Libération - 20.02.2020

(C. Jardin) #1

Libération Jeudi 20 Février 2020 u 9


E


t si cette tentative médicale était enfin
porteuse d’espoir? Lundi, les autorités
sanitaires chinoises ont officiellement
demandé aux personnes guéries du Covid-
de venir donner leur sang afin d’en extraire
le plasma et de l’injecter dans le corps des in-
dividus toujours infectés.
La méthode, déjà connue et employée contre
d’autres virus (la rage ou l’hépatite B, par
exemple), consiste à récupérer les anticorps
produits par le système immunitaire des
­patients guéris et les transférer chez les per-
sonnes malades pour qu’ils puissent bloquer

la propagation virale. Utilisée la semaine der-
nière sur onze patients hospitalisés à Wuhan,
dans la province du Hubei touchée de plein
fouet par la crise, cette technique aurait en-
traîné des premiers résultats très positifs, se-
lon les déclarations des pouvoirs publics.
«L’un [des patients] est déjà rentré chez lui, un
autre a été capable de se lever et de marcher
et les autres sont en voie de guérison», a expli-
qué à l’AFP Sun Yanrong, du Centre biolo­-
gique du ministère des Sciences et Technolo-
gies. «Nous sommes convaincus que cette
méthode peut être très efficace», a indiqué de
son côté Lu Hongzhou, professeur au Centre
clinique de santé publique de Shanghai.

«Aucun risque». Dans la mesure où la
­perspective d’un vaccin reste lointaine et où
le nombre de victimes du coronavirus a
­dépassé, mercredi, la barre symbolique
des 2 000 morts, ces premières annonces

­réconfortantes sont plus que bienvenues
en Chine. «Les retours de ces premières injec-
tions de plasma sont encourageants», confirme
à Libé Isabelle Imbert, enseignante-cher-
cheuse du laboratoire Architecture et fonction
des macromolécules biologiques à l’université
d’Aix-Marseille. «Bien sûr, il va falloir prendre
des précautions pour éviter la transmission
éventuelle d’autres maladies sanguines. Mener
également tout un travail d’identification des
meilleurs “donneurs-guérisseurs” pour récupé-
rer le plus d’anticorps et agir le plus rapide-
ment possible», poursuit-elle.
Pour le moment, la quantité de plasma récol-
tée est insuffisante et donc utilisée en priorité
pour les malades sévèrement atteints. «Mais
c’est une bonne nouvelle de savoir que cette mé-
thode naturelle a des probabilités de fonction-
ner, reprend Isabelle Imbert. De plus, cette
pratique n’expose à aucun risque d’effets secon-
daires, comme pourrait l’engendrer un vaccin.

Le corps ne rejettera pas les anticorps puisqu’ils
viennent de composants humains.» La piste
semble donc bonne. Toutefois, le nombre
d’expérimentations est pour l’heure bien trop
faible pour conclure à une réussite médicale.

«Preuves». «Il est impératif de constituer un
niveau de preuves significatif. Pour cela, les
autorités sanitaires chinoises vont devoir éla-
borer un essai clinique comparatif d’envergure
sur deux, trois mois, explique Yazdan Yazdan-
panah, chef du service des maladies infec-
tieuses à l’hôpital Bichat, à Paris. Il faut faire
très attention avec toutes ces nouvelles qui vont
vite. La méthode testée est logique, cohérente
et prometteuse. Mais il est beaucoup trop tôt
pour dire si ce sera réellement efficace.» Pour
rappel, en 2015, cette technique d’injection de
plasma sanguin n’avait finalement pas été
opérante pour combattre le virus Ebola.
Anaïs Moran

La piste «prometteuse» du don de plasma


La Chine teste une méthode
consistant à récupérer le
plasma de patients guéris du
Covid-19 pour l’injecter aux
malades. Son efficacité doit
encore être confirmée.

d’une résidence du district de Tongzhou, dans l’est de Pékin, lundi. Photo GREG BAKER. AFP

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