Le Monde - 15.02.2020

(Romina) #1
0123
SAMEDI 15 FÉVRIER 2020 argent| 15

ÉPARGNE


Quelles alternatives au Livret A?


H


istorique : le taux du Li­
vret A est tombé à
0,50 % le 1er février, après
deux années de gel à 0,75 %. Du ja­
mais­vu depuis la création de ce
produit en 1818. « En moyenne, les
montants perdus par les Français
avec cette baisse seront dérisoires :
de l’ordre de 11 euros par an! », ras­
sure Maxime Chipoy, directeur
général de MoneyVox.
Au­delà du symbole, ce change­
ment ne crée donc pas de révolu­
tion pour votre épargne de pré­
caution. Le Livret A – plafonné à
22 950 euros – et le Livret de déve­
loppement durable et solidaire
(LDDS) – 12 000 euros – restent en
effet le réceptacle naturel de vos
liquidités. « Il faut y placer trois à
quatre mois de revenus maxi­
mum et accepter une dose de ris­
que, donc une espérance de gain
supérieure pour le reste de votre
épargne », conseille Jean­Maxi­
milien Vancayezeele, directeur
général délégué du groupe de
gestion de patrimoine indépen­
dant Crystal.
Mieux vaut en effet limiter les
versements sur le Livret A, puis­
que celui­ci ne compense pas la
hausse des prix (1,40 % sur un an).
« Le rendement réel du Livret A,
c’est­à­dire après inflation, est né­
gatif depuis 2016 : la baisse du taux
au 1er février ne fait que creuser un
peu plus l’écart », précise Philippe
Crevel, le directeur du Cercle de
l’épargne. La hiérarchie des rende­
ments des placements sans risque
n’est pas non plus modifiée. Ainsi,
le Livret d’épargne populaire (LEP),

réservé aux ménages modestes,
voit lui aussi sa rémunération
évoluer : il rapporte désormais 1 %
au lieu de 1,25 %. Ce produit ne pré­
serve pas non plus le pouvoir
d’achat des épargnants, mais il
s’en rapproche.

Le PEL retrouve des couleurs
Les contribuables éligibles ont
donc tout intérêt à ouvrir un LEP,
et à l’alimenter en priorité jus­
qu’au plafond de 7 700 euros
avant de s’intéresser à leur Li­
vret A. Pour mémoire, pour
ouvrir un LEP en 2020, le revenu
fiscal du foyer ne doit pas dépas­
ser 19 977 euros en 2018 pour une
personne seule.
Quant aux livrets bancaires
soumis à l’impôt, ils sont hors
course depuis longtemps : leur

taux atteint en moyenne 0,17 %,
d’après la Banque de France. Seuls
les livrets des banques des deux
constructeurs automobiles, Re­
nault et PSA, font mieux.
Ainsi, le livret Zesto de RCI Ban­
que et le livret Distingo de PSA
Banque affichent un taux de
0,80 % brut, soit 0,56 % après le
prélèvement forfaitaire unique
de 30 %. Un taux désormais supé­
rieur à celui du Livret A. Sans
compter les éventuelles promo­
tions à l’ouverture, comme celle
de PSA Banque, qui offrait 3,20 %
brut pendant les deux premiers
mois jusqu’à 75 000 euros, ainsi
qu’un bonus de 40 euros pour
toute ouverture avant le 31 janvier
ou celle de My Money Bank, 3 %
pendant deux mois dans la limite
de 75 000 euros de versement jus­

qu’au 29 février. Ailleurs, en re­
vanche, l’encéphalogramme des
taux est quasiment plat : le livret
ne rapporte que 0,30 % chez
Orange Bank et 0,10 % chez Bfor­
Bank ou Fortuneo. Mais il y a en­
core plus faible : le livret d’ING ne
rapporte que 0,03 % hors promo­
tion à l’ouverture, tandis que ce­
lui de Boursorama affiche 0,05 %.
Quant au plan d’épargne loge­
ment (PEL), son taux demeure in­
changé à 1 % brut pour les plans
ouverts depuis le 1er janvier 2018
(0,70 % net). La récente baisse du
taux du Livret A lui redonne donc
des couleurs. « Attention, le PEL est
beaucoup plus contraignant : il
faut réaliser des versements mini­
mum de 540 euros par an, et il n’est
pas possible de récupérer son capi­
tal, sauf à fermer le plan », met en
garde Maxime Chipoy.
De plus, en cas de retrait avant le
deuxième anniversaire du plan,
les intérêts sont recalculés au
taux du compte épargne loge­
ment (CEL), passé à 0,25 % le 1er fé­
vrier. Les anciennes générations
de PEL, dont la rémunération est
largement supérieure, consti­
tuent toujours une aubaine. Les
épargnants prêts à renoncer en
partie à la liquidité de leur épar­
gne de précaution peuvent en­
core se tourner vers l’assurance­
vie. « Le fonds en euros devrait
rapporter en moyenne 1,40 % pour
2019, soit 1,16 % après prélève­
ments sociaux. Il reste donc une al­
ternative crédible au Livret A »,
rappelle Philippe Crevel.
agnès lambert

Assurance habitation : faire les bons choix


Une lecture attentive des clauses du contrat permet d’éviter les mauvaises surprises


L


orsqu’on choisit une as­
surance habitation, l’er­
reur, c’est de prendre la
moins chère », juge d’en­
trée Olivier Gayraud, juriste au
sein de l’association Consomma­
tion logement cadre de vie
(CLCV). Un constat partagé par
Amina Walter, directrice géné­
rale déléguée du comparateur
LeLynx.fr : « Dans un contrat
classique, vous assurez votre bien
contre les dégâts des eaux, le vol,
les catastrophes naturelles... Mais
il est rare que les formulaires
standards tiennent compte des
équipements extérieurs comme la
piscine, le jardin ou les canalisa­
tions extérieures au­delà d’un cer­
tain métrage », prévient­elle.
Sans oublier le délai de carence.
Toutes les assurances habitation
ne démarrent pas au moment de
la signature du contrat, et l’entre­
prise est libre de faire démarrer le
contrat quand elle le souhaite.
Une mauvaise lecture entraîne
alors un risque pour le parti­
culier : se voir refuser le rembour­
sement d’un sinistre en étant à
jour de ses cotisations. « Si vous
n’entrez pas dans le détail des ga­
ranties avec votre assureur, cela
peut mal tourner. Par exemple,
pour la garantie contre le vol, re­
gardez si vous êtes bien couvert en
cas d’effraction, si l’assurance
vous demande d’avoir au préala­
ble une fermeture de porte à cinq
points, ou encore, s’il existe dans le

contrat une clause d’inhabitation,
qui prévoit qu’à partir d’un certain
nombre de jours d’absence de chez
vous, consécutifs ou non, vous
n’êtes plus assuré. C’est en n’étant
pas assez vigilant sur ces condi­
tions que les particuliers se retrou­
vent, le jour du sinistre, face à un
assureur qui refuse de payer et qui
est dans son bon droit », souligne
Olivier Gayraud.

La question de l’indemnisation
Après une première lecture
fouillée du contrat, le particulier
peut s’intéresser à la question de
l’indemnisation. En cas de dégât,
l’assurance rembourse les équipe­
ments du sinistré à hauteur de ce
qu’ils valaient au moment de l’in­
cident : « Une grille de vétusté est
appliquée par les assureurs. Certai­
nes compagnies proposent des op­
tions sans vétusté. La cotisation est
plus chère, mais, en cas d’accident,
on vous rembourse au prix du
neuf », précise le juriste... à condi­
tion de produire les preuves que
ces objets ont existé. Factures et
photos sont à conserver impérati­
vement pour les objets de valeur.
« Certaines compagnies cou­
vrent même l’argent liquide ou les
bijoux, à condition qu’ils soient
conservés dans un coffre­fort.
D’autres mettent des plafonds sur
les objets précieux. Quant aux
meubles anciens, l’idéal est de les
faire estimer et de conserver le tic­
ket d’estimation », dit Olivier Gay­

raud. Gare aussi aux « fausses dé­
clarations », dont le terme est
plus large qu’il n’y paraît : « Un
oubli de votre part peut être consi­
déré comme une fausse déclara­
tion. Par exemple, si vous assurez
une maison de deux chambres et
que vous décidez de créer une nou­
velle pièce sans prévenir votre
assureur, en cas de sinistre, ce der­
nier pourra ne pas vous indem­
niser totalement », prévient­il.
Tout changement de situation
doit être notifié.
Pour le prix, c’est en mettant
son assurance habitation en con­
currence, au bout d’un an comme
le prévoit la loi, que se font les
plus grosses économies : « Il peut
y avoir un écart de 30 % entre le
prix payé par un particulier et ce
que propose le marché », ajoute
Amina Walter. « Nous voyons par­
fois des clients dont les cotisations
reculent de plus de 150 euros par
an à services et garanties équiva­
lents », constate­t­elle. Surtout si
le contrat date d’une bonne di­
zaine d’années. La procédure est
d’autant plus simple qu’il suffit à
l’assuré de trouver une entreprise
qui lui convient pour changer
d’assurance : « C’est le nouvel as­
sureur qui s’occupe de toutes les
formalités et veille à ce qu’il n’y ait
aucun jour de carence. »
De nombreux acteurs viennent
concurrencer les géants du mar­
ché comme Axa, Groupama ou
encore la MAIF. Les « bancassuran­
ces », notamment, sont à l’affût.
Ces dernières progressent chaque

année davantage et possèdent
désormais un quart du marché.
« Les bancassureurs proposent des
formules intéressantes, avec des ta­
rifs hypersegmentés, qui tiennent
compte de la date de construction
du bien, de son emplacement géo­
graphique précis, de l’état général
de l’immeuble, etc. A partir de ces
données, ils sont capables de
mieux évaluer le risque et de pro­
poser des tarifs bien plus intéres­
sants que les acteurs historiques »,
observe Cyrille Chartier­Kastler,
du cabinet Facts & Figures. « De
plus, en cas de sinistralité, la ban­
que fait généralement tout pour
éviter la brouille avec son assuré.
Elle n’a pas intérêt à se fâcher avec
un futur client », souligne­t­il.
Comme dans tous les secteurs,
les start­up du numérique vien­
nent s’immiscer dans la brèche
avec des formules low cost et effi­
caces. Homebrella, destinée uni­
quement aux locataires, propose
des contrats à moins de 100 euros
par an pour les étudiants en rési­
dence universitaire.
D’autres expérimentent des so­
lutions plus high­tech, comme
Luko, à l’aide de l’intelligence ar­
tificielle (IA). « Grâce à l’intelli­
gence artificielle, nous pourrons
détecter s’il y a une fuite d’eau
dans le logement, une plaque qui
chauffe de manière anormale ou
si la porte subit des vibrations peu
communes. Ainsi, il sera possible
de régler plus rapidement le sinis­
tre et de reculer le coût de l’assu­
rance tout en gagnant en effica­
cité », indique Raphael Vullierme,
cofondateur de l’entreprise
Encore en phase de test, la so­
ciété prévoit une sortie de son
nouveau dispositif en 2020 et
propose, en attendant, une solu­
tion intégrant un peu d’IA :
« Nous demandons à nos assurés
de nous envoyer des photos et des
vidéos de leur sinistre. Cela nous
permet de proposer des prix infé­
rieurs de 15 % à 20 % par rapport à
ce qui se fait sur le marché. »
ludovic clerima

Seuls deux livrets bancaires font mieux que le Livret A


Livret (Etablissement) Taux brut (hors promotions) Taux net*

SOURCE : LE MONDE
* après prélèvement forfaitaire unique de 30 %
** livrets réglementés exonérés d’impôt. Les autres livrets sont fiscalisés

Livret Zesto (RCI Bank and Services) 0,80 % 0,56 %

Livret Distingo (PSA Banque) 0,80 % 0,56 %

Livret A et LDDS** 0,50 %

Livret Solidarité (Crédit municipal de Paris) 0,65 % 0,45 %

Livret d’épargne (My Money Bank) 0,60 % 0,42 %

Livret (Orange Bank) 0,30 % 0,21 %

QUESTION  À  UN  EXPERT


Peut-on faire un don


sur une succession?


émilie finot, notaire, Cheuvreux

Le « don sur succession » est prévu par l’article 788 III du code
général des impôts (CGI). Il permet à tout héritier ou légataire d’une
succession de bénéficier d’un abattement fiscal au titre du don qu’il
consent au moyen de biens hérités à une association ou fondation
« reconnue d’utilité publique ». Pour ce faire, le don doit être prélevé
sur les biens figurant à l’actif de succession. S’il est consenti
« en nature », il ne sera possible qu’au profit des fondations recon-
nues d’utilité publique. Ce don doit être effectué en pleine propriété
et à titre définitif. Enfin, il doit être réalisé dans les six mois suivant le
décès, date limite du dépôt de la déclaration de succession, accom-
pagné d’un justificatif.
L’abattement octroyé est égal au montant du don qui est déduit de
l’assiette des droits de succession à régler à l’administration fiscale,
sans plafonnement, et se cumule avec les autres abattements dont
l’héritier et/ou le légataire peut bénéficier dans le cadre du règle-
ment de la succession en fonction de son lien de parenté. En revan-
che, cet abattement n’est pas cumulable avec la réduction d’impôt
sur le revenu prévue à l’article 200 du CGI (66 % du montant du don
dans la limite de 20 % du revenu imposable), ni avec celui de la
réduction d’impôt sur la fortune immobilière.

C R É D I T I M M O B I L I E R
Des durées moins longues
Le taux d’intérêt moyen des crédits immobiliers est
resté stable en janvier en France, après avoir fini l’an­
née 2019 quasiment à son plus bas niveau historique,
mais les durées d’emprunt ont nettement reculé,
selon l’Observatoire Crédit Logement­CSA. A 1,13 % en
moyenne, les taux des crédits immobiliers accordés
par le secteur concurrentiel ont entamé l’année au
même niveau que décembre 2019. Cependant, la du­
rée moyenne des crédits immobiliers s’est nettement
raccourcie en janvier. Elle s’est établie à 227 mois – un
peu moins de 19 ans –, contre 232 mois en décembre.

C’EST EN METTANT 


SON ASSURANCE EN 


CONCURRENCE, AU BOUT 


D’UN AN COMME 


LE PRÉVOIT LA LOI, QUE 


SE FONT LES PLUS 


GROSSES ÉCONOMIES


2,80 %
C’est la hausse du coût des cotisations d’assurance habitation
en 2019, selon la Fédération française de l’assurance (FFA).
Une progression due à l’augmentation au cours de l’année
dernière des risques naturels (dégâts des eaux et fortes séche-
resses). En 2019, la FFA note ainsi que près de 3 milliards
d’euros d’indemnités ont été déboursés. A cela s’ajoute l’aug-
mentation, dans l’ensemble des métropoles françaises, des
cambriolages en début d’année 2019 (de 5 % à 10 % selon
les villes, d’après la fédération).

SOS CONSO 
CHRONIQUE PAR RAFAËLE RIVAIS

La Saint-Valentin


n’autorise pas l’adultère


N


ombre d’époux en instance de divorce croient
qu’ils peuvent refaire leur vie sans attendre un ju­
gement définitif. Erreur : le devoir de fidélité
auquel ils sont tenus, en vertu de l’article 212 du
code civil, perdure tant que le mariage n’est pas dissous,
comme le rappelle l’affaire suivante. Le 25 juillet 2005, Isa­
belle X (prénoms modifiés) quitte le domicile conjugal, après
avoir cosigné avec Eric, son mari, une convention qui acte
leur séparation de fait. Le 3 octobre 2005, elle introduit une
procédure de divorce.
Après avoir obtenu du juge une ordonnance de non­conci­
liation, Isabelle demande que le divorce soit prononcé aux
torts exclusifs d’Eric, celui­ci ayant, selon elle, « commis l’adul­
tère ». Elle produit aux débats un courrier, « émanant de l’hô­
tel­restaurant Panorama », en Alsace, « dont il ressort » qu’Eric
a passé là­bas le week­end de la Saint­Valentin de 2006, en
compagnie d’une autre femme.
La cour d’appel de Colmar indique, le 2 mars 2010, que « les
circonstances dans lesquelles ce courrier est parvenu entre les
mains de Mme X ne sont pas claires » ; mais elle précise que
« l’époux n’établit pas qu’[elle] ait usé de fraude ou de violence
pour se le procurer », si bien qu’elle peut le
prendre en compte, comme tout autre
« mode de preuve ». Or, constate­t­elle, lors
de cette Saint­Valentin, « les conjoints
étaient encore mariés, et le juge ne les avait
pas encore autorisés à résider séparément ».
En effet, précise­t­elle, « s’il est exact que la
convention signée le 25 juillet 2005 compor­
tait l’expression “séparation de corps” »,
ainsi que le fait observer Eric X, « il n’en res­
sort pas moins de l’article 212 du code civil
que le devoir de fidélité perdure tant que le
divorce n’est pas prononcé ».
La cour observe que « l’adultère est confirmé, si besoin était,
par trois photos produites aux débats, dont M. X admet qu’el­
les ont été prises au domicile conjugal », et qu’« elles le mon­
trent heureux en présence d’une autre femme que son épouse,
joue contre joue... ». Elle conclut que M. X a commis « des
faits constituant des violations graves et renouvelées des obli­
gations du mariage, rendant intolérable le maintien du lien
conjugal ». Elle prononce le divorce à ses torts exclusifs. En
outre, elle le condamne à payer 2 000 euros de dommages et
intérêts à Isabelle, « dans la mesure où [il] a eu un comporte­
ment gravement injurieux envers [elle], notamment en intro­
duisant sa maîtresse dans le domicile conjugal ».
Eric se pourvoit en cassation. Il soutient que le week­end
en amoureux et la prise des photos, du fait qu’ils se sont
produits « postérieurement » à la rupture de la vie com­
mune, ne peuvent pas avoir rendu « intolérable » le main­
tien de celle­ci. Il essuie un rejet, le 4 mai 2011.

LE DEVOIR 


DE FIDÉLITÉ 


PERDURE TANT 


QUE LE MARIAGE 


N’EST PAS 


DISSOUS


CLIGNOTANT

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