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DIMANCHE 15 LUNDI 16 MARS 2020 culture| 21
Le fascisme, face sombre de Le Corbusier
Un livre proposé par la fondation consacrée à son œuvre tente de dédouaner l’architecte de lourdes accusations
ARCHITECTURE
L
a parution d’un ouvrage
collectif, Le Corbusier
19302020. Polémiques,
mémoire et histoire, vient
rouvrir l’épineux dossier des
liens du grand architecte avec le
fascisme. En 2015, trois biogra
phies explorant cette face
sombre du personnage avaient
gâché les célébrations du cin
quantenaire de sa mort : Un
Corbusier, de François Chaslin
(Seuil) ; Le Corbusier, un fascisme
français, de Xavier de Jarcy (Albin
Michel) ; et Le Corbusier. Une
froide vision du monde, de Marc
Perelman (Michalon).
Alors que le Centre Pompidou, à
Paris, lui consacrait une grande
exposition, que la Fondation Le
Corbusier bataillait depuis des
années pour faire inscrire son
œuvre au Patrimoine mondial de
l’Unesco – ce qui a finalement été
fait en 2016, via le classement de
dixsept de ses bâtiments –, ces li
vres mettaient au jour, entre
autres, un antisémitisme de jeu
nesse, des liens avec des mem
bres du groupe fasciste français
Le Faisceau, son voyage dans l’Ita
lie fasciste en 1934, les propos lau
datifs qu’il a pu tenir sur Hitler
dans les années 1930, son choix
de s’installer à Vichy entre jan
vier 1941 et juillet 1942...
Attentif à inscrire l’attitude du
personnage dans le trouble de son
époque tout en posant frontale
ment la question de sa responsa
bilité morale, François Chaslin ne
cachait pas, dans son livre, l’admi
ration émue que lui inspire le gé
nie du créateur. Beaucoup plus
critiques, Xavier de Jarcy et Marc
Perelman trouvent, eux, dans l’at
titude politique de l’architecteur
baniste des arguments forts pour
disqualifier son œuvre.
Quatre textes inédits
Réalisé à l’initiative de la Fonda
tion Le Corbusier, dirigé par l’his
torien Rémi Baudouï avec la colla
boration scientifique du respon
sable du Centre de recherche de la
fondation, Arnaud Dercelles,
l’ouvrage qui vient de paraître
réunit les contributions d’un col
loque organisé en 2015 au Centre
Pompidou, quelques mois après
la clôture de l’exposition, en réac
tion à la polémique, et leur ad
joint quatre textes inédits. Des ar
ticles spécifiquement consacrés à
Le Corbusier alternent avec
d’autres, plus généraux, sur le cli
mat de l’époque, l’ensemble vi
sant à laver l’architecte des accu
sations qui ont été portées contre
lui à un moment où un musée Le
Corbusier (où la fondation pré
voit en outre de se relocaliser) est
en gestation à Poissy (Yvelines).
En février 2019, l’annonce du
projet avait relancé la polémique.
Dans Le Monde, une tribune lan
cée par Xavier de Jarcy et Marc
Perelman, qui venaient de publier
ensemble un nouveau livre (Le
Corbusier, zones d’ombre, Editions
NonStandard, 2018), dénonçait
une « entreprise de réhabilitation
d’un homme qui s’est réjoui de la
défaite française de juin 1940,
avant de se faire recruter par le ré
gime collaborationniste du maré
chal Pétain ». A la même époque,
un projet de construction de tours
aux abords de la Cité radieuse de
Le Corbusier, à Marseille, avait
suscité des inquiétudes quant au
maintien de son classement au
Patrimoine mondial de l’Unesco.
Brandissant la haute exigence
scientifique et historique de leur
démarche pour mieux dénigrer le
travail des biographes, Rémi
Baudouï et Arnaud Dercelles leur
reprochent, sans jamais vraiment
étayer leur propos ni chercher à
les distinguer les uns des autres,
d’avoir interprété un faisceau de
faits concordants « sans discerne
ment » et d’en avoir tiré des con
clusions « arbitraires ». Leur ap
proche est inverse. Identifiant
certains de ces faits (en en igno
rant d’autres), ils les ont isolés
pour les analyser chacun à la lu
mière d’un contexte spécifique
qui vient en quelque sorte en rela
tiviser la portée et blanchir, au
bout du compte, le personnage.
Dans leur texte d’introduction, ils
le dépeignent comme « le bouc
émissaire » de « nos doutes et de
nos angoisses sociétales », victime
d’une « chasse aux sorcières ».
Son antisémitisme de jeu
nesse est ainsi analysé comme un
atavisme familial typique de
l’époque, nourri de « stéréotypes
courants dans les petitesbourgeoi
sies françaises » (« Le Corbusier et
les Juifs, propos privés et retenue
publique », par JeanLouis Cohen).
Une faiblesse d’autant plus excu
sable, ajoute ce grand spécialiste
de Le Corbusier, qu’elle ne l’aura
pas empêché d’avoir des amis et
des employés juifs et d’inspirer, en
tant qu’architecte, comme le déve
loppe Tzafrir Fainholtz, toute une
génération d’architectes israé
liens (« Le Corbusier et le mouve
ment sioniste »). Aucun lien, donc,
avec la décision qu’il prendra de
s’installer à Vichy. Les dixsept
mois passés dans la capitale de
l’« Etat français », entre jan
vier 1941 et juillet 1942, sont analy
sés à la lumière d’un apolitisme
viscéral, auquel Josep Quetglas
consacre un article entier.
Couplé à un antiparlementa
risme farouche, ce singulier mé
lange de « naïveté », d’« égoïsme »
et d’« opportunisme profession
nel » (qui veut construire doit
courtiser le pouvoir) expliquerait
de la même manière, selon Rémi
Baudouï, les louanges à l’égard
d’Hitler. Dans un texte intitulé « Le
Corbusier, 19381945 », l’historien
et spécialiste insiste sur le fait
qu’« il est difficile de cerner la na
ture même ce que l’on pourrait ap
peler “la collaboration architectu
rale” », et qu’« en aucune manière
Le Corbusier ne peut être suspecté
de compromission avec le régime
de Vichy et la collaboration d’Etat ».
Sur la question des liens qu’il
aurait entretenus avec Le Fais
ceau, Mary McLeod estime qu’ils
auraient été abusivement dé
duits de sa participation à Plans
et à Prélude durant les années
1930 : les fondateurs de ces revues
avaient, certes, été des membres
actifs du groupe fasciste français,
mais ne l’étaient plus à cette épo
que (« Le Corbusier, planification
et syndicalisme régional »). « Une
semaine particulière », le texte
d’Olivier Cinqualbre, invite, lui, à
interpréter le voyage en Italie ef
fectué par Le Corbusier en 1934 et
la dédicace qu’il a tenu à faire
d’un de ses livres au Duce à l’aune
de la curiosité dont témoignait
tout le milieu de l’architecture
française pour l’architecture fas
ciste naissante.
Il faut attendre la page 267 du li
vre et l’article du philosophe
François Warin (« Le Corbusier et
l’esprit du temps ») pour voir l’at
titude politique de l’architecte
condamnée sans ambiguïté. Sont
évoquées notamment des « sym
pathies coupables », des « accoin
tances détestables », des « com
promissions suspectes », non sans
dénoncer « l’instrumentalisation
à laquelle elles donnent souvent
lieu, afin de discréditer une œuvre
qui ne le mérite pas ».
Cet excellent article ne suffit pas
à dissiper les doutes qui envelop
pent le livre. Ce qui renvoie à ce
qu’écrivait François Chaslin dans
son savoureux pamphlet Rococo
(Editions NonStandard, 2018),
qui revenait sur l’emballement
médiatique provoqué par les trois
biographies de 2015 et la levée de
boucliers qu’elles ont suscitée en
retour dans le petit milieu corbu
séen. Un musée qui célébrerait le
génie tout en explorant les ambi
guïtés politiques et morales de
l’homme pourrait avantageuse
ment dépassionner les débats et
éteindre pour de bon le feu de la
polémique. Mais ce n’est pas à
l’ordre du jour.
isabelle regnier
Le Corbusier 19302020.
Polémiques, mémoire
et histoire, éd. Tallandier,
384 p., 20,90 €.
Il faut attendre
la page 267
du livre pour voir
son attitude
politique
condamnée
sans ambiguïté
S É L E C T I O N
A L B U M S
S T R A U S S ,
R A C H M A N I N O V,
D U PA R C
Morgen
Lieder et mélodies de
Richard Strauss, Sergueï
Rachmaninov et Henri
Duparc. Avec Elsa Dreisig
(soprano), Jonathan Ware (piano).
Son premier et magnifique album, Miroir(s), avait
classé la soprano francodanoise Elsa Dreisig
dans la catégorie des talents dont l’originalité
s’exerce jusque dans le choix du répertoire. Un
distinguo à l’œuvre dans cette seconde parution,
Morgen, qui voit les célèbres Quatre derniers lie
der de Richard Strauss égrainés au long d’un fil
rouge enrichi de passionnantes digressions
autour de Rachmaninov et Duparc. Saluons la
pièce maîtresse du compositeur allemand, gravée
par les plus grandes. Elsa Dreisig lui prête la grâce
de sa voix fraîche et ronde aux aigus souverains,
sa sensibilité frémissante, la ductilité d’une ligne
pure et charnelle. Accompagnée par le clavier dé
licat et complice de Jonathan Ware, cette version
avec piano s’impose au firmament de la disco
graphie. Même enthousiasme sans réserve, pour
les mélodies les plus fameuses de Duparc (L’Invi
tation au voyage, Phidylé, Chanson triste, La Vie
antérieure) ou les confidentielles Six romances
op.38 de Rachmaninov. marieaude roux
1 CD Erato/Warner Classics.
M A R I A M C K E E
La Vita Nuova
Treize ans que nous n’avi
ons pas entendu la voix ar
dente de la Californienne
Maria McKee. Meneuse du
groupe country punk Lone
Justice dans les années
1980, elle revient avec un septième album solo
porteur de renaissance (son titre, en hommage à
Dante), tant sur le plan artistique que dans la
sphère privée. Après une parenthèse dans le ci
néma indépendant, la dissolution de son ma
riage, puis son coming out queer, la chanteuse si
gne un retour épanoui, sous l’égide pop folk
(guitare acoustique et piano), avec des orchestra
tions baroques voire opératiques, et des référen
ces lettrées puisant dans la poésie anglaise du
XIXe siècle (John Keats et Algernon Swinburne). A
55 ans, Maria McKee n’a rien perdu de ses vocali
ses haut perchées ni de son talent de composi
tion, dont l’élégance évoque Kate Bush et Sandy
Denny (Effigy of Salt, I Should Have Looked
Away). Les miraculeux Let Me Forget et Right
Down to the Heart of London, rappelant Love, le
groupe culte de son demifrère, Bryan MacLean
(19461998). franck colombani
1 CD Fire Records.
L U D I V I N E
I S S A M B O U R G
Outlaws
Révélé au milieu des
années 1960, le flûtiste
américain Hubert Laws
- à l’occasion saxopho
niste – devient célèbre
avec des reprises d’airs classiques, qui consti
tuent parfois la totalité d’albums au début des
années 1970. Au point que ses propres compo
sitions, d’une belle tournure mélodique, sont
parfois oubliées. Ludivine Issambourg en
rappelle la qualité avec Outlaws. Dans une
ambiance jazz fusion aux couleurs funk, elle
apporte à Undecided, Guatemala Connection,
No More, Trying to Get the Feeling Again ou la
superbe ballade What Do You Think of This
World Now? une interprétation généreuse et
chaleureuse. Avec elle, une rythmique souple
et joueuse, Julien Herné à la basse et Stéphane
Huchard à la batterie. Et aux claviers, Eric
Legnini (piano électrique) et Laurent
Coulondre (orgue, Clavinet), dont les sons se
marient idéalement avec les envolées de la
flûte. sylvain siclier
1 CD Heavenly Sweetness/L’Autre Distribution.
N A D I A R E I D
Out of My Province
Une voix d’une excep
tionnelle pureté, accom
pagnée d’une guitare
boisée et ce qu’il faut de
langueur électrique, avait
permis à Nadia Reid d’ex
porter son talent hors de sa NouvelleZélande
natale – les albums Listen to Formation, Look
for the Signs (2015) et Preservation (2017). La
chanteuse transcende l’orthodoxie folk en
enregistrant dans le sud des EtatsUnis.
Accueillie à Richmond (Virginie), dans les stu
dios Spacebomb, où officient deux des plus fins
producteursarrangeurs américains, Trey
Pollard (Foxygen) et Matthew E. White (Natalie
Prass, Flo Morrissey), la songwriter de 28 ans
intensifie son spleen de cordes en clairobscur
et de la puissante caresse de cuivres empruntés
à la soul. En se frottant à cette sensualité su
diste, son autorité délicate prend une ampleur
émotionnelle inédite, que ce soit sur un mode
suspendu (All of My Love, Heart to Ride, Get the
Devil Out) ou plus énergique dans High &
Lonely et l’entraînant Oh Canada, évasion au
pays de Joni Mitchell. stéphane davet
1 CD Spacebomb Records.
Lire aussi sur Lemonde.fr la critique
de l’album « Mélodies »,
de Dussaut & Covatti.
Son
antisémitisme
de jeunesse est
analysé comme
un atavisme
familial typique
de l’époque
WEEK-ENDWEEK-END
6 – 7 JUIN6 – 7 JUIN
20202020
BOBOIS DEIS DE
VINCENNESVINCENNES
PAPARIS 12RIS 12ee
MUSICMUSIC
ARTART
COMEDYCOMEDY
FOODFOOD
TA LKSTA LKS
NATURENATURE
Illustr
ation : Clément
Vuillier / Graphisme :
Lysiane Bollenbach
Illustr
ation : Clément
Vuillier / Graphisme :
Lysiane Bollenbach
LE CRÉDIT MUTUEL DONNE LELE CRÉDIT MUTUEL DONNE LE A GREENER FEA GREENER FESTIVALSTIVALAWARDSAWARDS
LALANA DEL REY |NA DEL REY |BABADDBUBUNNYNNY
YOYOUNG THUG |UNG THUG |LOLOMEPALMEPAL
DISCLDISCLOSOSUREURELIVELIVE| NINHO| NINHO
LOLONDON GRAMMAR |NDON GRAMMAR |WIZKIDWIZKID
CACARIBOU | BICEPRIBOU | BICEPLIVELIVE| FO| FOUR TETUR TET
RORONENELIVELIVE| KING GIZZARD| KING GIZZARD
CACATHERINE RINGERTHERINE RINGER
RITA MITRITA MITSOSOUKOUKO
SEBSEBASASTIEN TELLIERTIEN TELLIER
HAMZA &HAMZA &SCHSCH
CHANTECHANTE
LESLES
LIZARDLIZARD
WIZARDWIZARD
ANDAND
THETHE
&&
FRIENDSFRIENDS
LOLORENZO | POMMERENZO | POMME
RICARDO VILLALOBRICARDO VILLALOBOSOS
NILS FRAHM |NILS FRAHM |ASASGEIR |GEIR |KOKOFFEEFFEE
MODESELEKMODESELEKTORTOR | MR EAZI| MR EAZI
CERRONE | DENIS SULCERRONE | DENIS SULTATA
LOLOUS AND THEUS AND THEYAYAKUKUZAZA
LALAMARCHE BLEUE |MARCHE BLEUE | 0707 0 SHAKE0 SHAKE
MERYL |MERYL |LALAYLYLOWOW| CR| CRYSYSTATAL MURRAYL MURRAY
THE MURDERTHE MURDERCACAPITALPITAL| GIRL IN RED| GIRL IN RED
WEYES BLOOD |WEYES BLOOD |PAPACHANGACHANGABOBOYSYS
SASAINTINTDXDX| MICHEL || MICHEL |P.P.R2BR2B
MYD |MYD |LALALALA&C&CE | HATIKE | HATIK
& PLUS ENCORE ...& PLUS ENCORE ...
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