Le Monde - 15.03.2020 - 16.03.2020

(Grace) #1
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DIMANCHE 15 ­ LUNDI 16 MARS 2020 sports| 19

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Martin Fourcade :


« Je peux


partir apaisé »


Le Français met un terme


à sa carrière après la poursuite


de Kontiolahti, samedi 14 mars


BIATHLON


I


l aurait préféré quitter la
scène autrement, mais son
ultime révérence se fait à
huis clos, à cause d’un en­
nemi invisible qui fait trembler la
planète et met le monde du sport
à l’arrêt. En maître d’une disci­
pline où l’aléatoire est la règle,
Martin Fourcade n’est pas du
genre à s’en formaliser. Le quintu­
ple champion olympique de
biathlon a annoncé, vendredi soir
13 mars, sa décision de ranger les
skis et la carabine. Le Français vit
la dernière course de sa carrière
samedi, lors de l’ultime étape de
la Coupe du monde à Kontiolahti
(Finlande). La saison devait initia­
lement s’achever à Oslo, du 20 au
22 mars, mais les trois courses
programmées en Norvège ont été
annulées en raison de la pandé­
mie de coronavirus.
« J’ai le sentiment de faire le bon
choix, a­t­il expliqué sur la chaîne
L’Equipe. Ces émotions et cette vie
de groupe vont me manquer, mais
je peux partir apaisé en ayant
transmis le relais que Vincent De­
frasne [champion olympique
en 2006] m’avait lui­même donné
il y a dix ans. »
La décision, qu’il mûrit depuis
le milieu de l’hiver, a fini par
s’imposer lors des champion­
nats du monde d’Antholz (Italie),
en février. « J’ai eu le sentiment
après le relais hommes [remporté
par la France après dix­neuf ans
de disette] que c’était le bon mo­
ment. C’est l’instant où j’ai pris
conscience que cette histoire­là
avait été magnifique et qu’elle
touchait à sa fin. »
A la veille de boucler la boucle
sur la poursuite de Kontiolahti, là
où il avait décroché son premier
succès en Coupe du monde
en 2010, il pouvait encore viser le
gros globe de cristal. Leader du
classement, le Français de 31 ans
est toujours à la lutte avec son
dauphin et tenant du titre norvé­
gien, Johannes Boe, mais compte
virtuellement 19 points de retard
sur son rival, puisque le règle­
ment prévoit de retrancher à cha­
que biathlète ses deux plus mau­
vais résultats au terme de l’hiver.
Quel que soit le résultat de sa­
medi, Fourcade quitte la scène
avec un palmarès qui l’a fait entrer
au panthéon du sport national.
Sportif français le plus titré aux
Jeux olympiques (cinq médailles
d’or), le « TGV catalan » a compilé
82 succès sur le circuit et possède
le record du nombre de Coupes du
monde remportées (sept d’affilée,
de 2012 à 2018), de petits globes
(vingt­six) et de titres mondiaux
(onze sur le plan individuel, à éga­
lité avec la légende norvégienne
Ole Einar Björndalen).

« J’ai combattu et j’ai gagné »
« De Vancouver à Oslo, face à Ole
Einar Björndalen, Emil Svendsen,
Anton Shipulin, Simon Schempp,
Johannes Boe et tous mes autres
adversaires, j’ai réalisé mes rêves
et vécu les plus belles émotions.
J’ai combattu et j’ai gagné. J’ai
souffert, aussi. Je suis tombé et je
me suis relevé. Surtout, j’ai
grandi. En ayant la chance inouïe
de voir grandir mon sport »,
écrit­il dans son communiqué, à
l’heure où la France vit un âge
d’or de la discipline, avec quatre
de ses représentants parmi les six
premiers au classement général.
Il aurait pu s’arrêter au lende­
main des Jeux olympiques 2018, à
Pyeongchang (Corée du Sud),

auréolé de trois nouvelles mé­
dailles d’or, mais « ça aurait été
beaucoup trop simple, c’était le cli­
ché que je ne voulais pas », con­
fiait­il au Monde au moment de
lancer cette ultime saison. Les
dieux du biathlon le prirent au
mot. Après avoir connu l’ivresse
des sommets, il eut le droit à une
longue gueule de bois sous forme
de chemin de croix.
Zéro médaille aux Champion­
nats du monde en 2019, « seule­
ment » deux victoires en Coupe
du monde et une 12e place au gé­
néral après sept gros globes de
cristal de rang. Fourcade écour­
tera le supplice, allant jusqu’à par­
ler de petit burn­out sportif. Cette
saison postolympique restera
comme celle où le « monstre »
qu’il avait engendré, pour repren­
dre son expression, celui qui avait
rendu prévisible un sport soumis
aux aléas climatiques et se jouant
à quelques millimètres, a repris
forme humaine.
« Je peux paraître calculateur et
très réfléchi, mais ça a vraiment
été un moment très difficile. J’ai
beaucoup appris sur ma capacité
de résilience, sur ma patience, que
je pensais limitée, ça a été un gros
travail sur moi­même de reve­
nir au premier plan », a expliqué
Fourcade vendredi. En janvier,
Fourcade a profité de l’absence de
Johannes Boe, resté pouponner
après la naissance de son fils,
pour lui souffler son maillot
jaune. Avec une efficacité retrou­
vée sur le pas de tir : ce mois­là,
Martin « la Gâchette » Fourcade
n’a manqué que trois balles sur
120 tirées, soit un taux inouï de
97,5 % de réussite.
Jusqu’à l’apothéose et son on­
zième titre mondial lors de l’indi­
viduel à Antholz, le 19 février.
« C’était le premier titre mondial
qui avait le vrai goût de champion
du monde », dira l’intéressé. Ceux
d’avant, quand il était le roi in­
contesté du biathlon mondial?
« C’était trop beau pour être vrai.
Ma saison passée m’a permis de
comprendre qu’il y avait eu une
anormalité dans tout ça. Rebondir
pour en arriver là, à ces moments
de bonheur partagés, fut le plus
grand défi de ma carrière. Je crois
que cette dernière mission a été
accomplie, quelle que soit l’issue
de cette saison », dit encore le por­
te­drapeau de la délégation trico­
lore aux JO de Pyeongchang,
dont les prises de position tran­
chées, notamment en matière de
dopage, lui ont valu quelques ini­
mitiés sur le circuit, en particu­
lier des Russes.
Fourcade compte bien conti­
nuer à faire porter sa voix, lui qui
préside la commission des athlè­
tes de Paris 2024 et s’est porté can­
didat à la commission des athlè­
tes du Comité international olym­
pique (CIO) en 2022 : « La passion
que je voue à mon sport est in­
tacte. Mon amour pour le sport en
général, et les valeurs de dépasse­
ment de soi et de respect des autres
qu’il transmet, est plus grand que
jamais. C’est dans cet univers que
je veux continuer à m’exprimer, à
m’investir, à partager. »
élisabeth pineau

« Rebondir pour
en arriver là fut
le plus grand défi
de ma carrière »
MARTIN FOURCADE

Martin Fourcade, entouré de Quentin Fillon Maillet (à gauche) et Emilien Jacquelin, à Antholz (Italie), le 23 février. M. BERTORELLO/AFP
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