Libération - 02.03.2020

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Libération Lundi 2 Mars 2020 http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 5


Philippe tente de rassurer les
syndicats prompts à négo-
cier. Le texte sur lequel il
engage sa responsabilité
contient déjà des «avancées».
Il maintient surtout son en-
gagement d’intégrer les solu-
tions qui se dégageraient de
la conférence. Pas de quoi
convaincre FO, qui s’inter-
roge désormais ouvertement
sur «le sens» de ce grand ra-
out, menaçant, tout comme
la CGT, de le déserter.
AMANDINE CAILHOL

«Le gouvernement vient de
faire le choix du 49.3, mais
pas encore celui de la justice
sociale», souligne Laurent
Berger, le secrétaire général
de la CFDT dans le Parisien.
La centrale promet donc de
«se battr[e] jusqu’au bout»
lors du passage du texte au
Sénat, mais aussi dans le ca-
dre de la conférence de fi-
nancement, pour faire avan-
cer ses idées. Dans sa lettre
aux partenaires sociaux
envoyée samedi, Edouard

tion et espèrent toujours faire
avancer leurs revendications.

Pénibilité. «Certains points
qu’on a défendus sur le cumul
emploi retraite ou les droits
familiaux devraient être
dans le nouveau texte», fait
valoir Chabanier. Mais pour
la CFDT, le compte n’y est
toujours pas, notamment sur
le volet pénibilité et sur les
garanties de maintien du
niveau des pensions des
fonctionnaires.

concertation, mais on se de-
mande aussi si on pouvait
continuer comme ça», ex -
plique son président, Cyril
Chabanier. Principale crainte
du syndicaliste : un durcis -
sement de la contestation,
puisque «tout passage en
force remet de l’huile sur le
feu. Cela peut donc remobi -
liser dans la rue». Ce qui est
l’opposé de la stratégie des
syndicats favorables à la ré-
forme. Ils ont depuis le début
a fait le choix de la négocia-

plus grande solidarité na -
tionale et par voie de consé-
quence l’apaisement», sou -
ligne le syndicat pour qui
le gouvernement choisit
au contraire de tendre la
situation.
Le 49.3 à peine dévoilé sa-
medi soir, des rassemble-
ments militants se sont
d’ailleurs organisés à la va-
vite à Paris, devant l’Assem-
blée, et dans plusieurs gran-
des villes de province. Dans
la foulée, la CGT annonçait
que l’Opéra de Paris et la Co-
médie-Française relançaient
leur mouvement de grève.
Après sa dernière journée
de mobilisation interprofes-
sionnelle, le 20 février, l’inter-
syndicale avait décidé de ra-
lentir le rythme de ses grands
rendez-vous, en fixant au
31 mars la prochaine grosse
journée de lutte.

Durcissement. L’annonce
du 49.3 a changé la donne.
«L’attitude du gouvernement
est profondément scanda-
leuse, et donc il y aura une ré-
action à la hauteur», a réagi
samedi Philippe Martinez, le
secrétaire général de la CGT.
Et de promettre une mobili-
sation dès cette semaine. Les
centrales doivent se mettre
d’accord ce lundi pour choi-
sir le jour idoine. La date de
mardi, jour de débat sur les
motions de censure de l’op-
position, tient la corde. S’ils
dénoncent unanimement
le 49.3, tous les syndicats
espèrent aussi que ce tour-
nant relance la mobilisation
dans la rue. «Ça peut être un
accélérateur», note Eric Bey-
nel. Selon lui, la contestation
connaîtrait déjà, depuis quel-
ques jours, un certain regain,
notamment dans l’Education
nationale en raison de la fin
des vacances scolaires.
Du côté des syndicats favo -
rables à un système de re-
traite par points, le ton est
plus mesuré. Le recours
au 49.3 est pointé du doigt, la
CFDT «déplor [ant] que les dé-
bats n’aient pu se tenir jus-
qu’au bout». Mais si le syndi-
cat de Laurent Berger pointe
la responsabilité du gouver-
nement, elle égratigne tout
autant les députés de l’oppo-
sition et la «multiplication
stérile d’amendements sans
aucun intérêt». La CFDT ren-
voie donc majorité et opposi-
tion dos à dos : «Deux straté-
gies politiques qui n’offrent
pas de perspectives aux tra-
vailleurs.» Même discours
à la CFTC. «On regrette d’en
arriver là après deux ans de

(PUBLICITÉ)

«I


ncompréhensible et
inacceptable» pour
FO. «Scandaleux» aux
yeux de la CGT. «Un véritable
déni de démocratie», selon
Solidaires. Président de la
CFE-CGC, François Homme-
ril enrage : «Après le mensonge
fondateur d’une grande ré-
forme de progrès social qui ne
fait que des perdants. Avec le
trucage de l’étude d’impact.
Voici venir le temps de la vio-
lence institutionnelle avec
le 49.3.» Déjà fâchés sur le
fond de la réforme des re -
traites, les syndicats en pre-
mière ligne de la contestation
contre le projet de l’exécutif
sont tout autant ulcérés par la
forme. Depuis samedi et l’an-
nonce du recours au 49.3 par
le Premier ministre, ils ont
tous, tour à tour, fustigé la
décision du gouvernement.
«C’est un dossier très impor-
tant qui touche à la protection
sociale et à la vie de tout le
monde, un sujet comme cela
mérite le temps du débat. Et
là, il n’y a rien. Depuis décem-
bre, ce n’est qu’un jeu de dupes
de la part du gouvernement»,
accuse Eric Beynel, porte-pa-
role de Solidaires. Ce qui n’est
pas courant, c’est que ce point
de vue est partagé par le pré-
sident du Medef, Geoffroy
Roux de Bézieux, pour qui la
réforme «aurait mérité un
vrai débat».
Certes, la perspective d’un
débat sans vote à l’Assemblée
nationale se profilait depuis
plusieurs jours mais pour FO,
ce «mauvais signal» est d’au-
tant plus regrettable qu’il a
été envoyé par surprise au
détour d’un Conseil des mi-
nistres exceptionnel dédié à
l’épidémie de coronavirus. Or
la crise sanitaire «exige [...] la

L’intersyndicale s’insurge, la CFDT


renvoie majorité et opposition dos à dos


Le recours au 49.
exaspère les
centrales opposées
à la réforme, qui
espèrent relancer
le mouvement
de protestation.

Ce qui n’est pas


courant, c’est
que ce point de

vue est partagé


par le président


du Medef, pour


qui la réforme
«aurait mérité

un vrai débat».

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