut actuellement de
tester les nouveaux traitements sur des patients
en amont des symptômes, quand leur réserve
cognitive est encore suffisamment préservée.
D’ailleurs, si des essais cliniques pourtant très
prometteurs ont échoué, c’est probablement
parce que les malades inclus dans les essais
cliniques étaient à un stade trop avancé de
la maladie, les méthodes de diagnostic dis-
ponibles aux débuts des essais n’étant pas
suffisamment précises. De plus, une partie
des malades n’était en réalité pas atteinte de
la maladie d’Alzheimer mais victime d’une
autre forme de démence.
Hérédité, mauvaise hygiène de vie... certains
facteurs déclenchants restent à déterminer.
Mettre en évidence de nouveaux gènes et
explorer leur fonction permet d’ouvrir de
nouvelles pistes pour lutter contre le dévelop-
pement de la maladie à ce jour. Grâce au travail
coordonné de chercheurs internationaux, 26
gènes et régions du génome qui pourraient
avoir un impact sur le développement de la
maladie d’Alzheimer sont connus.
On sait aussi que des éléments liés à l’envi-
ronnement influencent la survenue de la
maladie. Des études récentes ont montré que
contrôler les facteurs de risque cardio-vascu-
laire, pratiquer de l’exercice physique, avoir
un bon équilibre alimentaire, conserver des
activités stimulantes qui nécessitent organi-
sation, planification et initiative sont des élé-
ments de prévention de la maladie. Certains
chercheurs estiment qu’un tiers des cas de
maladie d’Alzheimer pourrait être évité en
agissant sur ces facteurs.
Enfin les équipes souhaitent découvrir de
nouveaux moyens de dépistage, toujours
plus fiables et plus précoces, que cela soit via
l’imagerie comme la tomographie par émission
de positons, via des bio marqueurs présents
dans le sang, ou encore via de nouveaux tests
neuropsychologiques.
Un fléau mondial
47 millions de personnes dans le
monde seraient atteintes de dé-
mences, la maladie d’Alzheimer
étant impliquée dans 60 à 70% des
cas.
Ce nombre devrait doubler d’ici
- (World Alzheimer Report 2016)
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- Création d’associations avec des représentations déjà en mémoire : il est également possible de créer des liens avec des
images mentales quand l’information s’y prête. La méthode des lieux, par exemple, consiste à reprendre un espace connu, public ou
privé, comme le plan de sa maison, et d’associer mentalement à chaque élément de cet espace une information à mémoriser. Pour
restituer les informations, il faudra parcourir l’espace, ici chaque pièce de sa maison, pour réactiver les traces mnésiques associées. - Organisation de l’information : la création de plans, de tableaux, de frises ou de schémas permet le classement ou la catégo-
risation des informations clés. Organiser l’information à retenir permet d’orienter donc son attention sur l’information pertinente
qui doit être retenue. - Sommeil : préserver le sommeil en général mais encore plus pendant les révisions. La nuit, notre cerveau revit les épisodes
d’apprentissage pour les consolider de manière efficace en mémoire.
*Le Pr Francis Eustache est Directeur d’Etudes à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE), Directeur d’une unité de recherche
de l’Inserm dédiée à l’étude de la mémoire humaine et de ses maladies à l’Université de Caen Normandie, et Président du Conseil
scientifique de l’Observatoire B2V des Mémoires.
**Bérengère Guillery-Girard est Maître de conférences à l’EPHE.
Vaincre Alzheimer : la recherche progresse
Encore mal comprise, la maladie d’Alzheimer mobilise l’énergie de nombreux scientifiques au niveau
mondial. En France, la Fondation pour la Recherche Médicale (www.frm.org) soutient les pistes de
recherche les plus prometteuses dans ce domaine. Détecter les facteurs de risque, comprendre le
développement de la maladie, en stopper la progression représentent les voies d’exploration ac-
tuelles. Avec à la clé de nouveaux traitements.