Beaux Arts Magazine N°422 – Août 2019

(Kiana) #1

86 I Beaux Arts


Les femmes n’ont pas forcément besoin de consommer
l’amour physique pour se consumer de désir, comme le
montre très bien le thème de l’extase, ce sentiment d’être
transporté hors de soi-même, par un élan mystique ou un
spasme orgasmique. Dans la Rome baroque, Le Bernin a
livré l’une des plus célèbres expressions de l’extase mys-
tique en la personne d’une carmélite espagnole. Il s’agit de
Thérèse d’Ávila (1647-1652), qui aurait reçu en plein cœur
une flèche d’amour tirée par un ange. Sainte Thérèse est
affaissée, les yeux fermés, la bouche entrouverte. D’autres
artistes ont plus franchement traité le thème de l’orgasme

Mesdames rêvent


Avec l’Extase de sainte Thérèse, Le Bernin a montré le premier,


dans un grand spasme baroque, ce que nul n’avait osé représenter...


féminin : Auguste Clésinger dans Femme piquée par un
serpent (1847), Brassaï dans le Phénomène de l’extase (1933),
ou encore certains grands nus de l’artiste pop américain
Tom Wesselmann. Toutes sont allongées, les yeux clos, le
corps renversé. Elles semblent entre la vie et la mort, exté-
nuées par leur propre fantasme. Sans personne à l’horizon!
Le peintre libertin Jean-Honoré Fragonard a excellé dans
ces sujets. Dans le Feu aux poudres (vers 1765), une jeune
fille se laisse aller à sa rêverie, dont l’objet est dévoilé par
de malicieux putti (angelots joufflus et moqueurs)...il s’agit
manifestement d’un abandon à la lascivité. L’œuvre est
intéressante car elle montre le plaisir vécu de manière soli-
taire, la jeune femme étant concentrée sur sa jouissance.
C’est aussi le cas dans une célèbre estampe érotique de
Katsushika Hokusai connue sous le titre du Rêve de la
femme du pêcheur (1814). Cette femme à la pilosité visible
rêve manifestement d’être possédée et sucée par un
monstre tentaculaire. Un fantasme qui peut sembler un
brin bizarre, mais qui est en phase avec la pensée animiste
irriguant les cultures anciennes du Japon. n

Gustav Klimt
Danaé
Lovée sur
elle-même,
Danaé,
transformée
en rousse
pulpeuse par
Klimt, symbolise
l’aba ndon
à l’amour.
Fécondée par
Zeus sous forme
d’une pluie d’or,
elle devient
elle-même fœtus
et image de la vie
à venir. L’œuvre
est une ode à
l’absolu féminin.
1907-1908, huile
sur toile, 77 x 83 cm.


Antoine d’Agata Japan
Évanescente, cette photographie représente le visage
renversé d’une Japonaise sur un lit. Le drap forme autour
d’elle un méandre quasi aquatique. Est-elle en train
de jouir sous le poids d’une étreinte invisible? Est-elle
une moderne Ophélie ? La torsion du corps est ici un moyen
d’accès à une fiction érotique et intemporelle.
2004, photographie numérique noir et blanc.
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