La Provence Marseille du dimanche 21 juillet 2019

(Nandana) #1
Canicule obligeait, Cathy Racon-Bouzon est vité allée acheter
un ventilateur pour sa permanence parlementaire. La députée
LREMmarseillaise enaprofitépourprendre deux chiffonsàépous-
seter.Àpeine cinq euros."C’était pour la maison. J’ai donc payé en
deuxfois.Avec la carte de moncompte parlementaire pour le venti-
lateur, avec la CB personnellepour les chiffons".Zélée? Ou crain-
tive ?"Juste une question d’éducation. Personne n’aurait vu si
j’avaispayéleschiffonsavecmonindemnitéparlementaire,maisje
n’y ai même pas pensé. Je suis très rigoriste, pour un systèmeàla
scandinave".
Autant le dire, quand elle est arrivée du monde de l’entreprise à
l’Assemblée nationale,ilyadeux ans, Cathy Racon-Bouzon a"hal-
luciné. Il n’yavait aucun compte différencié, chacun pouvaits’ar-
ranger comme il le voulait avec ses comptes persos et ses indemnités
pour frais de représentation. Mais j’ai modéré ma vision depuis".
D’abord parce que la fameuse indemnitéreprésentative de frais de
mandat (IRFM) de5373 euros nets perçuecomme une avance
sans contrôle sur le compte person neldudéputé(6109 euros
pour les sénateurs) s’est changée début 2018 en avance de frais de
mandat (AFM). Et les parlementaires doivent désormais pouvoir
justifierdetouslesfrais,ainsiquelesfairecertifierparunex-
pert-comptable. "C’est plus clair commeça, on ne pilote plusàvue,
au solde",observeledéputé vauclusien LR JulienAubert, qui tra-
verse son deuxième mandat au PalaisBourbon."Mais on en vient à
tout surveiller, même l’achat d’un sandwich. On nous demande
même comment on dépense les 150 euros mensuels en liquide qu’on
nous attribue sans nécessité de fournir un justificatif. La suspicion
l’emporte sur tout".Des réserves quecomprendCathy Racon-Bou-
zon."Le système était fait de telle façon que personne n’était vrai-
ment coupable. C’était une question de conscience personnelle.
Mais il était nécessaire de moraliser. Et de montrercequ’on fait de
notre indemnité".
En l’occurrence, une foisôté le loyer de la permanenceparle-
mentaire, des frais d’électricité, internet et autres, des taxis vers la
gare ou l’aéroport, les deniers sont vite avalés. Mais il reste large.
"À la fin, je rendrai pas mal d’argentàl’Assemblée nationale",note
Cathy Racon-Bouzon qui profitedel’indemnitépour faire venir
chaque annéeune classed’élèves de sa circonscriptionàl’Assem-
blée. Initier les jeunesàladémocratie représentative, voilà qui ne
devrait pas offusquer. F.T.

Député écologiste (UDE) de la circonscrip-
tion de Gardanne, François-Michel Lambert
avait menacé de démissionner, ilya
deux ans, alors que la moralisation de la vie
politique lui imposait, en pleine affaire
Fillon, de se séparer de sa collaboratrice.
Car elle est aussi sa compagne."On nous de-
mande de devenir des moines ascètes",
s’emportait-il.

1


L’affaire de Rugymélange-t-elle tout?
On est dans la force du symbole. Au-delà
des questions d’illégalité, un ministre,numé-
ro deux du gouvernement qui demande desef-
forts fiscaux aux Français, ne peut se per-
mettre la moindre contradiction. Mais je
connais aussi des élus qui s’habillent avec des
costumes élimés et conduisent des voitures
fatiguées en public, alors qu’ils sont riches.
C’est une question d’apparence. Le problème
est qu’on érige en symbole la conduite de
toute morale politique. Ça va loin.

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Trop loin, selon vous?
Quand on interditàune conjointe de tra-
vailler avec son mari, alors qu’elleales com-
pétences,tous les diplômes requis et qu’elle y

passe sept jours sur septpour un salaire pla-
fonné, ilyaun problème. Sans doute que je
l’exploitais,d’une certaine manière. Mais j’au-
rais été moins embêté si j’avais embauché
quelqu’unànerien faire. Attentionàceque
tout n’aille pas dans ce sens.Ànepas dénon-
cer, juste pour le symbole, l’élu plus efficace
que moi parce qu’il rouleenAudi avec chauf-
feur, alors que je suis en Zoé. J’ai un collègue
quialâché son Audi pour acheter une 308.
Qui définit ces règles?

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Les choses ne vont-ellespas mieux de-
puis qu’ilyades règles?
Dans l’entreprise où je travaillais avant, il y
avait des règles et ça marchait. On peut tout
cadrer.Maisenpolitique, c’est d’abord une
questionderesponsabilités personnelles.
Comme il n’yaplus de confiance, on va avoir
de plus en plus de règles et de contrôles.Pour-
quoi pas?Mais ilyenaura toujours un pour
être plus moraliste que les autres. Au bout de
la logique, ilyazéro argentpublic pour dé-
fendre un choix politique. On ne deviendrait
que des techniciens. C’est comme quand j’ai
pris une voiture électrique roulantàl’énergie
verte et coopérative.Des écolos m’ont quand

même reproché le fait d’avoir une voiture.
Alors on fait quoi?Onvaauboulotàdos
d’âne?Ilyades limites.
Propos recueillis par F.T.

"Escroc, on te fera payer"tagué
en lettres rouges sur le mur du
domicile de François de Rugy. La
menacerésumel’époque. Elle
pique le moralisateur pris au
piège."Tout cela n’est que folie
médiatique",assurait hier l’an-
cien ministre de la Transition
écologique, alors qu’un rapport
parlementaire doit rendre mardi
des conclusions affirmant que
ses somptueux dîners étaient
"d’ordre professionnel".D’autres
choses lui sont cependant repro-
chées."Il afait une fraude fiscale
en payant ses cotisations avec son
indemnité de frais parlemen-
taires et en les défiscalisant",rap-
pelle le député LR de Vaucluse Ju-
lien Aubert. Auteur en 2016 du
livre "Salaud d’élu", il remarque
toutefois que"les Français re-
tiennent plus la faute morale des
dîners et le sentiment qu’on a
trop tiré sur la corde.Ils sont
convaincus que leurs élus ne leur
serventàrien et qu’ils ne
souffrent pas, contrairement à
eux. Tout cela n’est pas forcément
rationnel".L’affaire amèneàré-
fléchir,àtravers le tag inquisi-
teur, sur l’évolution de notre dé-
mocratie. La morale charriée par
des médias agissant en rafales et
des réseaux sociaux comme des
tsunamis,est-elle en train de
noyer l’éthique?"Où placer le
curseurentrecequi es tnon répré-
hensible et pasforcémentmo-

ral?"s’interroge Catherine Hus-
son-Trochain."Sachant que le
corpssocialn’accepteplusles
comportements déviants, où pla-
cer la ligne rouge entre l’éthique
et la morale qui est subjective ?"
C’est tout le travail de l’ancienne
magistrate aixoise,déontologue
du Conseil régional depuisjan-
vier 2016.Une nomination qui
correspondàlaprise de
conscience, par les politiques,
de la nécessité d’assainir leur rap-
portàl’argent. Elle date de l’af-
faireCahuzac et des loisde mora-
lisationdelavie publique
en 2013,suiviesdeux ans plus
tard d’une charte de l’élu local.
L’occasion de mettredes règles
là où il n’y en avait quasiment
pas."On est passé de l’opacité la
plustotaleautout le monde à
poil",résumele sénateurRN
marseillais Stéphane Ravier.
"C’était peut-être un mal néces-
saire. De mauvaises habitudes
avaient été prises,ycompris chez
les donneursdeleçons",
ajoute-t-il sans éluder les af-
faires qui frappent le mouve-
ment de Marine Le Pen, collabo-
rateurs parlementaires présu-
més fictifs ou comptes de cam-
pagnes."On nous scanne et on
nous metàladiète. L’affaire Ru-
gy, même s’il n’a pas commis de
crime, servira de leçon, j’espère."
Commelui, le mondepolitique
reste prudent. Il observe un ba-

lancierquis’affole."Êtreélu,c’est
être exemplaire,iln’y apas dé-
bat",balaieGeorgesCristiani,
maire de Mimet et président des
édiles des Bouches-du-Rhône.
"Onnepeutsepermettred’erreur
volontaire.Maisonestplacés
sous le feu de la dénonciation per-
manente,alorsquelescodesdes
marchéspublics,sansoublierle
civiletlepénal, évoluent
constamment.Onfaitdeserreurs
sanslesavoir.Etbeaucoupd’élus
locaux se découragent".Pour yre-
médier, des organismes multi-
plient les formations."La trans-
parence est un outil,signale Ca-
therineHusson-Trochain.Elle
permetdes’assurerqu’unélu
reste dans la conformité. Il est hu-
mainetpeutsetromper.Ellene
doitpasêtreduvoyeurisme.On
travaillebeaucoupsurlesconflits
d’intérêts,lescadeauxoucequi
estdudomaine du privé."De la
dentelle dans une période où la
sociétédétricote la démocratie
représentative."Letraitementde
cheval peut être salutaire,estime
StéphaneRavier.Maisonn’est
pasobligésd’êtreaupainsecetà
l’eau."Unjuste retour du balan-
cier devrait finir par s’imposer.
Alors que les gilets jaunes sont
dans les esprits, mieux vaut
"faire preuvedebon sens,préco-
niseGeorgesCristiani.C’estle
seulmoyendefairerevenirla
confiance." François TONNEAU

Cathy Racon-Bouzon, députée LREM de Marseille
et Julien Aubert, son collègue LR de Vaucluse. /PHOTO F.S. ET A.E.
François-Michel Lambert,
député de Gardanne

/PHOTO F.S

Où s’arrête la morale en politique?


L’affaire Rugyamis en lumière une société qui ne pardonne rienàses élus. Va-t-on trop loin?


Le sourire est un peu gêné,
mais le regard cherchant appro-
bation, voire une forme de com-
passion,endit long."On doit
tous dire qu’onaeutendance,
parfois,àselaisser alleràde
mauvaises habitudes",souffle
le parlementaire des
Bouches-du-Rhône."Des repas
dans de bons restaurants où on
ne regarde pas, même si on ne
va pas prendre des grands crus
non plus. Des courses en taxi là
où on aurait pu marcher, des
belles chemises ou des dépenses
qui sontàlafrontièreentre le
privé et le professionnel."
Des écarts de comportement
qui, faute de règles et aussi
parce qu’ils étaient faciles, ont
longtemps été jugés normaux.
Presque passés dans les
mœurs.
Ils ne sont plus possibles au-
jourd’hui,moralisation de la
vie politique et exigences ci-
toyennes obligent. Un"mal né-
cessaire",convient le sénateur
RN Stéphane Ravier qui per-
met aux politiques de jouer l’in-

trospection."On ne va pas se
mentir,glisse un adjointde
Jean-Claude Gaudin,on fait
maintenant beaucoup plus at-
tention. On ne demandeplus
au chauffeurderécupérerles en-
fantsàl’école ou de déposer les

parents chez le médecin en pas-
sant. Ça nous semblait naturel
alors que, quand onypense..."
Un ancien adjoint au maire de
Marseille reconnaît, lui aussi,
"de vilaineshabitudes qu’on
avait prises sanss’enrendre
compte, parceque toutle
monde le faisait, pas seulement
chez les élus et que personne ne
disait jamais rien. Ce sont des
petiteschoses en apparence,
comme se faire rembourser le

coiffeuroulepressing,acheter
lescigarettes ou les revues pour
madame avec l’enveloppe de la
mairie, mais qui, mises bout à
bout, finissaient par bien arron-
dir les fins de mois. On n’avait
pas non plus des traitementsfa-
ramineux", ajoute-t-il comme
pour se dédouanerunpeu,ou-
bliant que le cumuldes man-
dats permettait de multiplier
les revenus.
Ce qui n’est plus le cas au-
jourd’hui."C’est peut-être le
vrai sujet",remarque le député
LR vauclusien Julien Aubert.
"Si on veut avoir de bons élus
qui travaillent sans se poser de
questions, il faut bien les payer.
C’est comme les médecinsàqui
on demanded’êtrelàtoutle
temps. Il n’est pas normal
qu’un haut fonctionnaire
gagne plus que le ministre tra-
vaillant trois étages au-dessus,
alors que les responsabilités
n’ont rienàvoir."
Pas plus qu’il ne paraît lo-
gique, aux yeux du maire de Mi-
met Georges Cristiani que"les

conseillersmunicipauxsoient
bénévoles. Je partage donc mon
traitement de1200 eurosmen-
suelsaveceux.Quantauxfrais
dereprésentations,ilssontde
140 eurosparanetonn’y
touchepas. Si on va au restau-
rant, on paie avec notre ar-
gent".
Autant dire que les largesses
n’ont jamais existé ?"Notre si-
gnaturepeutrendrericheou
pauvre un propriétaire",re-
prend Georges Cristiani.
Une manière d’évoquerla

corruption, le favoritisme ou
les détournements de fonds pu-
blics qui jalonnent l’histoire de
la République, lescondamna-
tionsfaisantofficedecailloux
blancs.
F.T.

France


"On ne demande plus
au chauffeurde
récupérer les enfants
àl’école."

"Notre signature peut
rendre riche oupauvre
un propriétaire".

Les députés désormais


attentifsàleur sandwich


LES3QUESTIONS ÀFRANÇOIS-MICHELLAMBERTDÉPUTÉ UDE DES BOUCHES-DU-RHÔNE


"Le problème est qu’on érige en symbole


la conduitedetoute morale politique. Ça va loin"


Ces "mauvaises habitudes" qu’avaient prises nos élus


HATVPHATVPHATVP:H:Haute Autorité pour:Haute Autorité pourauteAutoritépourla Transparence de la Vie Publiquela Transparence de la Vie PubliquelaTransparencedelaViePublique


Ce que déclarent les élus


Membres
du gouvernement

Déclarations


d’intérêts


Contrôle publication

Déclarations


de patrimoine


Contrôle publication

Députés et sénateurs


Députés européens


Présidents de conseil
départemental
ou régional

Maires (communes
de-20000 hab.)

Maires (communes
de+20000 hab.)

Graphisme:SSADELLI

HATVP


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OUI


OUI


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NON


OUI


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NON


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EN
PRÉFECTURE

EN
PRÉFECTURE
(Depuis cetteannée)

NON


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NON


II Dimanche 21 Juillet
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