Science Du Monde N°4 – Août-Octobre 2019

(lily) #1
Science magazine n°61^9

BrèveS ActuAlités 29


Et si un humain tenant un outil était ca-
pable de percevoir tactilement son envi-
ronnement, non pas uniquement avec
l’extrémité de l’outil mais avec l’intégralité
de ce dernier?

Le sens du toucher intervient de façon capitale
dans le contrôle qu’un individu a de ses mains,
et par extension des outils à travers lesquels le
toucher lui permet de percevoir son environ-
nement. Des chercheurs de l’Inserm au sein
du Centre de recherche en neurosciences de
Lyon (Inserm/Université Jean Monnet Saint-
Etienne/Université Claude Bernard Lyon 1/
CNRS) se sont intéressés aux mécanismes
permettant au cerveau de localiser le toucher
à travers les outils. Pour cela, ils ont utilisé
trois approches complémentaires à travers
plusieurs expériences de localisation d’un
coup porté sur un bâton tenu en main.

La première approche consistait à frapper à
différents endroits un bâton tenu en main par
un volontaire dont la vision était obstruée et
de lui demander de localiser l’impact. La pré-
cision de cette localisation s’est avérée aussi
efficace lorsque le choc était administré sur
le bâton, quel que soit l’endroit, que lorsqu’il
était administré sur le bras du volontaire. Ces
résultats démontrent la capacité humaine à
« incorporer » l’ensemble d’un outil tenu en
main comme s’il faisait partie de son propre
corps, le cerveau l’intégrant comme un organe
des sens à part entière.

La seconde approche se basait sur l’enregis-
trement des vibrations du bâton perçues à la
base de sa poignée et sur la peau de la main

le tenant. Les chercheurs ont observé que
les caractéristiques des vibrations du bâton
transmises à la main dépendaient de façon
prédictible de l’endroit de l’impact.

Enfin, dans la troisième approche, les carac-
téristiques des vibrations enregistrées dans la
seconde approche ont été traitées par un simu-
lateur informatique des réponses cutanées,
permettant ainsi de modéliser les réponses aux
vibrations des mécano-récepteurs (neurones
sensoriels de la peau) en contact avec le bâton.
L’équipe de recherche a ainsi observé que les
mécano-récepteurs étaient capables de déchif-
frer très précisément les motifs vibratoires
du bâton. Ceux-ci étant strictement dépen-
dants de l’endroit de l’impact, le cerveau est
capable d’interpréter leur « profil » envoyé

par les mécano-récepteurs et par conséquent
de localiser la zone d’impact.

Cette étude montre que le cerveau humain
traite les outils comme des extensions senso-
rielles du corps de l’utilisateur, un mécanisme
que l’équipe de recherche se propose d’appe-
ler « perception étendue par les outils ». Ce
phénomène nouvellement décrit ici repré-
sente un nouveau paradigme qui pourrait
permettre d’améliorer la compréhension des
phénomènes d’incorporations d’outils chez
l’être humain et de la perception sensorielle
des non-voyants, ainsi que l’appréhension de
l’utilisation des prothèses chez les personnes
amputées.

Quand l'outil devient un


vrai organe des sens


L’importance scientifique et patrimoniale
du gisement de Velaux-la Bastide Neuve est
de nouveau mise en évidence à travers cette
nouvelle découverte. Les fouilles paléon-
tologiques dirigées par Xavier Valentin et
Géraldine Garcia (Université de Poitiers)
et menées avec Pascal Godefroit (Institut
Royal des Sciences Naturelles de Bruxelles)

et l’association de recherche Palaios, en appui
avec la commune de Velaux et le Conseil
Départemental des Bouches-du-Rhône, ont
depuis plusieurs années permis de redon-
ner vie à un riche écosystème de la fin du
Crétacé (-72 millions d’années). Mistrala-
zhdarcho maggii vient désormais s’ajouter
à un bestiaire déjà bien fourni, composé de

nouveaux dinosaures tels que le sauropode
Atsinganosaurus velauxiensis et l'ornithopode
Matheronodon provincialis, mais aussi de
dinosaures carnivores, de tortues et de cro-
codiles. Des requins primitifs (hybodontes)
et des poissons-alligators (lépisostées) peu-
plaient également les eaux de cette plaine
alluviale. (Source : INEE)

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28 ActuAlités BrèveS


le raisin protège du cancer du poumon


Déjà efficace en prévention des cancers
du tube digestif, le resvératrol, molécule
présente dans le raisin et que l'on retrouve
dans le vin rouge, a prouvé son intérêt grâce
à un nouveau mode d'administration...

Le cancer du poumon est le plus mortel au
monde, et 80% des décès qui lui sont impu-
tables sont liés au tabagisme. En complément
de la lutte antitabac, des stratégies efficaces
de chimioprévention sont donc nécessaires.
Si ses propriétés chimiopréventives contre
les cancers affectant le tube digestif ont été
documentées dans des études précédentes, le
resvératrol restait jusqu’ici sans effet sur les
cancers du poumon.

Une étude menée par une équipe de l’UNIGE
vient de montrer cependant des effets pré-
ventifs contre ce cancer. Le resvératrol est
pourtant une molécule a priori peu adaptée à la
prévention du cancer du poumon : lorsqu’elle
est ingérée, elle est métabolisée et éliminée
en quelques minutes, et n’a donc pas le temps
d’atteindre les poumons. « C’est pourquoi
notre défi a été de trouver une formulation
permettant de solubiliser le resvératrol en
grande quantité, alors que ce dernier n’est
que peu soluble dans l’eau, pour permettre
une administration par voie nasale. Cette

formulation, applicable chez l’homme,
permet au composé de parvenir jusqu’aux
poumons », explique Aymeric Monteillier,
chercheur à la section des sciences phar-
maceutiques de la Faculté des sciences de
l’UNIGE et premier auteur de l’étude.

La concentration de resvératrol dans les
poumons obtenue avec cette formulation
administrée par voie nasale est en effet
22 fois supérieure à celle que permet une

administration orale. Le mécanisme de
chimioprévention à l’oeuvre est probablement
lié à l’apoptose, le processus par lequel les
cellules programment leur propre destruction
et auquel échappent les cellules cancéreuses.
L’équipe de recherche de l’UNIGE va main-
tenant s’attacher à chercher un biomarqueur
qui pourrait contribuer à la sélection des per-
sonnes éligibles à un traitement de prévention
par le resvératrol.

La découverte d'un fossile unique de pté-
rosaure du Crétacé de Provence (site de
Velaux, Bouches-du-Rhône), l'un des plus
complets pour cette période en Europe,
vient d’être faite par une équipe de paléon-
tologues franco-belge.

Les restes de ptérosaures, reptiles volants de
l’ère secondaire, sont assez mal connus pour
ce qui est du Crétacé européen. En effet, la
plupart des fossiles récoltés correspondent à
des ossements isolés, souvent fragmentaires et
difficilement déterminables. Une découverte
unique réalisée dans le gisement de Velaux-la
Bastide Neuve, près d’Aix-en-Provence, nous
permet d’obtenir de précieuses informations

sur l’anatomie et l’identité des ptérosaures
présents dans le sud de la France au Crétacé
supérieur.

Les différents ossements mis au jour à Velaux,
appartenant très probablement à un seul et
même individu d'environ 4,5 mètres d'enver-
gure, représentent à la fois des éléments crâ-
nien (mandibule) et postcrâniens (vertèbres,
omoplates, os longs...). Après avoir identifié
ce squelette partiel comme appartenant à la
famille largement répandue des azhdarchidés,
l’étude détaillée du spécimen a révélé qu’il
s’agissait d’un nouveau genre et espèce, Mis-
tralazhdarcho maggii, dont le nom fait direc-
tement référence au célèbre vent provençal.

Les azhdarchidés sont des ptérosaures édentés
pouvant atteindre pour certains une bonne
dizaine de mètres d’envergure.

Mistralazhdarcho maggii partage une parti-
cularité anatomique avec un autre membre
de cette famille, Alanqa saharica, découvert
quant à lui au Maroc dans des dépôts un peu
plus anciens. Ces deux formes de même en-
vergure possèdent une lame osseuse située
au milieu de la mandibule et qui devait venir
s’emboiter au niveau de la mâchoire supé-
rieure, entre deux protubérances latérales. La
fonction d’une telle structure, même si elle
semble avoir été liée à un régime alimentaire
spécialisé, demeure encore mystérieuse.

© UNIGE

un nouveau reptile volant dans


le ciel provençal du crétacé


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