Science Du Monde N°4 – Août-Octobre 2019

(lily) #1
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Cerveau, mémoire, Sommeil... DossIEr 39


cerveau atteint de la maladie d’Alzheimer
chez l’homme et chez l’animal. Ceci suggère
que l’altération de la neurogenèse pourrait
contribuer aux dysfonctionnements amné-
siques associés à la maladie d’Alzheimer.

L’équipe de Claire Rampon et Kevin Riche-
tin, au Centre de recherches sur la cognition
animale, a testé l’hypothèse selon laquelle une
amélioration de la neurogenèse dans l’hip-
pocampe de souris modèles de la maladie
d’Alzheimer permettrait de ralentir l’altéra-
tion de la mémoire chez ces animaux.

Pour ce faire, les chercheurs toulousains et
leurs collaborateurs suisses et suédois ont dé-
veloppé un nouvel outil permettant de cibler
les cellules souches du cerveau adulte, puis
de les forcer à devenir des neurones pleine-
ment matures et fonctionnels. Les chercheurs
ont appliqué cette stratégie à des souris âgées
modèles de la maladie d’Alzheimer qui pré-
sentent des troubles massifs de la mémoire
ainsi qu’une neurogenèse hippocampique
quasiment inexistante.

De façon remarquable, les auteurs réus-
sissent à manipuler les cellules souches de
l’hippocampe, générant ainsi un ensemble de
nouveaux neurones tout à fait fonctionnels et
connectés au réseau cérébral. Plus remarqua-
blement encore, lorsque ces animaux malades
ainsi traités sont soumis à un test de mémoire
spatiale dans lequel ils doivent détecter le
déplacement d’un objet, ils obtiennent les
mêmes performances de mémoire que les
souris témoins non malades.

En conclusion, cette étude démontre pour la
première fois, qu’en dépit des perturbations
massives présentes dans le cerveau atteint
de maladie d’Alzheimer, l’expression ciblée
d’un seul gène dans les cellules souches du
cerveau adulte suffit à améliorer la mémoire

des animaux malades. L’originalité de ces
résultats réside dans le fait qu’ils révèlent que
le cerveau peut recouvrer ses fonctions cogni-
tives grâce à l’augmentation de la plasticité
et de la connectivité des nouveaux neurones
plutôt que par l’augmentation de leur nombre.

Pour le futur, ce travail ouvre des perspectives
thérapeutiques nouvelles puisqu’il démontre
qu’une approche de type thérapie génique vi-
sant la neurogenèse du cerveau adulte permet
de ralentir les altérations cognitives associées
au vieillissement pathologique.

Mon cerveau, ce héros


Mythes et réalité


Beaucoup d’histoires circulent sur nos capacités cérébrales : nous n’utiliserions que 10% de notre
cerveau ; du point de vue cérébral, tout se jouerait avant 3 ans – ou 4 ou 5 – ; notre cerveau serait au
contraire tellement plastique qu’on pourrait apprendre sans souci le swahili à 80 ans ; écouter Mozart
permettrait d’augmenter le QI, etc. La plupart sont fausses... mais nous sommes particulièrement enclins
à tomber dans le panneau. Parfois c’est sans conséquences, parfois non...

Ce livre est écrit par la philosophe Elena Pasquinelli qui réfléchit plus particulièrement aux sciences
cognitives et aux neurosciences. En prenant comme exemples un certain nombre de ces « neuromythes »,
elle explique pourquoi nous en sommes si friands et comment être plus attentifs aux pièges qui entourent la science du cerveau.
« Mon cerveau, ce héros - Mythes et réalité »,
par Elena Pasquinelli - Editions Le Pommier - 2015240 pages – 19 €

38 Dossier Cerveau, mémoire, Sommeil...


Des neurones tout neufs pour


soigner le cerveau âgé!


Les lésions cérébrales, qu’elles soient d’origine traumatique ou neurodégénérative,
entraînent une mort cellulaire associée à des déficits fonctionnels importants. Les
capacités de régénération spontanée des neurones du système nerveux central adulte
étant limitées, la transplantation de tissu embryonnaire est envisagée.

réparer le cortex cérébral :


une première mondiale!


Le cortex cérébral est une des structures
les plus complexes de notre cerveau : il est
composé d’une centaine de types de neurones
organisés en 6 couches et en de nombreuses
aires distinctes sur le plan neuroanatomique
et fonctionnel. Un défi majeur pour la répa-
ration du cerveau est d’obtenir des neurones
corticaux de couche et d’aire appropriées
afin de rétablir de façon spécifique les voies
corticales lésées.

L’équipe d’Afsaneh Gaillard (Unité Inserm :
Laboratoire de neurosciences expérimentales
et cliniques, Université de Poitiers), en colla-
boration avec celle de Pierre Vanderhaeghen
de l’Institut de recherche interdisciplinaire en
biologie humaine et moléculaire de Bruxelles,
vient d’aboutir à un premier pas important
dans le domaine des thérapies cellulaires : la
réparation du cortex, chez la souris adulte,
grâce à une greffe des neurones corticaux
dérivés de cellules souches embryonnaires.

Les scientifiques démontrent ainsi, pour la
première fois, que les cellules souches pluri-
potentes différenciées en neurones corticaux
permettent de rétablir les circuits corticaux
lésés adulte sur le plan neuroanatomique et

fonctionnel. Ces résultats suggèrent par ail-
leurs que la restauration des voies lésées n’est
possible que par des neurones de même type
que la région lésée.

Cette approche n’est encore qu’expéri-
mentale. De nombreuses recherches seront
nécessaires avant une application clinique
éventuelle chez l’homme. Néanmoins, pour

les chercheurs, « le succès de nos expériences
d’ingénierie cellulaire, permettant de générer
des cellules nerveuses de façon contrôlée et
illimitée, et de les transplanter, constitue une
première mondiale. Ces travaux ouvrent de
nouvelles voies d’approche de réparation
du cerveau endommagé, notamment après
accidents vasculaires ou traumatismes céré-
braux », expliquent-ils.

Les cellules souches neurales du cerveau adulte peuvent-elle être utilisées pour ralen-
tir le vieillissement cérébral et pour lutter contre les problèmes cognitifs inhérents à
l’âge ou aux maladies neurodégénératives?

Le cerveau des mammifères continue à pro-
duire de nouveaux neurones au cours de la
vie adulte. En effet, la division des cellules
souches neurales endogènes donne naissance
à des cellules capables de se différencier en

neurones qui s’intègrent dans les circuits
cérébraux existants. Ce processus, nommé
neurogenèse adulte, se produit notamment
dans l’hippocampe, une région essentielle
pour la mémoire.

On sait aujourd’hui que les nouveaux neu-
rones qui naissent dans l’hippocampe adulte
participent aux processus d’apprentissage et
de mémorisation. Une diminution drastique
de cette neurogenèse est observée dans le
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