Les Echos - 09.03.2020

(Steven Felgate) #1

Les Echos Executives


C


ela fera bientôt deux ans. 25 mai
2018 : le couperet de la confor-
mité au règlement européen sur
la protection des données personnelles
(RGPD) est tombé, à partir de cette date,
pour toutes les entreprises. Dotées a
minima d’un responsable des données



  • d’autres profils sont indispensables
    dans les entreprises les plus importan-
    tes (voir page 36) –, il s’agit pour elles
    d’établir un traitement efficace des
    données, de recueillir l’accord des
    clients, d’informer clientèle et salariés
    de leurs droits d’accès, de modification
    et de suppression des informations


collectées, d’assurer la confidentialité
et d’indiquer la durée de conversation
de ces données. Le chantier est vaste.
« Globalement, nous constatons une plus
grande connaissance des principes. Les
entreprises ont pris conscience de l’intérêt
de se mettre en conformité avec le RGPD
et que c’est aussi un argument marketing.
Nous avons vu une évolution ces deux
dernières années », assure Astrid
Mariaux de Rugy, chef du service des
contrôles, affaires économiques, de la
Commission nationale de l’informati-
que et des libertés (CNIL).
Les entreprises le savent, ne pas se
mettre en conformité avec le RGPD peut
coûter cher. En 2019, sur les 300 contrô-
les réalisés (voir page 36), l’autorité
administrative indépendante a sanc-
tionné cinq entreprises. Le groupe
Sergic s’est vu reprocher une « atteinte à
la sécurité des données » et le « non-res-
pect des durées de conservation » par
une amende de 400.000 euros, Union-
trad Company réalisait une « vidéosur-
veillance excessive de ses salariés »
(200.000 euros d’amende) et Furtura
International un « démarchage télépho-
nique illégal » (500.000 euros). De son
côté, Active Assurances n’avait pas
assez sécurisé les données de ses clients
(180.000 euros). La plus grosse amende
a été infligée à Google (50 millions

d’euros) pour « manque de transpa-
rence, information insatisfaisante et
absence de consentement valable pour
la personnalisation de la publicité ».

Danger d’un impact systémique
Au-delà de ces sanctions aux montants
élevés, près de 2.200 violations de don-
nées – dont 10,4 % sont dites « sensi-
bles » – ont été, entre juin 2018 et
juin 2019, notifiées à la CNIL, selon le
premier baromètre Data Breach, animé
par le Forum international de la cyber-
sécurité (FIC) en partenariat avec
PwC et Bessé. Soit une moyenne de
5,1 violations par jour et plus de 1,6 mil-
lion de personnes touchées. Issues en
particulier des secteurs des sciences et
techniques (297 violations), du com-
merce (279), de la finance (275), de
l’administration publique (229), et de
l’hébergement et de la restauration
(202), elles mettent surtout en péril la
confidentialité des données (dans 2.027
cas), avant leur disponibilité (305) et
leur intégrité (178). « L’atteinte à la
confidentialité est perçue, à tort, comme
la plus grave des violations de données.
Or la manipulation illégitime d’un con-
tenu peut aussi avoir de lourdes consé-
quences telles que l’altération d’informa-
tions fiscales comme ce fut le cas en
août 2019, lorsque 2.000 comptes fiscaux

que la directrice des systèmes d’infor-
mation communique sur l’incident de
façon transparente ; ensuite, parce que
la prise de conscience de la menace est
d’autant plus importante qu’il s’agit
d’une PME. L’année dernière, les atta-
ques contre Altran et Norsk Hydro
avaient montré « le danger d’un impact
systémique des rançongiciels sur un
secteur d’activité qui, en ciblant des
entreprises sous-traitantes ou clés du
secteur, pourraient amener un jour à
le déstabiliser », souligne l’Agence natio-
nale de la sécurité des systèmes d’infor-
mation (Anssi) dans son rapport paru le
mois dernier sur l’« Etat de la menace
rançongiciels ».
Car c’est bien par ce biais criminel que
les entreprises voient, le plus souvent,
leurs données leur échapper. Toujours
selon le baromètre Data Breach, 54 %
des fuites proviennent d’un acte de
malveillance – qu’il s’agisse d’un vol
physique, à 15 %, ou d’un piratage en
ligne, à 69,8 % –, avant d’être purement
accidentelles (26 %). Il faut dire que,
bien conscients du trésor qu’elles repré-
sentent, les cyberattaquants redoublent
d’ingéniosité pour s’en emparer (voir
page 37). « Aucun secteur d’activité ni
zone géographique n’est épargné. Toute
entreprise, institution ou personne physi-
que ayant un accès à Internet peut être
infectée par un rançongiciel si elle n’a
pas mis en œuvre des mesures de sécurité
informatique basiques », rappelle
l’Anssi. A savoir : sauvegarde à froid,
sensibilisation à l’hameçonnage, mise à
jour logicielle sur les machines connec-
tées et antivirus obligatoires.

4
À NOTER
Les Pays-Bas sont le pays européen
notifiant le plus les atteintes
à la protection des données.
Entre l’entrée en vigueur du RGPD
en mai 2018 et février 2019,
15.400 notifications y ont été
enregistrées, d’après le cabinet
DLA Piper, contre 1.548 en
France sur la même période.
Cet écart peut s’expliquer
par une plus grande maturité
des sociétés néerlandaises,
qui notifient plus
systématiquement les atteintes.
Source : Baromètre Data Breach

Près de deux ans après l’entrée


en vigueur du règlement général


sur la protection des données


(RGPD) et alors que le nombre


et le niveau de sophistication


des cyberattaques vont croissant,


les entreprises se mobilisent pour


préserver ce bien précieux, sans


toujours y parvenir.


E


n poursuivant votre navigation ou en appuyant
sur “j’accepte”, vous autorisez la collecte de vos
données par l’ensemble des marques de notre
groupe... » : combien sommes-nous à avoir lu cette
phrase et, par flemme ou bien pressés par le temps,
livré avec désinvolture des informations relatives à
notre vie privée? Or voici bientôt deux ans qu’est
entré en vigueur le RGPD, dont le but est d’instiller
transparence et confidentialité dans le traitement des
données personnelles. Mais, quand ce règlement
général pour la protection des données constitue,
pour les uns, un moyen de réinstaurer du capital


confiance dans une relation, pour d’autres – les
entreprises en particulier –, il relève du casse-tête.
Comme l’analyste Douglas Laney dans son ouvrage
« Infonomics », on se demande bien pourquoi les
entreprises procèdent si minutieusement
à l’inventaire de leurs biens matériels, mais si peu
à celui de leurs données. La tâche n’est certes pas
simple, les data sont éparses, volumineuses,
hétérogènes et volatiles mais, quand, comme
aujourd’hui, elles valent leur pesant d’or, il y a
urgence à les intégrer aux enjeux business. Des
enjeux vitaux en termes de relation client et de

réputation. Mais comment procéder quand elles sont
partout, du département des ressources humaines
pour ce qui relève du personnel, au marketing qui
traite des informations client, en passant par les
service informatique, finance, juridique...?
La gageure, pour l’entreprise, réside dans sa capacité
à traiter correctement un tel volume informationnel
dans le respect des vies privées, sans discriminer
qui que ce soit, dans de bonnes conditions de
cybersécurité et, si possible aussi, dans une démarche
prédictive. Une tâche impossible sans un subtil
équilibre entre intelligences humaine et artificielle.n

Un subtil équilibre entre intelligences


humaine et artificielle


Protection

numérique

Une bataille loin

d’être gagnée

L' ÉDITO de Muriel Jasor


DATA


GOUVERNANCE


ont été modifiés par des cyberatta-
quants », prévient l’étude, avant d’ajou-
ter : « De même, rares sont les sociétés qui
peuvent se passer de l’accès à leurs don-
nées : lorsqu’une attaque DDoS ou qu’un
rançongiciel rend les données des sala-
riés, des clients ou financières indisponi-
bles, l’activité de la société est suspendue
jusqu’à résolution de la crise. » Comme

ce fut le cas, au début du mois de février
dernier, pour Bouygues Construction.
Victime d’un ransomware, l’entreprise a
pu poursuivre ses chantiers, mais ses
activités support sont restées ralenties
pendant plusieurs jours, le temps que le
groupe répare ses systèmes.
L’expérience Fleury Michon, également
attaquée par un rançongiciel en
avril 2019 (voir page 37), est en la
matière assez inspirante. D’abord, parce

Près de 2.200 violations
de données


  • dont 10,4 % sont dites
    « sensibles » – ont été,
    entre juin 2018
    et juin 2019,
    notifiées à la CNIL.


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