Science Du Monde N°4 – Août-Octobre 2019

(lily) #1
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Cerveau, mémoire, Sommeil... Cerveau, mémoire, Sommeil... Dossier 45


Pourquoi n’avons-nous pas tous la même mémoire?


Se souvenir des événements personnels de sa vie et pouvoir les revivre parfois dans
le moindre détail contribue non seulement à notre construction en tant qu’individu
mais conditionne également notre relation aux autres. Mais cette capacité de sou-
venir n’est pas la même d’un individu à l’autre...

Cette capacité de notre cerveau à stocker des
souvenirs et à les revivre en les restituant,
même après bien des années, est connue
depuis longtemps chez l’homme sous le nom
de « mémoire épisodique ». Chaque moment
particulier de notre vie est ainsi composé de 3
types d’informations : ce qui s’est passé, où,
quand ou à quelle occasion. Ces informations,
mémorisées comme un tout, constituent la
définition d’un souvenir et sont encodées de
façon plus ou moins fidèle dans nos circuits
neuronaux.

Si on s’en tient à cette définition opération-
nelle de la mémoire épisodique, il est légi-
time de penser que les animaux sont eux aussi
capables de garder une trace d’un événement
vécu. Pour autant, comment le tester chez
des animaux sans langage? Peuvent-ils le
montrer au travers de leur comportement?
Deux équipes du Centre de Recherche en
Neurosciences de Lyon et du Centre de
Neurosciences Paris Sud-NeuroPSI d’Orsay
proposent un nouveau modèle expérimental
destiné à étudier chez l’animal le substrat neu-
ronal de cette mémoire si particulière.

Les chercheurs introduisent dans la vie rou-
tinière des rats des événements occasionnels

mémorables et testent le souvenir qu’ils en
gardent 24h ou un mois plus tard. L’origina-
lité de l’étude est d’avoir utilisé chez le rat
une tâche très similaire à celle proposée par
l’équipe lyonnaise pour étudier la mémoire
épisodique chez l’homme.

L’un des résultats les plus marquants est la
démonstration qu’il existe chez l’animal,
comme chez l’homme, une variabilité indi-
viduelle importante du contenu du souvenir.
Ainsi, pour un groupe de rats n’ayant été
exposé que brièvement à deux épisodes dis-
tincts, un tiers des animaux est capable de se
rappeler de toutes les informations composant
l’événement vécu. Le reste du groupe se dis-
tribue en différents profils en fonction du type
d’information rappelé.

L’analyse du fonctionnement cérébral de
chaque individu peut ensuite être mise en
relation avec son profil de souvenir. Ainsi,
l’étude montre que l’hippocampe est néces-
saire au rappel de l’ensemble de l’événement
et que le souvenir est associé à l’activation
d’un vaste réseau neuronal au sein duquel une
activité conjointe du cortex préfrontal et de
l’hippocampe est positivement corrélée aux
capacités des animaux à se souvenir de façon

fidèle de l’événement vécu.
Ce modèle expérimental ainsi que les résul-
tats obtenus offrent de nouvelles perspectives
d’étude des mécanismes neuronaux, encore
assez peu explorés, de cette forme complexe
de mémoire dont l’intégrité est souvent mise
à mal dans les maladies neurodégénératives.

Chapeau, cerveau!
Voici l’ouvrage documentaire jeunesse qui sert de référence à la nouvelle exposition permanente sur le
cerveau de la Cité des sciences et de l’industrie de Paris. Cet album explore pas à pas, à travers les images
et les mots, la plupart des fonctions majeures du cerveau.

Ce parcours est organisé en plus de vingt-cinq doubles pages thématiques présentant chacune l’une de
ces fonctions, exprimée par un verbe : bouger, voir, goûter, ressentir, mémoriser, imaginer, rire, parler,
compter, décider, etc. L’ensemble de l’information scientifique est validé par le professeur Laurent Cohen,
de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM). Attractive, solide et stimulante, une excellente
initiation de niveau collège, à partir de 11 ans.
« Chapeau, cerveau! », par Jean-Baptiste de Panafieu
Casterman/Cité des sciences et de l’industrie – 2015 – 56 pages – 13,95 €

Voici l’ouvrage documentaire jeunesse qui sert de référence à la nouvelle exposition permanente sur le
cerveau de la Cité des sciences et de l’industrie de Paris. Cet album explore pas à pas, à travers les images
et les mots, la plupart des fonctions majeures du cerveau.

Ce parcours est organisé en plus de vingt-cinq doubles pages thématiques présentant chacune l’une de
ces fonctions, exprimée par un verbe : bouger, voir, goûter, ressentir, mémoriser, imaginer, rire, parler,
compter, décider, etc. L’ensemble de l’information scientifique est validé par le professeur Laurent Cohen,
de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM). Attractive, solide et stimulante, une excellente
initiation de niveau collège, à partir de 11 ans.

44 Dossier Cerveau, mémoire, Sommeil... Cerveau, mémoire, Sommeil...


Les humains virtuels au service


de la médecine du sommeil


Les troubles du sommeil touchent 15 à 20 % de nos concitoyens avec des consé-
quences médico-économiques très importantes. La somnolence diurne est, en par-
ticulier, responsable de nombreux accidents et son dépistage est un enjeu de santé
publique majeur. Pour diagnostiquer ce symptôme, pourquoi ne pas faire appel à un
collaborateur virtuel?

Le développement des outils de réalité vir-
tuelle appliquée au champ médical est en
pleine expansion et vise à créer des outils
accessibles à la fois pour le patient et le
médecin afin d’améliorer la prise en charge
des pathologies. Les agents conversationnels
animés sont des logiciels issus de l’informa-
tique émotionnelle (Affective Computing) qui
ont été utilisés dans les interactions homme-
machine. Mais jusqu’à maintenant ce type de
logiciel n’avait pas été appliqué au champ de
la médecine du sommeil.

L’équipe de Pierre Philip, de l’unité Sommeil,
attention et neuropsychiatrie (Université de
Bordeaux) a créé un agent conversationnel
animé capable de conduire un entretien médi-
cal permettant de diagnostiquer la somnolence
diurne excessive sur les bases d’une échelle
validée de mesure de cette somnolence.

32 patients et 32 sujets sains ont participé à un
entretien médical avec un médecin spécialiste
du sommeil afin de compléter l’échelle de

somnolence. Ils ont ensuite eu un entretien
avec l’agent conversationnel animé pour com-
pléter de façon identique la même échelle de
somnolence. Ces travaux montrent une cor-
rélation très significative entre les scores me-
surés par l’agent
conversationnel
animé et le score
mesuré par le spé-
cialiste du som-
meil. La majorité
des sujets testés
ont considéré que
l’échange avec
l’agent conver-
sationnel animé
était de nature
plaisante. 65 %
des participants
ont considéré que

ce médecin virtuel pouvait amener une aide
significative au médecin réel dans la prise en
charge des pathologies du sommeil.

Ces résultats, qui sont une première dans le
dépistage des troubles du sommeil, ouvrent
des perspectives nouvelles très intéressantes
dans l’usage des humains virtuels dans la prise
en charge médicale. L’accroissement attendu
des plaintes de sommeil dans un futur proche,
lié au vieillissement des populations et aux
modifications des rythmes de vie, donne à
penser que les agents conversationnels animés
seront un élément clé du dispositif de prise en
charge des pathologies du sommeil.

actuaLité Cerveau, mémoire, sommeil

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