Libération - 20.02.2020

(C. Jardin) #1
18 u http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe Libération Jeudi^20 Février 2020
France

de la fondatrice d’Apar.tv, Cé-
cile M. Autre élément allant
dans le même sens : le
compte Twitter de Zoé Sagan
a été créé avec un numéro qui
se termine par 35, comme ce-
lui de Cécile M.
Par ailleurs, sur son compte
Facebook, inaccessible de-
puis mercredi, Cécile M. a ac-
tivement fait la promotion
du roman de Zoé Sagan, le

jour de la sortie, dans au
moins cinq groupes diffé-
rents de gilets jaunes sur le
réseau. Toujours sur Face-
book, Cécile M. est égale-
ment, après Zoé Sagan, le se-
cond compte à relier Juan
Branco à l’affaire Griveaux,
en félicitant l’avocat et l’écri-
vaine sous pseudo le 14 fé-
vrier, à 10 h 50. C’est égale-
ment sur leur site, Apar.tv,
que l’on peut lire depuis 2018
la plume de Zoé Sagan. En
septembre de la même an-
née, elle écrivait dans un
message uniquement acces-
sible à ses «amis» Facebook :
«C’est officiel, je reprends en
main la totalité des rubriques
de la plateforme Apar.tv. J’ai
enfin le niveau. Enfin à ce que

me disent Cécile et Aurélien
qui me donne (sic) l’occasion
d’enfin montrer ce que je sais
faire. Comme j’ai carte blan-
che et que je suis payée pour
faire maintenant de l’au-
dience, je vais tout changer à
part le ton et le nom.» Un der-
nier élément relie Zoé Sagan
aux fondateurs d’Apar.tv. Il y
a quelques mois, Zoé Sagan
a souhaité remettre un colis
à l’un des prestataires du
site. Et c’était Aurélien P.,
seul, qui devait le lui donner.
Ces deux personnes sont-el-
les toujours, aujourd’hui,
derrière ce compte, et donc
les auteurs du post du 12 fé-
vrier? Contactés, Cécile M. et
Aurélien P. n’ont pas répondu
à nos sollicitations.•

Dès le 12 février,
le compte Facebook
d’une «écrivaine»
sous pseudo a été
l’un des premiers à
relayer le site de
Piotr Pavlenski où
se trouvaient les
vidéos à caractère
sexuel de l’ancien
candidat à la mairie
de Paris.

Par
Robin Andraca
et Vincent Coquaz

La publication de Zoé Sagan


intervient vingt-quatre heures


avant les tweets de Joachim


Son-Forget ou du cofondateur de
Doctissimo, Laurent Alexandre.

«L’


inénarrable avo-
cat et activiste
politique Juan
Branco m’a envoyé ce midi un
lien au-delà du réel (signé par
l’artiste Piotr Pavlenski) où le
candidat macroniste à la
mairie de Paris envoie à des
jeunes filles des films de lui en
train de se masturber.» Cette
publication Facebook date
du 12 février, à 17 h 31. Elle est
signée par une
mystérieuse Zoé
S a g a n. A u -
jourd’hui sup-
primé, le post était accompa-
gné d’un lien vers «Porno
politique», le site de l’acti-
viste russe Piotr Pavlenski,
qui comprenait plusieurs
images à caractère sexuel de
Benjamin Griveaux.

Mentions «J’aime». Cette
publication de Zoé Sagan
cristallise depuis l’attention.
Car si elle intervient plusieurs
heures après des premiers
posts à propos de l’affaire sur
Facebook – par Piotr Pa-
vlenski lui-même ou sur au
moins un groupe de gilets
jaunes –, il s’agit de la pre-
mière qui reçoit de nombreux
partages et mentions
«J’aime». Elle intervient ainsi
vingt-quatre heures avant les
tweets du député Joachim
Son-Forget ou du cofonda-
teur de Doctissimo, Laurent
Alexandre. A ce titre, elle a

Le patron du PS demande la tête de Castaner
Mercredi matin, Christophe Castaner est revenu sur
­l’affaire Griveaux sur France Inter : «J’ai été surpris d’enten-
dre Olivier Faure à votre micro. Je le connais bien à titre personnel depuis
longtemps, je l’ai accompagné dans ses divorces et ses séparations. J’ai été
étonné de ses leçons de morale.» Réaction du patron du PS : «Le fait pour
un ministre de l’Intérieur de chercher à intimider l’un des dirigeants de
­l’opposition, en ayant recours à des insinuations relevant de sa vie privée,
est une atteinte au fondement de la démocratie.» Photo AFP

LIBÉ.FR

contribué à la diffusion, dès
le début, des contenus qui
ont conduit Benjamin Gri-
veaux à jeter l’éponge. Sur-
tout, le compte de Zoé Sagan
est le premier, à notre con-
naissance, à lier publique-
ment Juan Branco à l’affaire
(deux jours avant que le Fi-
garo annonce qu’il représen-
tait l’activiste russe), en affir-
mant que l’avocat lui aurait
«envoyé le lien». Fragilisant
ainsi la version de Branco, qui
affirme, depuis le départ,
n’avoir pas partagé cette in-
formation. A noter que le par-
tage, privé comme public,
sans l’accord de la personne
concernée, de tout enregis-
trement à caractère sexuel,
est interdit par la loi.
Contacté par Libération,
Juan Branco répète n’avoir ja-
mais, même en privé, partagé
le lien menant vers le site de
Pavlenski. Comment, dès
lors, expliquer que le message
posté dès le 12 février affirme
le contraire? «J’ai mis en con-
tact [Zoé Sagan] avec Piotr qui
me demandait
[son] contact.
Tout simple-
ment. De là, Zoé
Sagan a considéré que c’était
via moi [qu’elle] avait eu accès
à cette affaire.» Pendant l’en-
tretien, Juan Branco nous a
également assuré être l’avo-
cat de Zoé Sagan, à laquelle il
fait référence en utilisant le
pluriel : «J’ai un mandat de-
puis un an à peu près pour les
aider dans les nombreuses
merdes dans lesquelles ils se
mettent régulièrement avec
leurs publications sur les ré-
seaux sociaux.»
Mais qui est donc Zoé Sagan?
Dès les premières lignes de
son roman, Kétamine, l’au-
teure se décrit comme «une
intelligence artificielle origi-
nellement programmée pour
communiquer avec les dau-
phins et qui a fini par évoluer
grâce à la formule moléculaire
de la kétamine». Une présen-
tation confirmée à Libé par
son éditrice, Marion Mazau-

ric, qui a aussi publié Crépus-
cule, le pamphlet anti-Ma-
cron de Juan Branco, vendu
à plus de 100 000 exemplai-
res : «C’est une intelligence ar-
tificielle, qui pénètre la société
par mail ou par Twitter.» De-
puis fin janvier, Zoé Sagan
publie aussi des chroniques
sous forme de lettres adres-
sées à Bernard Arnault sur le
site du Média. «Elle a du ta-
lent, un regard que j’appré-
cie», explique Denis Robert,
directeur de la rédaction.

Liens multiples. Derrière
cette intelligence artificielle
semblent pourtant se cacher,
en réalité, au moins deux
personnes influentes : Cé-
cile M. et Aurélien P. Tous
deux travaillent depuis plu-
sieurs années dans le monde
de la communication. Ils ont
fondé la plateforme Apar.tv,
sur laquelle on retrouve prin-
cipalement des chroniques et
interviews sur l’art, la mode
et le cinéma. Ce site propose
également ses services en dé-
veloppement web, marketing
et «développement créatif».
Il sert enfin de rampe de lan-
cement au «mouvement»
99 % Youth, à mi-chemin en-
tre la performance artistique,
l’influence et le «collectif po-
litique». Leur slogan : «Nous
ne sommes pas à gauche.
Nous ne sommes pas à droite.
Nous sommes demain.»
Les liens entre ces deux per-
sonnes et Zoé Sagan? Ils sont
multiples. Tout d’abord un
numéro de téléphone.
Fin 2018, lorsqu’une journa-
liste du média l’ADN contacte
Zoé Sagan sur Facebook, cel-
le-ci lui communique un nu-
méro : tout bonnement celui

Affaire Griveaux :


qui se cache derrière


Zoé Sagan?


Benjamin Griveaux, lors d’un meeting en juillet à Paris. Photo Martin Colombet

L’histoire
du jour
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