Le Monde Magazine Du 27 Juillet 2019

(Dana P.) #1
27 juillet 2019—MLemagazinedu Monde

EllEEstlasEulEfEmmEprogramméEau DEmifEstival,
le festival de rapfrançais,àSète. Maiscela ne l’effraie
pas.Quelquesjoursavant la sortiede son premier
album,Mün,le 5juillet,il fallait voir Chilla,25 ans, sur la
scènede La Maroquinerie,àParis,materles«bon-
hommes»de son public.Elle les faisait d’abordhurlerle
refrain de son titretrèsféministe,Sale chienne,puislan-
çait un caustique:«Ils sonttrop chou!»Avant de les
prévenir :«Nevous amusezpas àdireçadans la rue,je
ne serai pas là pourvous protéger!»
Il yadeux ans,en pleinevague #metoo,lachanteuse
franco-malgachese faisait connaîtreavecdeux titres,Sale
chienneetSi j’étaisun homme.Deux morceaux en réac-
tion àlavagued’insultes misogynesqu’elle avait reçuesen
commentaires de ses premières vidéossur YouTube.
«Quandje me suis fait attaquersur les réseauxàgrand
renfort de “Salope,retournedans ta cuisine”,explique-t-elle,
j’ai voulu répondreenmusique.Jesouhaitaisque les gens
reçoivent la violencecommeje l’avais reçue.»Cesdeux
morceaux l’ont un peu trop viteenferméedansun rap
militant,maisavecMün,élaboré
pendanttrois ans avec Tefa,produc-
teur et anciencompositeur de
Diam’s, la jeuneartiste dévoile un
rapplus varié et plus complexe.
Elle qui s’étaitpromisde ne jamais
parlerd’amouryconsacreplusieurs
titres :Cœur sombre, Bridget, Solo...
Elle revient sur son apprentissagede
la vie sur les bancsdu collègedans
1 erjour d’écoleouPlus la même,sans
omettrepour autantde décocher
quelquesuppercutsdansOulalaou
Am stramgram.Uneévolution
qu’elle expliquegrâceaux concerts
donnésaprès la sortiede son pre-
mierEP,Karma,en 2017.«Labien-
veillance, l’amourque j’ai reçus pen-
dantcesconcerts m’ont apaisé,
explique-t-elle.J’ai lâchéprise.J’ai
comprisque je n’avais pas besoinde
prouver que j’étaislégitimedansce
milieu.J’aipris consciencedemes
failles, je voulaistrop prouver que
j’étaiscapablede tout faire:des
allitérations, des assonances... Dans
Karma,j’utilisais des motsqui, àpart
m’essoufflersur scène,n’apportaient
rienau sens.Je me suisaussi
demandé:“Mais pourquoi tu cries
quandtu rappes?Pourquoitu
pleures quandtu chantes?”»
Néeen Suisse maisélevéeàGex,
une petiteville frontalièredel’Ain,
Chilla,de son vrai nomMareva Rana,


aplus d’unatout pourelle.Violoniste depuisl’âge de
6ans, elle aparfait son oreillemusicaleen s’inscrivant,
après le bac,au conservatoiredeLyonpour étudierle
chantjazz.Fillede deuxéducateurs spécialisés,elle
financeses étudesen travaillantcommevendeuseou en
faisantdu baby-sitting.«C’est àLyonque je suis devenue
une adulte,reconnaît-elle.J’y ai écrit mes premiersraps,
m’y suis produitesur mes premières scènes,yaitrouvé
mes premiersboulots.C’estlàque j’ai commencéàm’as-
sumer.»Elle prétend aussi êtredevenuebonneélève
grâceaurap,musiquequi l’adoucit,écrit-elle dansl’al-
bum.Découvertesur le plateau de l’émission«Planète
Rap»deSkyrock, Chillaafini par emménageràParis
pourtravailleravec l’équipede Tefa.«Ils m’ont fait
prendreconsciencequ’il n’y avait que le travail qui payait,
résume-t-elle.Je me suis investie à200%. Ils m’ont fait
confiancelàoùjen’avais pas confianceenmoi. J’ai eu
envie de leur montrer que j’étais àlahauteur.»
1CD,Mün(sutherKane/Capitole). au Demi festival
du 7au9août, au théâtredelamer,àsète.

Elle s’est fait connaîtreavec


“Salechienne”et“Si j’étais


un homme”, deuxtitrescoups


de poingqui renvoyaientses


détracteursàleur misogynie.


Avec “Mün”, sonpremier


album, la chanteuse


Chilla


assoit sa légitimité danslerap


français.Elleserasur scèneau


festival de Sète,début août.


ParStéphanie Binet—Photo Matthieu Delbreuve

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