Les Echos - 02.03.2020

(nextflipdebug2) #1
pour la plupart des masques de protection. Le musée n’a pas ouvert ses portes dimanche, en raison d’un droit

otidienne des Français


annoncé de nouvelles mesures
pour aider les entreprises et les
salariés. Pour les entreprises, le
coronavirus sera « considéré
comme un cas de force majeure », a
déclaré le ministre de l’Économie
et des Finances, Bruno Le Maire. Il
promet que, « pour tous les mar-
chés publics de l’État, si jamais il y a
un retard de livraison de la part des
PME ou des entreprises, nous
n’appliquerons pas de pénalité ».
Ensuite, le ministre a annoncé
des « possibilités de recours à l’acti-
vité partielle » et « l’étalement des
charges sociales et fiscales pour les
entreprises qui en auront besoin ».
Certaines entreprises, qui ont subi
les grèves et la chute des touristes
chinois, sont déjà fragilisées. Quant
aux salariés, ils pourront être arrê-
tés et seront indemnisés par la
Sécurité sociale tout comme les
parents d’enfants confinés.
L’impact macroéconomique reste,
lui, difficile à estimer. Pour Denis
Ferrand, directeur général de
Rexecode, « l’épidémie a changé de
nature en se développant sur le sol
européen. Aujourd’hui, personne ne
peut avancer de chiffre précis sur
l’impact économique du coronavi-
rus en Europe. »
Certains s’y risquent quand
même. Les économistes de Bank of
America ont revu à la baisse leurs
prévisions de croissance mondiale
à 2,8 % cette année. Mais ils sont
beaucoup plus pessimistes pour la
zone euro puisqu’ils tablent sur
une progression du PIB de seule-
ment 0,6 % cette année, la plus
mauvaise performance depuis


  1. Sur le premier semestre, la
    croissance serait nulle et l’Allema-
    gne et l’Italie connaîtraient une
    récession. Le sort de la France n’est
    pas beaucoup plus enviable. La
    croissance atteindrait seulement
    0,8 % en 2020, alors que le gouver-
    nement anticipe encore une
    hausse du PIB de 1,2 %.n


Les inquiétudes pour l’économie


grandissent en Europe


Guillaume de Calignon
@gcalignon

Au fur et à mesure que l’épidémie
liée au coronavirus s’étend en
Europe, les craintes de graves
répercussions grandissent. Des
décès évidemment, mais aussi des
conséquences économiques très
négatives. Au-delà de l’impact
sanitaire, sur le plan de l’activité,
l’épidémie de coronavirus consti-
tue en effet un choc d’offre mais
aussi un choc d e demande. Le choc
d’offre, c’est le potentiel confine-
ment d’une partie de la population
qui paralyserait les entreprises,
notamment les usines. Ce qui, en
retour, affecterait la production et
pourrait désorganiser les proces-
sus de production, comme dans
l’automobile, par exemple, une
industrie qui intègre de nombreux
composants venant de l’étranger.
Le choc de demande tient lui, au
fait que, de peur d’être contaminés,
les ménages changent leurs com-
portements. Il est même possible
que la consommation cale. Or « en
Europe, jusqu’à présent, ce sont les
consommateurs et la demande
interne qui ont évité aux économies
de flancher », rappelle Ludovic
Subran, chef économiste de l’assu-
reur Allianz.
Les investisseurs ne s’y sont pas
trompés : les marchés actions euro-
péens ont plongé d’environ 13 % la
semaine dernière. « L’absence de
réponse paneuropéenne à la propa-
gation de l’épidémie de coronavirus

La crise sanitaire s’étend
en Europe. Devant
l’absence de coordination
au niveau européen et la
flambée de nouveaux cas
d’infection, les Bourses ont
de nouveau plongé.
Des économistes antici-
pent une récession en
Italie et en Allemagne.

Laurance N’Kaoua
et Olivier Tosseri

C’est une thérapie de choc. Le gou-
vernement italien débloquera
3,6 milliards d’euros, soit 0,2 % du
produit intérieur brut, pour finan-
cer des mesures aidant les entre-
prises transalpines à affronter les
conséquences de l’épidémie de
coronavirus. Avec cette promesse
faite, dimanche, par le ministre de
l’Economie, Roberto Gualtieri,
dans le quotidien « La Repub-
blica », démarre la phase II d’un
plan ambitieux. Vendredi,
900 millions d’euros d’aide avaient
déjà été octroyés par un gouverne-
ment soucieux de limiter les effets
dévastateurs d’une crise sanitaire
sur un pays à la croissance sta-
gnante et qui devrait bientôt
entrer en récession.

Des pertes
de 9 à 27 milliards
Or l’institut d’études REF R icerche a
estimé que la crise sanitaire en
cours pourrait réduire le PIB italien
de 1 à 3 % au p remier s emestre 2020.
La péninsule pourrait perdre entre

9 et 27 milliards d’euros à cause du
ralentissement de la Lombardie et
de la Vénétie, les deux principaux
foyers de contagion, qui sont aussi
ses deux locomotives économi-
ques. Avec l’Emilie-Romagne, éga-
lement fortement touchée, ces
régions pèsent 40 % du PIB du pays.
Dimanche, le pays restait le
principal foyer européen de coro-
navirus Covid-19. A lui seul, le sec-
teur du tourisme, qui représente
13 % du PIB, est en chute libre dans
toute l’Italie : à Rome, pourtant
située loin du foyer, 50 % des
séjours d’ici à fin mars ont été
annulés.

Clémence demandée
à Bruxelles
Depuis le début de l’épidémie il y a
une semaine, 1.128 personnes ont
été testées positives au virus en Ita-
lie, alors qu’elles n’étaient encore
que 888 vendredi. L e pays d éplorait
samedi huit nouveaux morts en
24 heures, portant le bilan à
29 décès, tous des personnes âgées,
déjà atteintes, pour la plupart, de

graves pathologies. Dans le détail,
les 900 millions d’euros débloqués
la semaine dernière avaient été
destinés au moratoire des impôts
et à des prêts bancaires pour les
zones les plus touchées. Les mesu-
res supplémentaires annoncées
par Roberto Gualtieri, dimanche,
comprendront des crédits d’impôt
pour les entreprises ayant enregis-
tré une baisse de 25 % de leur chif-
fre d’affaires, d’autres réductions
d’impôt et des fonds supplémentai-
res pour les services de santé.
D’où l’urgence de soumettre au
Parlement italien au plus vite cette
nouvelle salve de dispositions. Ce
dernier sera ainsi appelé à autoriser
une augmentation du déficit public
tandis que plus de flexibilité sera
réclamée à Bruxelles. R oberto Gual-
tieri se dit convaincu que l’Europe se
montrera clémente. Il s’est entre-
tenu avec ses homologues français
et allemand et évoque, aussi, une
phase III : une coordination euro-
péenne pour lancer un plan extra-
ordinaire limitant les effets du coro-
navirus sur l’eurozone.n

L’ Italie débloque 3,6 milliards pour


voler au secours de ses entreprises


Le ministre de l’Economie,
Roberto Gualtieri, a
promis de débloquer 0,2 %
du PIB italien pour aider
les entreprises à combattre
les effets du coronavirus.

en Italie est inquiétante », considère
Ludovic Subran. « C’est d’ailleurs ce
manque de coopération et de coordi-
nation qui explique la chute des mar-
chés actions cette semaine. Les inves-
tisseurs craignent que les gens restent
chez eux, consomment moins, voya-
gent moins, ce qui serait un choc
déflationniste majeur ». Pour le
chef économiste du groupe alle-
mand, « c’est ce choc de demande
qui exige une réponse de politique
économique ».

D’autant qu’entreprises et
ménages p euvent surréagir,
créant ainsi un décalage entre le
nombre d’infections, somme
toute limité a ujourd’hui, et
l’impact macroéconomique.

« Un cas de force
majeure »
D’autre part, comme l’explique
William De Vijlder, chef écono-
miste de BNP Paribas, « si les entre-
prises sont dans l’incapacité de pro-
duire ou d’expédier leur production,
ou si elles sont confrontées à une
baisse de la demande, des tensions
peuvent apparaître en termes de
besoin en fonds de roulement ». Les
évolutions sur les marchés finan-
ciers pourraient alors jouer un rôle
d’accélérateur et contribuer à la
détérioration des perspectives de
croissance. C’est aussi ce cercle
vicieux que banque centrale et
pouvoirs publics doivent casser. En
fin de semaine, le gouvernement a

Les marchés
financiers
pourraient jouer un
rôle d’accélérateur
et contribuer
à la détérioration
des perspectives
de croissance.

d’avoir pris cette initiative choc pour
faire taire les critiques qui avaient
moqué son manque de réactivité
face à la crise. Longtemps, le leader
conservateur a semblé vouloir
minimiser l’ampleur de l’épidémie
pour ne pas menacer l’organisation,
cet été, des JO de Tokyo. « La
bureaucratie japonaise est dominée
par une culture du “kotonakare
shugi” (littéralement “le pas-de-pro-
blème-isme”), qui donne la priorité à
la stabilité et à la conformité, et évite
tout ce qui pourrait faire tanguer le
bateau institutionnel », a expliqué
dans un éditorial, Koichi Nakano,
un influent professeur de sciences
politiques de l’Université de Sophia.
En l’absence de Centre de
contrôle des maladies indépendant
(CDC), des hauts fonctionnaires
japonais, peu expérimentés, gar-
dent la main sur la gestion de la crise
et semblent avoir sciemment limité
le nombre de tests organisés dans
l’Archipel. L’exécutif affirme qu’il
serait en capacité de tester
3.800 personnes par jour mais il
n’en a testé, dans les faits, qu’en
moyenne 950 au quotidien sur la
semaine du 17 février. Il n’a ainsi
identifié jusqu’ici, sur son territoire,
que 241 cas d’infection, en plus de
ceux détectés à bord du paquebot
« Princess Diamond ». Un bilan jugé
très sous-estimé par les analystes.
Cette approche tranche avec la
réactivité de la Corée du Sud. Tra-
vaillant sous la direction du Korea
Center for Disease Control and Pre-
vention (KCDC), les autorités de
Séoul testent, elles, désormais près
de 10.000 personnes par jour et ont
repéré, depuis le début de la crise,
plus de 3.500 malades. Un nombre
spectaculaire qui a poussé de nom-
breux pays occidentaux, et notam-
ment les Etats-Unis, à placer la
Corée sur la liste des destinations à
risque. Une sanction à laquelle le
Japon a, lui, échappé.n

Le pouvoir japonais toujours tétanisé


face au coronavirus


Yann Rousseau
— Correspondant à Tokyo

Presque un dimanche d’Obon, cet
hommage aux défunts. Habituelle-
ment palpitante, la mégapole de
Tokyo tournait au ralenti, ce week-
end, comme lors de ces congés tra-
ditionnels de la mi-août. Dès le ven-
dredi, tous les grands parcs
d’attractions de la ville, dont
Disneyland, avaient décrété une
fermeture exceptionnelle d’au
moins deux semaines. Restés
ouverts, les grands magasins pei-
naient, eux, à attirer des clients
malgré la distribution de bons
d’achat aux plus « courageux ».
Près du Palais impérial, seuls quel-
ques dizaines de milliers de
badauds portant des masques chi-
rurgicaux avaient approché le par-
cours du marathon de Tokyo qui
d’ordinaire attire un million de
fans. Redoutant une vague de
contamination, les organisateurs
avaient interdit la course aux
38.000 amateurs inscrits pour
n’accueillir q ue 300 professionnels.

Ecoles fermées
jusqu’en avril
Après avoir plutôt bien digéré la
crise du coronavirus, la population
japonaise a été gagnée par l’inquié-
tude jeudi lorsqu’elle a entendu le
Premier ministre, Shinzo Abe,
demander la fermeture, dès ce
lundi et jusqu’à début avril, de tou-
tes les écoles du pays. La mesure,

La population nippone
a mal vécu l’annonce
de la fermeture des écoles
du pays. Beaucoup soupçon-
nent le Premier ministre
Shinzo Abe de minimiser
l’ampleur de la crise
sanitaire pour conserver
l’organisation, cet été, des
Jeux Olympiques de Tokyo.

Les écoles anglaises
sur le qui-vive

Et si les écoles anglaises restaient fermées pendant plus
de deux mois? C’est l’un des scénarios évoqués en cas de
pandémie par le médecin en chef pour l’Angleterre, Chris
Witty, alors que Boris Johnson s’apprête à publier un plan
de mesures face au virus. Plusieurs écoles ont pris les
devants, fermant ou mettant des élèves en quarantaine.
Le ministre de la Santé, Matt Hancock, a dû intervenir,
relativisant les risques pour éviter la panique. Selon Chris
Witty, le système public de santé pourrait aussi devoir
retarder des milliers d’opérations non urgentes pour
libérer des lits. Pour l’heure, le Royaume-Uni ne compte
que 23 malades, avec un seul décès – un passager du « Dia-
mond Princess », ce paquebot en quarantaine à Yokohama.

1 à 3 %

DE BAISSE DU PIB
L’effet de l’épidémie sur
l’économie italienne au premier
trimestre, selon REF Ricerche.

qui a désarçonné les familles, a jeté
un froid d ans l’archipel. Soudain, l a
situation serait devenue grave. Dès
vendredi, des habitants ont pris
d’assaut les supermarchés et les
pharmacies pour stocker du
papier toilette, des mouchoirs en
papier et des serviettes hygiéni-
ques. Une rumeur infondée aurait
évoqué des risques de pénurie.
Contraint de s’expliquer, samedi
soir, sur sa décision, le chef du gou-
vernement a assuré qu’il voulait
éviter des contaminations de
masse et promis un plan pour
aider financièrement les familles
qui vont devoir prendre des congés
pour s’occuper de leurs enfants.
« Nous ne pouvons pas gagner cette
bataille sans la coopération de cha-
cun d’entre vous », a martelé Shinzo
Abe, sans vraiment convaincre.
L’opposition et une partie de l’opi-
nion publique l’accusent toujours

« La bureaucratie
japonaise
est dominée par
une culture du
“kotonakare shugi”
[littéralement “le
pas-de-problème-
isme”], qui donne
la priorité
à la stabilité
et à la conformité,
et évite tout ce
qui pourrait faire
tanguer le bateau
institutionnel. »
KOICHI NAKANO
Professeur de sciences
politiques de l’Université
de Sophia

Les Echos Lundi 2 mars 2020 ÉVÉNEMENT// 03

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