Beaux Arts Magazine N°422 – Août 2019

(Kiana) #1
18 I Beaux Arts

L’ESSENTIEL MONDE


E


n chaldéen, son nom signifie «porte des dieux»
(de Bab, porte, et El, Dieu). Imaginez
des jardins suspendus, une double enceinte
de remparts, des portes monumentales en briques
vernissées, un palais royal somptueux et une ziggurat
de 90 mètres de haut (soit sept étages) passée
à la postérité sous le nom de Tour de Babel.
La cité mésopotamienne de Babylone, située
à 100 km au sud de Bagdad, a rejoint le 5 juillet
la prestigieuse famille de l’Unesco lors de la
43 e session du patrimoine mondial. Une belle victoire
pour les autorités irakiennes après cinq tentatives
infructueuses depuis 1983 pour faire inscrire la cité
antique de 10 km^2 , dont seuls 18 % ont fait l’objet
de fouilles. Dans sa déclaration liminaire,
l’Unesco a précisé que les «conditions extrêmement
vulnérables» du site soulevaient de «sérieuses
inquiétudes», plusieurs structures menaçant
de s’effondrer. Pour aider à sa conservation, un plan
d’action sera mis en place avec les autorités locales.

Une terre malmenée par l’histoire récente
La cité née sur l’Euphrate il y a 4 000 ans et conquise
par Cyrus, Darius et Alexandre le Grand, a subi
ces quatre dernières décennies de nombreux outrages.
Sur cette terre reconnue comme le «berceau
de l’humanité», qui vit s’édifier les premières villes
au monde et inventa l’écriture, la perte due aux vols
et destructions est considérable. Dans les années 1980,
Saddam Hussein avait lancé un vaste projet de
reconstruction, recouvrant sans vergogne les ruines
de reproductions à l’identique des édifices du passé.
En 2003, lors de la guerre, le site a servi de base
militaire aux troupes américaines et polonaises.
Des travaux de terrassement, la construction d’un
héliport, l’utilisation de terre contenant des vestiges
archéologiques, et des infiltrations de carburant dans
le sous-sol ont durablement endommagé l’ancienne

capitale de la Babylonie. Cependant, depuis dix ans,
de gros efforts ont été déployés par le gouvernement
irakien – avec l’aide du Fonds mondial pour
les monuments – pour protéger, restaurer
et valoriser la cité de Nabuchodonosor, ouverte
désormais aux visiteurs. Ainsi, 44,5 millions
d’euros ont déjà été alloués pour sa sauvegarde.
La localisation de «la plus grande ville peuplée
de l’histoire antique» ne fut jamais perdue.
Les premières fouilles furent entreprises au début
du XXe siècle par Robert Koldewey (1899-1917)
pour la Deutsche Orient-Gesellschaft. Des équipes
italiennes en 1974, et irakiennes dans les années 1980,
ont permis de préciser les connaissances sur le site.
En France, le musée du Louvre (département
des Antiquités orientales) conserve quelques objets
provenant de Babylone, comme le Lion passant,
un panneau appartenant au décor de la Voie
processionnelle qui conduisait du temple de Marduk
au temple de l’Akitu, ou encore le célèbre Code
de Hammurabi (XVIIIe siècle avant J.-C.), une stèle
trouvée à Suse en 1901. Reste que la plus importante
collection se trouve à Berlin au Vorderasiatisches
Museum (musée de l’Asie mineure), lequel conserve
la Voie des processions et la fameuse Porte d’Ishtar
[ill. ci-contre]. Avec cette décision de l’organisation
culturelle onusienne, l’Irak, qui recense pas moins
de 7 000 sites archéologiques, en compte désormais
six inscrits au patrimoine mondial (la citadelle
d’Erbil, les marais de Mésopotamie, Babylone, Hatra,
Samarra et Assour – les trois derniers sur la liste du
patrimoine en péril). Cette inscription «va encourager
les recherches et les aménagements sur le site»
et «faire de la publicité gratuite pour le tourisme»,
expliquait Qahtan al-Abeed, directeur des Antiquités
de Bassora, qui a porté le dossier auprès de l’Unesco.

En Irak, la cité mésopotamienne vieille de 4 000 ans rejoint le cercle très fermé de l’Unesco.


Par Françoise-Aline Blain

https://fr.unesco.org/events/43e-session-du-comite-du-patrimoine-mondial

Babylone enfin inscrite au patrimoine mondial!


Construite sur ordre
de Nabuchodonosor II
en 580 av. J.-C., la Porte
d’Ishtar est l’aboutissement
de la Voie processionnelle
et l’une des huit portes
intérieures de Babylone.
Elle est visible à Berlin,
où elle a été reconstituée
au Pergamonmuseum.
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