Strip-art.Languesdevipère.
ParAnnaHaifisch
Surunplateau.Dérèglement
chromatique.
ParValentinPérezLorsque,en1958, sort au JaponFleurs
d’équinoxe,de YasujiroOzu, ses fidèles
spectateurs yretrouvent avec bonheurson
sensdu mélodramefamilial(lehomu
dorama,ungenreàpart dansl’archipel),
sa caméra àhauteur de tatami,son goût
pourles plansfixes. Maisce quarante-
neuvièmefilm –c’est inédit–est en couleurs.
Le réalisateur afini par céder aux pressions
de la Shochiku, qui insiste depuisplusieurs
années.Cettefois, son studio de produc-
tion tientvraimentàceque les vedettes
fémininesdu film, InekoArimaet Fujiko
Yamamoto, soientchromatiquementsubli-
méesdanscettehistoireoùunpèrede
famillequi prône la libertérefuseàsafille
d’épouserle jeunehommequ’elle aime.Ozu
n’ajamaisétéavide de nouveauté:alors que
le Japonfut l’un des pays àlapointedu
cinémasonore, àlafindes années1920,lui a
attendu 1936 pour réaliserson premierfilm
parlant.Noir et blanc,lenteur,plans serrés
sur les visages,dramesminuscules,person-
nagesde la classe moyenne...Ilreproduit
«toujoursle mêmefilm»,assurent les cri-
tiques.«Jesais seulementcuisinerdu tofu,
se justifie l’intéressé commeune métaphore
àson minimalismerépété.Je saiscuisiner
du tofu frit, du tofu bouilli,du tofu farci. Les
côtelettes et autres metsraffinéssontpour
les autres réalisateurs.»
Lescouleursdésormaisàsaportée,Ozu
choisitde miserpource film sur le rouge,
sa teintefétichequi recouvrethéières,
papierspeints,lampes,fleurs.Lui qui est
peintreàses heures et prochede plusieurs
artistes(commeHashimotoMeiji ou
HigashiyamaKaii) composeses plans
commeune toile :pour contrasteravec
le vert de la pelousede golf,ilfait installer
sur le terrain des drapeauxqui flottent,
striés de jauneet de rouge.Toutefois,
jamaisde tonsaturénitropacidulé.Ila
souhaitélaisser«les couleursinaccen-
tuées,et même“décolorisées”»,explique-
t-il drôlement, adressant un pied de nezà
la Shochiku. La couleurl’apourtant
convaincu,définitivement.Jusqu’àsa
mort,en 1963, il ne reviendrajamaisau
noir et blanc.
Fleurs d’équinoxe(1 h57),deYasujiroOzu.
Première sortie en Francele15février 1969.
Ressortie en salle le 31 juillet.Jusqu’au 17 août, l’illustratrice allemandeAnnaHaifisch inventedenouvelles aventures
àThe Artist,lehéros de sesbandes dessinéespubliées chez Misma.
64IllustrationSatoshiHashimotopourMLemagazineduMonde.NannaHeitmann