Le Monde Magazine Du 27 Juillet 2019

(Dana P.) #1
un pied, fera minederegarder ce qu’ilya
au boutdel’étalpourgagner uneplace.Il
faut direque le turbot à14euros le kilo est
uneaubaine.«Arrêtez de vous battre!»,
intervient Laetitia aveclassitude.Lapre-
mière cliente s’avanceet, dans un souffle,
commande seizesoles. Lesjeuxsontfaits.
En face,Jocelyne, la mamie du marché,
s’amuse d’assisteraumême cirque tous les
mardis. Elle sait qu’ensuite lesmêmesqui
trépignaient viendront calmementlui
acheterunkilodeCharlotte nouvelle.
Cuites àlavapeuretservies froides,ses
pommes de terresontles compagnes
rêvéesdes soles. Le turbot se suffit àlui-
même,toutcommeles seiches,sifraîches
qu’elles croquentcommeunradis doux.
Lesmoulesdepleinemer que d’autres
auront achetées devant la poissonnerie
municipale,elles,auraientbienbesoin
de quelquesoignonset, pourquoipas,
de menthefraîche. Pour conclurelerepas,
Jocelyne envoie lesmoins avertis vers
sonamourplatonique,celui quilui fait
face hivercommeété :Rémilefromager,
homme tendre au caractèreaussi affirmé
que sesproduits.
Lesbras chargésdefraîcheurs maritimes,
lesdames auraientpresque oublié leurs
chiens s’ils n’avaient tiré surleurs laisses
en signedevictoire. Ellestrottinentvers
leurs cuisines. Dans quelquesheures, la
dégustationpourra commencer.

S


ur le quai face auxescaliersqui
descendentde la vieilleville,
tout est encore calme. Une
dizainedepetites remorques
paraissent abandonnées, face au port
du Tréport.Lamer acette vibration
doucedigne desjours de grandescha-
leurs.Miroir lustré dans lequel se reflète le
ciel matinal.Ilest 8h30. Au café-PMU,
desdames prennentlecafé,chacune un
petitchienàleurs pieds. Ellesguettentle
quai.Vers8h45, commeune seule
femme, ellesselèventetsedirigentvers
la remorquedumilieu.Thomas et Laetitia
arrivent quelquesminutes plustarddans
unecamionnette.Cette nuit,Thomas,
pêcheuretcapitaine duP’tit-Célestin,
asillonnélaManche jusqu’aupetit matin.
Tandis que Laetitiasortdequoiinstaller
le stand, Thomas décharge,caisse après
caisse,rougets,turbots,roussettes,


poissons-chiens,limandes, vives,étrilles,
araignées, bulots...çan’enfinitpas.
Lesdames ontété rejointespar des mes-
sieurs dontl’impatience fait penseràcelle
desparieurs.Tousles yeux sont rivés
vers lestrésors océaniquesdontcertains
sautent encore dans un dernierélanner-
veux.Tousles pieds trépignent. On ajuste
sa liste en silence. On apeurdenepas
avoir assezouque tout parte avantmême
que l’on aitpupassercommande.Plus
haut,lapoissonnerie municipale est fer-
méepourlaisserlaplace auxpêcheurs
quivendentendirect. Il n’yaurapas de
deuxième essai. On achoisisafile,son
pêcheur, on ne bougeplus.
Laetitia annonce l’ouverturedes ventes.
Un ballet àlafoishystérique et statique
commence,dames et messieurs tentant
de se doublerdequelquescentimètres
seulement. C’est àqui passeraunbras,

àvoiretàmanger

Pêchemiraculeuse.


un paniersousle bras, lessensen alerte:c’estl’heure
de découvrirsurlesétalslesspécialitéslocales.cette
semaine,poissonsàfoisonau portdu tréport,ennormandie.

parmariealine—illustrationyann kebbi

marché
conclu
Lesmardis et
samedis,sur le quai
François-Ier
thomaset
laetitia,
le“p’tit-
célestin”
Juste en face du
bar-PMUsur le quai
François-Ier.
jocelyne,
lamamie du
marché
Standen bordde
route, au piedde
l’escalierqui descend
de la vieilleville.
rémi
lefromager
En face de Jocelyne.
vendeuse
demoules
pleinemer
àl’entrée de la
poissonneriemunici-
pale,sur la droite.
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