Le Monde - 15.02.2020

(Romina) #1
0123
SAMEDI 15 FÉVRIER 2020

ÉCONOMIE  &  ENTREPRISE


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L’


emploi des cadres mar­
quera un nouveau re­
cord en 2020, affirme
l’Association pour l’em­
ploi des cadres (APEC) dans ses
prévisions publiées vendredi
14 février ; 281 300 encadrants ont
été recrutés en 2019 et ils seront
5 % de plus cette année, soit
296 600. Le seuil des 300 000 de­
vrait être dépassé en 2022. « Cette
bonne dynamique va se poursui­
vre. Les entreprises continuent de
recruter massivement, car les
transformations exigent toujours
plus d’expertises », commente, le
directeur général de l’APEC, Ber­
trand Hébert, qui émet toutefois
un bémol pour les seniors qui
n’en profitent pas tous.
Quelques chiffres récents con­
firment cette orientation. Spécia­
liste de l’ingénierie, Alten a an­
noncé, le 11 février, le recrute­
ment de 4 400 postes en contrat à
durée indéterminée (CDI)
en 2020 (dont 1 900 en Ile­de­
France) : 4 000 ingénieurs,
260 business manager et 140 ca­
dres pour les fonctions supports.
Dans les télécommunications, le
6 février, la DRH d’Orange, Valérie
Le Boulanger, qui présentait son
plan stratégique « Engage 2025 »,
déclarait vouloir doubler le nom­
bre d’experts techniques d’ici
cinq ans pour atteindre plus de
20 000 personnes.

Transformation numérique
« En deux ans, ce sont
150 000 nouveaux postes qui ont
été créés », insiste Gaël Bouron,
responsable adjoint du pôle étu­
des de l’APEC. L’enquête annuelle
de l’association a été menée du
21 octobre au 31 décembre 2019
auprès de 10 000 entreprises re­
présentant 1,7 million de salariés.
Elle fait le bilan du nombre de
nouveaux CDI et contrat à durée
déterminée (CDD) d’au moins un
an, des promotions internes et
des départs depuis janvier 2019.
Depuis plusieurs années, le haut
niveau de recrutement a favorisé
leur mobilité, passée de 6 % à 9 %
entre 2015 et 2018. Mais, en 2019,

les entrées et les promotions in­
ternes ont été nettement supé­
rieures aux sorties, avec
74 800 créations nettes.
L’essoufflement de la croissance
économique, à + 1,2 % du produit
intérieur brut (PIB) en 2019, n’a eu
que peu d’impact sur le marché du
travail des cadres. Après trois an­
nées de progression à deux chif­
fres des recrutements, le rythme a
toutefois ralenti avec une hausse
de 6 % l’année dernière et de seu­
lement 5 % pour 2020. « Mais les
recrutements sont plutôt indexés
sur les investissements des entre­
prises, en hausse de 4,2 % en 2019 »,
explique M. Bouron. Cette année,
les entrepreneurs devraient
maintenir leur propension à in­
vestir, afin de poursuivre l’inté­
gration de la transformation nu­
mérique, analyse l’APEC.

L’emploi cadre est principale­
ment porté par la numérisation
de l’économie. Selon la Banque de
France, 40 % de la croissance des
investissements réalisés entre
2014 et 2019 sont imputables à la
transformation numérique.
Trois secteurs se sont partagé
45 % des recrutements et 40 % des
créations nettes d’emploi en 2019.
Ce sont, sans surprise, les activités
informatiques, l’ingénierie R&D,
et les activités juridiques­compta­
bles­conseil. Et 2020 s’engage sur
la même voie : 74 % des embau­
ches prévues le sont dans les ser­
vices et 45 % dans ces trois domai­
nes, soit 134 160 postes.
Certains secteurs industriels,
qui pourraient être affectés par le
ralentissement du commerce
mondial, jouent certes la pru­
dence. Toutefois, 14 % des embau­

L’emploi des cadres à des sommets en 


Les entreprises françaises devraient recruter 296 600 nouveaux salariés pour leur encadrement cette année


En Ile­de­France, le secteur privé


continue à recruter à tour de bras


Informatique, logiciel, ingénierie... de nombreux secteurs sont
en tension dans une région qui regroupe 25 % des salariés français

L’


Ile­de­France, premier
bassin d’emploi de
l’Hexagone avec 4,8 mil­
lions de salariés dans le secteur
privé – soit un salarié sur quatre
dans le pays –, va continuer à re­
cruter de manière soutenue
en 2020. Ce sont tout particulière­
ment les services qui devraient
soutenir la tendance dans cette
région qui représente 31 % du pro­
duit intérieur brut (PIB) national,
indique une enquête de la Banque
de France réalisée auprès de
14 800 chefs d’entreprise, tous
secteurs confondus, et publiée
jeudi 13 février. « Dans un contexte
international difficile, marqué par
un ralentissement de la croissance
et des échanges internationaux,
les entreprises franciliennes ont
bien tiré leur épingle du jeu
en 2019 », explique Jean­Pascal
Prevet, directeur régional Île­de­
France de l’institution.
Les sociétés du secteur de la
construction et des travaux pu­
blics, notamment, ont réalisé une
excellente année 2019, avec un
chiffre d’affaires en hausse de
4,7 %, et s’acheminent vers une
croissance plus modérée en 2020
(+ 2,3 %). L’industrie, après une

production en augmentation de
2,4 %, prévoit une progression de
1 % cette année, en raison d’une
conjoncture moins favorable
dans l’automobile. Dans ce sec­
teur, « l’année 2019 a connu une
stabilisation » des effectifs, essen­
tiellement due à la diminution
« drastique » du nombre d’intéri­
maires dans les usines de la ré­
gion, Renault à Flins et PSA à
Poissy, note l’étude.

Le BTP toujours porteur
Les services marchands devraient
connaître une année particulière­
ment dynamique (+ 4,3 % atten­
dus, après 3 % en 2019). Toutes les
branches des services ont recruté
l’an passé (+ 3,6 % au global) et
vont poursuivre sur cette lancée, à
l’exception notable de la publi­
cité. L’ingénierie technique (bu­
reaux d’étude), notamment, est
fortement pourvoyeuse d’em­
plois, dans un secteur en tension.
« Les compétences sont difficiles à
recruter et à conserver », a souligné
Danièle Koubi, responsable des
études économiques au sein de la
direction des affaires régionales
Ile­de­France de la Banque de
France. Les effectifs devraient y

augmenter de 5,4 % en 2020, au
même rythme que l’année passée.
Autre activité en tension : l’infor­
mation­communication, portée
par les activités informatiques et
le secteur des logiciels. Déve­
loppeurs, ingénieurs, chefs de pro­
jet sont toujours très demandés
alors que les embauches accélè­
rent encore (+ 5,6 % cette année,
après 3,8 % en 2019). Dans un autre
registre, les transports et l’entre­
posage, qui bénéficient de l’envo­
lée du e­commerce, cherchent des
manutentionnaires ou des chauf­
feurs pour acheminer les millions
de colis qui leur sont confiés, mais
souffrent d’un manque d’attracti­
vité qui pénalise les entreprises.
L’activité dans la région conti­
nue d’être portée par les métiers
du bâtiment, dans un contexte de
forte demande des particuliers
qui rénovent et réhabilitent mai­
sons et appartements à tour de
bras. Si bien que les entrepre­
neurs, qui ont fortement étoffé
leurs équipes (+ 4,7 % dans le gros
œuvre en 2019) et prévoient de le
faire encore en 2020, connaissent
des difficultés d’embauche, y
compris parmi les apprentis.
béatrice madeline

ches prévues en 2020 le sont dans
l’industrie. L’aéronautique, la chi­
mie, l’industrie pharmaceutique
sont bien orientés. Seuls deux
branches détruisent des postes
dans la hiérarchie : la distribution
et la communication.
« Structurellement l’économie
française a besoin de davantage
de manageurs. Les entreprises in­

vestissent et recrutent d’abord des
cadres », affirme M. Bouron. Par­
tout, les experts informatiques
s’arrachent! L’informaticien joue
sur du velours. Les entreprises en
recruteront 66 700 en 2020, soit
23 % du total des embauches de
cette année.
Qu’il s’agisse d’établir la cyber­
sécurité, de développer le marke­
ting digital ou d’acculturer l’en­
semble des salariés au scrum ma­
nagement (« méthode agile »),
tous les RH cherchent leurs ex­
perts. Prioritairement sollicités
par les groupes dont l’activité est
l’informatique, les informaticiens
le sont également par les entre­
prises juridiques, comptables, de
conseil et les banques.
Les profils de un à cinq ans d’ex­
périence sont toujours le cœur de
cible des recruteurs et représen­

tent 31 % des embauches prévues
cette année. Mais les jeunes diplô­
més (moins d’un an d’expérience)
pourraient bien surfer sur la va­
gue numérique : « ils représentent
17 % des recrutements annoncés et
sont particulièrement recherchés
par les entreprises des activités nu­
mériques et télécommunication »,
note l’APEC.
Enfin, les disparités régionales
soulignent le levier numérique de
l’emploi pour des postes d’enca­
drement. Si l’Ile­de­France, qui
concentre les postes qualifiés, est
sans surprise le premier recruteur
de cadres en 2020, avec 142 820 en­
gagements prévus, à une autre
échelle, la région Centre­Val de
Loire et la Bretagne en profitent
aussi, tirées par leurs activités in­
formatiques et de cybersécurité.
anne rodier

« Structurellement,
l’économie
tricolore a besoin
de plus
de manageurs »
GAËL BOURON
responsable adjoint
du pôle études de l’APEC

personne ne les connaît. Ils sont
entrés dans les entreprises avec la
multiplication des drones, et la
diffusion du numérique, mais
pas seulement. Dans le BTP, la
construction, la santé, l’informa­
tique et l’ingénierie, de drôle de
noms de métiers s’infiltrent dans
les petites annonces depuis cinq
ans. Qu’est­ce qu’un photogram­
mètre ou un scrum master?
Quelle est la différence entre le
bid manager, et le BIM manager?
Et que vient faire l’assistant médi­
cal dans ces nouveaux métiers?
Le groupe Randstad s’est appuyé
sur l’intelligence artificielle pour
identifier ces métiers émergents.
Le spécialiste de l’intérim a re­
censé leur niveau de salaire, les ré­
gions qui les recrutent, et ce qu’on
attend d’eux en termes de forma­
tion et de compétences compor­
tementales, dites « soft skills ».
Le photogrammètre est très re­
cherché en Bretagne, pour un sa­
laire annuel moyen de
30 000 euros. Spécialiste de la
cartographie et de la topogra­
phie, c’est un cousin germain du

géomètre qui aurait passé son
brevet de pilote de drone avec
une spécialité data. Il doit être
qualifié en photogrammétrie par
drone, soit quelque treize jours
de formation pour près de
5 000 euros. Après quoi, il parlera
couramment orthophotoplan,
nuage de points et autres cubatu­
res. Une partie de la formation est
éligible au CPF sous l’intitulé « pi­
lotage de drone industriel auto­
matisé » ou « télépilotage drone ».
Le volume d’offres n’est pas très
important, 275 en 2019, mais en
progression de 125 % en un an.

« Maître de mêlée »
L’Ile­de­France est, elle, en quête
de scrum masters, autrement dit
de chefs de projet en méthode
« agile ». Le seul site Jobthis a pu­
blié une dizaine d’offres ces deux
dernières semaines. 2 774 annon­
ces ont été publiées en 2019, en
hausse de 30 % en un an. Le scrum
master, de l’anglais « maître de
mêlée » (celle du rugby), tient da­
vantage du coach que du chef de
service. « Il doit notamment s’as­

surer que la méthode [agile] est
comprise et mise en œuvre et que
l’équipe adhère à la théorie, aux
pratiques et aux règles de Scrum
Manifesto », précisait une offre
récente. La formation initiale
d’ingénieur informatique plus
une certification de scrum master
assurent un salaire annuel
moyen de 59 000 euros.
Au centre de la France, l’Auver­
gne recherche plutôt des BIM ma­
nagers, à ne pas confondre avec le
bid manager, très couru en Ile­de­

France. « BIM » est l’acronyme de
Building Information Modeling,
en référence aux maquettes vir­
tuelles des chantiers ou projets
conduits par ces nouveaux archi­
tectes numériques, tandis que
« bid » est la traduction d’« enchè­
res ». Le bid manager est un pro­
fessionnel du marketing, expert
du référencement et du coût par
« clic ». Bouygues Telecom, Engie,
Atos sont autant de recruteurs de
bid managers. La digitalisation
des métiers valorise davantage le

commercial à 52 000 euros an­
nuels, que l’architecte, rémunéré
en moyenne 42 000 euros.
Enfin l’assistant médical est le
dernier né de ces nouveaux mé­
tiers. Formé par un organisme
agréé, il épaule le médecin
comme un assistant dentaire le
fait pour le dentiste, pour
25 000 euros par an. Il a été créé au
cœur de l’été, en pleine crise hos­
pitalière, par un arrêté publié au
Journal officiel le 20 août 2019.
a. rr.

« Scrum master », « BIM manager », « photogrammètre » : quèsaco?


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BorisVian


L’écritureheureuse


Unjeunehommepressé,parPhilippeBoggio

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