Les Echos - 09.03.2020

(Steven Felgate) #1

04 // FRANCE Lundi 9 mars 2020 Les Echos


A Marseille, les candidats face au défi de la rénovation des écoles


Paul Molga
— Correspondant à Marseille


Impossible d’échapper au sujet.
Après la polémique suscitée en
2016 par la une de « Libération »
qualifiant les écoles marseillai-
ses de « honte de la République »
et le partenariat public-privé à
1 milliard d’euros avorté pour
leur rénovation, tous les candi-
dats à la mairie de Marseille ont
placé cette année l’éducation
parmi les mesures prioritaires d e
leur programme.
Et le coût s’annonce d’emblée
considérable : murs décrépis,
chauffage défectueux, plafonds
branlants, revêtements de sol
éventrés, moisissures, présence
d’amiante... Pressé par l’opposition,
au premier rang de laquelle le séna-
teur RN et ancien maire des quar-
tiers nord (13e et 14e arrondis-
sements) Stéphane Ravier, la
municipalité de Jean-Claude
Gaudin a finalement livré un audit
(très) partiel de l’état du patrimoine
scolaire. Il confirme qu’une
cinquantaine d’écoles d ites
« Pailleron » aux structures préfa-
briquées hors d’âge sont effective-
ment à reconstruire.


Moratoire sur la dette
« Copie à revoir », tacle Stéphane
Ravier que les sondages placent
au coude-à-coude avec la candi-
date LR Martine Vassal. En 2016,
la ville avait chiffré à au moins
600 millions d’euros la recons-
truction de ces établissements.


Un quart des écoles
marseillaises sont
délabrées. Leur rénovation
est l’un des grands enjeux
de la campagne pour
les municipales dans la cité
phocéenne. Les candidats
devront trouver plus de
500 millions d’euros pour
ce chantier, alors que la
ville est déjà très endettée.


ÉLECTIONS


2020


MUNICIPALES


En analysant la proposition du
candidat EELV Sébastien Barles,
qui projette de « rénover un quart
des écoles (118 au total) au cours
de la mandature en maîtrise
d’ouvrage publique », l’Institut
Montaigne a évalué la mesure
entre 168 millions d’euros pour
des opérations de réhabilitation
légère et... 839 millions pour des
rénovations lourdes. Soit une
moyenne de 500 millions pour
un plan qui mêlerait les deux.
Comment financer ce pro-
gramme alors que les écoles
représentent déjà un quart du
budget de la ville avec près de
200 millions d’euros de fonction-
nement et plus de 50 millions
d’euros d’investissement

annuel? Le RN demande un
moratoire sur la d ette b ancaire et
une a ide d e l’Etat pour dégager d e
nouveaux moyens d’investisse-
ment pour « remettre à niveau la
deuxième ville de France ».

« Plan Charlemagne »
Martine Vassal, donnée favorite par
les sondages, entend, elle, lancer
« un plan Charlemagne » pour les
470 écoles communales. « Je veux
que nos enfants aient un toit solide,
des murs sains, du chauffage et de
meilleures conditions pour s’épa-
nouir », explique-t-elle.
Sa feuille de route : un audit de
l’état des écoles, des travaux
d’urgence et un plan de recons-
truction sur quinze ans avec des

moyens mutualisés avec le dépar-
tement, dont elle est présidente.
Ces nouvelles écoles seront « con-
nectées à la nature », plantées mas-
sivement d’arbres, équipées de jar-
dins potagers et de ruches. Elle
pense aussi à la sécurité et au bien-
être des enfants : vidéoprotection
et filtre à l’entrée, zone 30 km/h
aux abords, fruits et légumes
locaux dans les cantines, allége-
ment des cartables, rénovation
des toilettes...
« Tout part de là », martèle égale-
ment Yvon Berland, le candidat de
la société civile soutenu par La
République En marche. L’ancien
président de l’université d’Aix-Mar-
seille ne dit pas comment il finan-
cera son plan de rénovation, baptisé

« Protis », mais il promet de pousser
plus loin encore les ambitions de la
ville en matière d’éducation. « Nous
devons tout changer pour faire de
Marseille un modèle éducatif perfor-
mant et innovant », explique-t-il.
Nouveaux apprentissages péri-
scolaires, capteurs de pollution,
produits bio dans les cantines, aug-
mentation des budgets de fournitu-
res scolaires, gratuité des trans-
ports et création d’une « école
inclusive pour former 10.000 talents
en six ans dans les métiers du numé-
rique et de l’écologie », figurent en
tête de ses mesures. Selon l’Institut
Montaigne, la seule mesure de gra-
tuité des transports pourrait coûter
jusqu’à 200 millions d’euros par an
à la collectivité.n

Un audit de la municipalité a confirmé qu’une cinquantaine d’écoles dites « Pailleron » aux structures préfabriquées hors d’âge sont effectivement à reconstruire. PhotoDR

tank. Selon Michaël Delafosse, il
faut aussi rendre gratuits les trans-
ports en commun pour les habi-
tants de la métropole. « Montpellier
a l’une des fiscalités les plus élevées et
les moins redistributives de France »,
explique-t-il pour justifier une
mesure « sociale et environnemen-
tale ». Selon lui, la mesure coûterait
24 millions d’euros par an. Dans son
projet, elle serait financée sans aug-
mentation d’impôt, « par des écono-
mies sur le budget d e communication,
par la fiscalité liée à la croissance
démographique et au dynamisme des
entreprises et par des synergies avec
d’autres collectivités ». Le chiffrage
est contesté par la majorité sortante.

« La gratuité des transports coûterait
entre 36 et 38 millions d’euros par an.
Cette mesure n ’est pas finançable, sauf
à fermer des médiathèques et des pis-
cines, ou à augmenter massivement
les impôts », explique Abdi El Kan-
doussi, président de TAM, gestion-
naire du réseau de transports.
Coralie Mantion, la candidate
d’Europe Ecologie Les Verts entend
investir 100 millions d’euros dans le

mandat dans un réseau express
vélo, long de 300 kilomètres pour
rattraper le retard de Montpellier
en la matière. La préfecture de
l’Hérault ne pointe qu’au neuvième
rang des villes les plus cyclables
parmi les agglomérations de plus
de 200.000 habitants, selon un
récent palmarès de la Fédération
des usagers de la bicyclette.
Deux a utres p rojets majeurs vont
émailler le prochain mandat :
l’extension-modernisation de la
station de traitement des eaux
usées Maera (environ 100 millions
d’euros, sous maîtrise d’ouvrage de
la métropole) et la construction du
nouveau stade de football Louis-
Nicollin. Porté par un consortium
privé conduit par l a famille Nicollin,
ce dernier projet ne devrait pas coû-
ter au contribuable. Mais les élus
sont divisés sur la localisation de cet
équipement éminemment médiati-
que. Coralie Mantion et Jean-Louis
Roumégas (écologiste dissident)
souhaitent, eux, le maintien du
Montpellier Hérault Sport Club au
stade de la Mosson.
Côté sécurité, Alex Larue (LR),
Mohed Altrad (SE), Patrick Vignal
(LREM) ou encore Philippe Saurel
prévoient le recrutement d’environ
100 policiers municipaux pour ren-
forcer un corps qui compte actuel-
lement 183 agents. Selon l’Institut
Montaigne, une telle mesure
revient à 5,8 millions d’euros par
an. Patrick Vignal propose en outre
une rénovation du commissariat
central.n

Hubert Vialatte
—Correspondant à Montpellier


A Montpellier, la campagne électo-
rale est largement placée sous le
signe des transports. En termes
d’infrastructures, la cinquième
ligne de tramway, desservant les
facultés et l’ouest de la ville, sera en
effet la plus importante dépense
d’investissement du prochain man-
dat : environ 500 millions d’euros,
selon la métropole de Montpellier.
Ce projet fait consensus chez les
quelque... 14 candidats de ce scrutin
à l’issue indécise. « La ligne 5 devait
être livrée en 20 17 , tacle Michaël
Delafosse, candidat PS-PCF. Son
coût flambe a vec les a nnées de retard,
et elle est urgente pour décongestion-
ner la ville. »
Philippe Saurel le maire (divers
gauche), candidat à sa réélection,
ambitionne aussi l’acquisition de
51 bus à hydrogène, pour un investis-
sement chiffré à 30 millions d’euros
par l’Institut Montaigne. A cela
s’ajoutera l’aménagement d’une
centrale de production d’hydro-
gène, dont le coût est estimé entre 5
et 9 millions d’euros par le think


Mobilité, localisation du
futur stade de football et
sécurité animent les débats
de la campagne dans la
septième ville de France.
Pas moins de 14 candidats
sont sur la ligne de départ,
pour un scrutin plus indécis
que jamais.


Montpellier : une cinquième ligne de


tramway et un nouveau stade de foot


Porté par un
consortium privé
conduit par la famille
Nicollin, le projet
de stade ne devrait
pas coûter
au contribuable.

Christian Estrosi se veut rassu-
rant pour le contribuable. Le coût
global de son projet s’élèverait à
« 33 millions d’euros, pour lequel
nous recevrons des subventions de
l’Europe, de l’Etat, de la région, du
département et de la métropole »,
avait-il affirmé dans une interview
à « Nice-Matin ». Dans le détail,
il chiffre la démolition du TNN à
1,5 million d’euros, celle d’Acropo-
lis à 3,5 millions. L’aménagement
de l’église des Franciscains, qui
accueillera le nouveau théâtre,
coûterait 3 millions d’euros et celui
du prolongement de la coulée verte
25 millions d’euros. Cette enve-
loppe n’intègre toutefois p as le coût
du nouveau palais des expositions.
Estimé à 200 millions d’euros par
Christian Estrosi, ce projet est p orté
par l a métropole – qu’il préside éga-
lement – dans le cadre d’un parte-
nariat public-privé.

Transports gratuits
La coulée verte privilégiée par le
maire actuel répond à une ambi-
tion de « faire de Nice la v ille verte d e
la Méditerranée ». Pour ses oppo-
sants, la priorité va aux enjeux de
mobilité dans une métropole où la
deuxième ligne de tramway, en
service depuis quelques mois, n’a
supprimé ni embouteillages ni
pollution.
Mireille Damiano, à la tête
d’une liste citoyenne qui a le sou-
tien des insoumis, du PC et d’écolo-
gistes, propose de rendre gratuits
les transports publics. Le finance-

ment de cette mesure passerait
par une augmentation de la taxe
transport versée par les entrepri-
ses, une réévaluation de la taxe de
séjour notamment dans les éta-
blissements 4 et 5 étoiles, la créa-
tion d’une nouvelle taxe sur les
bureaux et parkings d’hypermar-
chés, ainsi que la perception d’une
part de la TIPP au titre de la transi-
tion énergétique.
Le candidat écologiste, Jean-
Marc Governatori, promet, lui, de
rendre gratuit le service de vélos
en libre-service (un coût estimé à
442.200 euros par l’Institut Mon-
taigne) et la mise en place de navet-
tes maritimes hybrides entre Nice
et Monaco (ou se rendent plus de
35.000 Azuréens tous les jours
pour travailler). Cette dernière
mesure est chiffrée à 4,4 millions
d’euros par l’Institut Montaigne.
Christian Estrosi met en avant un
parc de bus qui sera composé à
100 % de véhicules propres, un
investissement estimé à 62,5 mil-
lions d’euros par le think tank, et à
la charge de la métropole.
Le candidat du Rassemblement
national, lui, axe sa campagne sur
la sécurité avec un projet qui pré-
voit la création de 10 postes de
police municipale et l’embauche
de 1 00 nouveaux policiers (un coût
estimé de 4,9 millions d’euros par
l’Institut Montaigne) dans une
ville qui en compte déjà 550 et se
classe en tête des villes françaises
en termes d’effectifs de police
municipale.n

Christiane Navas
— Correspondante à Nice

Démolir le palais des congrès
Acropolis et le Théâtre national
de Nice (TNN) pour prolonger la
coulée verte du Paillon en centre-
ville. Le projet annoncé, à la sur-
prise générale en janvier, par
Christian Estrosi, le maire LR de
Nice candidat à un troisième man-
dat, n’en finit pas de faire des
remous. En début d’année, le
grand favori des sondages se féli-
citait encore des bons résultats du
palais, repris en régie par la ville
en 2018 et qui a vu son chiffre
d’affaires augmenter de 32 % l’an
dernier, à 19,3 millions d’euros.
Le socialiste Patrick Allemand,
lui aussi candidat aux municipa-
les, dénonce un « projet pharaoni-
que » et interpelle le maire de Nice
sur les 27 millions d’euros déjà
investis dans la rénovation d’Acro-
polis. Du côté des professionnels
du tourisme niçois, l’inquiétude
domine. Un nouveau palais des
expositions de 70.000 m^2 est en
effet en projet à l’ouest de la ville
sur l’opération d’intérêt national
Eco-Vallée, mais il ne sera pas o pé-
rationnel avant 2024.

Le maire sortant, Christian
Estrosi (LR), qui fait
la course en tête, propose
la démolition du palais des
congrès et du théâtre pour
prolonger la coulée verte
du centre-ville.

A Nice, l’enjeu surprise du palais


des congrès et des expositions


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SUR
LE WEB


  • Notre dossier sur
    les municipales 2020 :
    ce que disent les derniers
    sondages sur lesechos.fr/

  • La campagne dominée
    par la sécurité et l’environ-
    nement à Lille

  • A Strasbourg, les candi-
    dats cajolent les cyclistes

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