Le Monde - 15.02.2020

(Romina) #1
Pour créer une signature
olfactive unique, il est
possible de superposer
plusieurs fragrances : ce
que l’on nomme le layering
(de l’anglais layer, « couche »).
Le risque, quand on n’est pas
nez, est de rater son coup
en mixant des senteurs non
compatibles. Les marques,
qui ont saisi le goût actuel
pour le sur-mesure (et y
voient une opportunité
commerciale), en facilitent
le geste en proposant des
collections de parfums conçus
pour être portés par deux ou
trois. Chaque jus est axé sur
une ou deux senteurs (même
s’il en contient bien plus),
la rose, le vétiver, l’ambre,
le néroli... C’est le cas de
Primaire, de Typology,
d’Atelier des Fleurs, de Chloé,
et des cinq nouvelles eaux
de toilette compatibles
avec les eaux de Cologne
de Granado.

ÉLÉMENT DE LANGAGE

Le layering


PA R FUMÉ.


TÊTE CHERCHEUSE Voix INTÉRIEURE.


Elle le disait avec autodérision dans une confé-
rence TED en 2016 : Meryem Aboulouafa a long-
temps cru, comme beaucoup d’enfants, qu’elle
était le centre du monde. Ce qui ne l’a pas empê-
chée d’en dépasser les contours. Née il y a trente
et un ans à Casablanca, au Maroc, où elle vit tou-
jours, Meryem est bercée par les Beatles et Pink
Floyd qu’écoute son père, « un hippie ». C’est lui qui
l’inscrit au conservatoire, où elle apprend la
musique sans oser s’y consacrer pleinement :
« C’était trop de plaisir pour que ce soit un travail. »
Alors elle devient architecte d’intérieur, tout en
participant à des ateliers artistiques. L’un d’entre
eux, en 2009, voit l’une de ses folk songs accom-
pagner une vidéo projetée sur les parois immacu-
lées de l’église du Sacré-Cœur, à Casablanca.
C’est le déclic : elle s’installe en Italie, où elle écrit
Breath of Roma, premier extrait de son album,
Meryem. Sa voix superbe et hiératique y est portée
par un déploiement de cordes et de touches

synthétiques élaboré par trois bonnes fées : Keren
Ann, qui lui a ouvert son studio et souligné l’élé-
gance de ses mélodies, le DJ Para One, qui leur a
donné une vibration électronique, et Ojard, valeur
montante de l’ambient française. « Nous n’avions
pas les mêmes références, pas la même traduction
des choses. Parfait pour faire de la musique, qui se
nourrit de contrastes. »
Ce même besoin de sortir du cadre, ainsi qu’une
certaine pudeur, la pousse, à l’exception de trois
titres en arabe, à chanter en anglais : « L’arabe ou
le français sont trop proches de moi pour pouvoir
aborder certains sujets. » Comme la quête de soi :
« On change en permanence, surtout quand on
s’ouvre aux autres. Ça permet de se perdre et de se
retrouver. » Ou la spiritualité, une dimension
importante sur laquelle, là aussi, elle reste
pudique : « Je suis croyante, je le vis à ma façon. Et
c’est cool. » Pascaline POTDEVIN
MERYEM, DE MERYEM ABOULOUAFA (ANIMAL 63/BELIEVE).

LE GOÛT

Paul Rousteau


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