Le Monde - 15.02.2020

(Romina) #1
INCARNER L’ÉPOQUE. À QUOI ÇA TIENT? À une dégaine, une attitude,
un phrasé, un parcours... Des dizaines de détails et quelques traits marquants
qui font qu’un comédien, tout à coup, raconte la période dans laquelle il vit, en
devient le corps et le visage, comme un fantasme. Et se transforme en héros
générationnel. Ce sont tous ces signes que cherche Vanessa Schneider dans le
portrait qu’elle dresse, pour ce numéro de M Le magazine du Monde, de Vincent
Lacoste. Révélé par Les Beaux Gosses, immortelle ode à l’adolescence des gar-
çons de Riad Sattouf, il a depuis trimballé son charme ahuri et subtil dans des
comédies plus ou moins oubliables et chez plusieurs auteurs importants d’au-
jourd’hui comme Christophe Honoré, Justine Triet ou Thomas Lilti. Remportant
à chaque fois la mise, imprimant chez le spectateur des émotions durables sans
doute semblables à celles suscitées en leur temps par le Romain Duris du Péril
jeune ou Hippolyte Girardot dans Un Monde sans pitié. Et sans doute, bien avant,
par Jean-Pierre Léaud dans les films de François Truffaut.
Dans tous les cas, il y a aussi la révélation d’un acteur par un metteur en scène,
le regard – tendre – d’un homme sur un autre, qui est le prolongement de lui-
même... Vincent Lacoste, s’il est merveilleux dans Victoria, de Justine Triet, est
splendide chez Christophe Honoré. Il y a chez lui une immédiateté qui dessine
un garçon vraiment moderne. L’ensemble est passionnant à l’heure où, dans le
cinéma, le débat prend de l’ampleur sur le « male gaze », soit ce regard masculin
qui règne sur l’histoire du septième art depuis les origines. Lacoste, incontes-
tablement, le détourne. Et c’est heureux, car on ne donnera pas aux femmes
la place qui leur revient si on ne parvient pas à dépoussiérer, à l’écran, les
représentations du masculin.

Marie-Pierre LANNELONGUE

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