Science Du Monde N°4 – Août-Octobre 2019

(lily) #1
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54 dossier la « fin » du kilogramme


Une mesure plus fiable s'imposait pour le ki-
logramme, mais aussi pour l’ampère, le kelvin
et la mole. En 2017 furent fixées dans cette
optique les valeurs exactes des constantes h
(constante de Planck), e (charge élémentaire),
k (constante de Boltzman) et NA (constante
d’Avogadro). Et en novembre 2018, la 26e
Conférence générale des poids et mesures,

réunie à Versailles et regroupant 58 Etats, a
officialisé la redéfinition des unités de mesure
à partir de ces constantes.

La mise en vigueur de cette décision est
prévue pour mai 2019. Il s'agit donc vérita-
blement d'un changement historique dans
l'univers de la métrologie, la science des

mesures. Dorénavant, toutes les unités de base
du Système international sont redéfinies en
référence à sept constantes physiques dont la
valeur exacte est définitivement fixée. Elles
auront ainsi un caractère réellement pérenne
et universel.

Chronologie du Système international d’unités (SI)
◗ 1795
Adoption définitive par la Convention du système métrique décimal, à visée universelle.

◗ 1799
Les premiers étalons du mètre et du kilogramme, réalisés en platine, sont déposés aux Archives nationales de France.
◗ 1875
La Convention du mètre est signée par 17 pays. Ce traité, toujours en vigueur, crée le Bureau international des poids et
mesures (BIPM).
◗ 1889
La première Conférence générale des poids et mesures (CGPM) définit la seconde astronomique et adopte de nouveaux
étalons pour le mètre et le kilogramme.
◗ 1954
Introduction de l’ampère, du kelvin et de la candela comme unités de base, respectivement pour le courant électrique, la
température et l’intensité lumineuse.
◗ 1960
Institution du Système international d’unités (SI), qui définit notamment 6 unités de base (les 7 actuelles sans la mole)
et les unités qui en sont dérivées.
◗ 1967
Abolition de l’ancienne définition astronomique de la seconde, fixée à 1/86400 d’un jour moyen, pour une définition
quantique plus précise fondée sur la transition entre deux niveaux d’énergie d’un atome de césium 133.
◗ 1971
Introduction de la mole comme unité de base pour la quantité de matière.
◗ 1983
Nouvelle définition du mètre fondée sur une constante physique fondamentale : la vitesse de la lumière.
◗ 2017
Fixation des valeurs exactes des constantes h, e, k et NA qui seront utilisées pour la future redéfinition du kilogramme,
de l’ampère, du kelvin et de la mole.
◗ 2018
Les 7 unités de base du SI sont désormais toutes fondées sur des constantes de la physique.
(Source : CNRS)

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la « fin » du kilogramme la « fin » du kilogramme dossier 53


Unifier les mesures à l'international


L'étalon kilo s'allège...


Pourquoi un tel bouleversement? Pendant
longtemps, nos mesures n'ont pas fait preuve
d'unification. Elles étaient basées notamment
sur les mesures du corps humain, comme le
pied. Personne ne possédant la même lon-
gueur de pied, le pied du roi était choisi
comme référence. Or le pied romain, par
exemple, est plus court que le pied anglais
ou que le pied français! Les échanges com-
merciaux demeuraient approximatifs...

Lors de la Révolution française, on a souhaité
mettre un terme à cette hétérogénéité des uni-
tés de mesure, dans un idéal d'universalité. En
1791, ce fut l'adoption du système métrique
décimal, imposé sur tout le territoire fran-
çais. Le calcul du mètre a résulté des travaux

colossaux menés par deux astronomes, De-
lambre et Méchain qui, pendant sept ans, ont
mesuré une fraction du méridien de Paris,
entre Dunkerque et Barcelone. Le mètre cor-
respondait à dix millionième de la longueur
de ce méridien. A partir de cette définition a
été réalisé le premier étalon matériel du mètre
en 1889.

Mais peu à peu, les unités de mesure ont été
redéfinies en fonction des progrès de la phy-
sique pour obtenir une plus grande précision.
Ainsi, en 1967, l'ancienne définition astrono-
mique de la seconde, fixée à 1/86400 d’un
jour moyen, a été remplacée par une définition
quantique plus exacte fondée sur la transition
entre deux niveaux d’énergie d’un atome de

césium 133. Ou encore, en 1983, on a donné
une nouvelle définition du mètre fondée sur
une constante physique fondamentale : la
vitesse de la lumière.

En ce qui concerne le kilogramme, on avait
conservé depuis 1889 un étalon matériel. Pro-
tégé précieusement sous une triple cloche dans
un coffre-fort, à Sèvres (Hauts-de-Seine), ce
cylindre de platine iridié était aux côtés de 6
« témoins » afin de s'assurer que sa masse ne

variait pas. Or, mystérieusement, le poids de
ces différents cylindres n'est plus le même
aujourd'hui : il diffère de plusieurs dizaines
de microgrammes par rapport au grand K.
Ce dernier aurait perdu quelques atomes au
fil du temps...

Les 7 mesures du monde sont...
◗ Le mètre : longueur
◗ Le kilogramme : masse
◗ La seconde : temps
◗ L’ampère : intensité du courant
électrique
◗ Le kelvin : température
◗ La mole : quantité de matière
◗ La candela : intensité lumineuse

Un kilo pèsera
toujours un kilo...
...mais il ne sera plus défini par
rapport à un prototype matériel
pesant par définition exactement
un kilogramme. Il est défini dé-
sormais par rapport à la valeur
exacte fixée de la constante de
Planck (h). Un nouvel étalon du
kilogramme est réalisé à partir de
cette constante.

L'ancienne définition - le kilo-
gramme est l’unité de masse, il
est égal à la masse du prototype
international du kilogramme - est
remplacée par : le kilogramme
(kg) est l’unité de masse du SI,
il est défini en prenant la valeur
numérique fixée de la constante
de Planck (h) égale à 6,626 070 15
× 10–34 lorsqu’elle est exprimée en
J.s, unité égale à kg m^2 s-1, le mètre
et la seconde étant définis en fonc-
tion de c et vCs*.

* J.s = joule seconde ; c = vitesse de la lumière ; ΔνCs = fréquence de la transition hyperfine de l’état fondamental de l’atome de césium.

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