Le Monde Magazine Du 27 Juillet 2019

(Dana P.) #1

empêchélepaysd’avancer.Dansceface-à-faceaveclepouvoir,leurvoixa
étéleurmeilleurealliée.Lesanciensprésidentsonteudroitàleurrefrain.«Sous
Boumediene(1965-1978),c’étaitcodé»,préciseMustapha.ChadliBendjedid
(1979-1992)aétéle«voleurde devises».ContrairementàAhmedBenBella,
premierchefd’Étatde1963à1965etancienprésidentd’honneurdel’USM
d’Alger,fanduclub.Lorsdesémeutespopulairesrépriméesdanslesangen
octobre1988, qui avaientdémarrédu quartierpopulairede Bab el-Oued,
les supporteursde l’USMAavaientdédié un refrain qui résonneencore
aujourd’huidans le stade,Babel-OuedChouhada(«Bab el-Ouedmartyr»).
Etaprèsl’interruptiondesélectionslégislativesalgériennesde1991pourempê-
cherleFrontislamiquedusalut(FIS)deprendrelepouvoir,lafouledustade
criait«FIS,FIS,niquela police».«Maisce n’étaitpasparidéologieislamiste,
rappelleMustapha,c’étaitjusteparoppositionausystème.Notreobsessionétait
debattrele FLN.»Quand Ali Haddad,riche hommed’affaires proche de
Bouteflikaarachetélecluben2010,lesusmistesontcrééuncouplethostile
spécialementpourlui.Depuisquelquessemaines,Haddadestenprisonpour
dessoupçonsdecorruptionetl’USMAdevaitêtrevendue...Lesgradinssont
devenusleseulendroitoùl’oppositionfrontaleaurégimeétaitd’unecertaine
façon«tolérée».Ilyabieneuunevolontédel’étoufferenimposantdesmatches
àhuisclos.Sanssuccès.Leschantsontcontinué.
Mais commentcetteCasadelMouradiaa-t-elle pu trouver un écho aussi
puissantpartoutenAlgérie?«Toutsimplementparcequela chansonesttom-
béeaubonmoment»,expliqueMehdiDahak,journalisteàDZfoot,quiétait
présentlorsdelamarchedu22févrieràAlger.Cetaprès-midi-là,lescontesta-
tairesonthurlédessloganspolitiquescontrelecinquièmemandatduprési-
dent,puissontarrivésdesjeunes,parmilliers,desquartierspopulaires.Parmi
eux,desmembresdel’OuledElBahdjaetdessupporteursdel’USMAqui
n’attendaientque cela :dénoncerle«systèmepourri».Etils se sont mis à


entonner la fameusechanson en plein cœur de la capitale.
Depuis,elles’esttransmisechaquevendredi,àchaquemanif,
danschaqueville.Commece8mars,enfindejournée.C’est
latroisièmemarchepourla«dignité»etcontrele«système»;
probablement,l’unedesplusimpressionnantesdecehirak,
ce«mouvement»inéditdecontestation,avecplusd’unmil-
liondemanifestantsrienqu’àAlger.C’estcommesilepays
venaitdedéversersonpeupledanslestravéescabosséesde
lacapitale.Bouteflikas’accrocheencoreàsonfauteuilroulant
et ne semble pas prêt àabdiquer(il finira par démissionner
le 2avril). Non loin de la GrandePoste, un jeune garçon,
maillotdel’USMAsurledos,levisageensueuretrougipar
desheuresdemarche,s’extirpedelafouleetgrimpesurun
rebordenpierredelastationdemétroTafourah.Encontrebas,
enfacedelui,seskho(«copains»)s’impatientent.«Attends,
attends»,hurle-t-ilsur eux.Le garçon reprendson souffle
avant de se lancer dans un flow :«C’estbientôtl’aubeet
le sommeilne vientpas...»Sesamisreprennentlecouplet,
puisdescentainesd’autres.Commeaustade.Enfants,fonc-
tionnaires,hadja(«vieille personne»),jeunes sans travail,
supporteursdeclubspourtantrivaux(commeleMouloudia
d’Alger)...Toutlemondelachante.LaCasadelMouradia,
avecsesquelquesaccordsdeguitareetsesvoixgraves,atou-
chéjuste,aupointderassemblerlesAlgériens.
L’Ouled El Bahdja,qui signifie«fils de la Joyeuse»(l’un
des surnomsd’Alger),acomposéd’autrestitres qui content
le quotidientragiquede ce pays dont plus de la moitié
delapopulation(42millionsd’habitants)amoinsde30ans

Lessupporteurs
de l’USMA
chantent
pendant
l’intégralitédes
rencontres. Ici,
àAlger,le21mai.

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