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SAMEDI 7 MARS 2020 international| 5
En Pologne, des juges dans la tourmente
Les réformes judiciaires menées par le parti au pouvoir déstabilisent le tribunal d’Olsztyn
olsztyn (pologne) envoyé spécial
S
ur son smartphone, la
juge Madgalena Wolejko
fait défiler des photos sur
lesquelles des dizaines de
magistrats du palais de justice
d’Olsztyn posent à l’entrée du bâ
timent. Ils sont vêtus de tee
shirts floqués d’un logo « Consti
tution ». Ce slogan constitue de
puis des années le signe de rallie
ment des opposants aux
réformes controversées de la jus
tice, menées en Pologne par le
parti national conservateur
Droit et justice (PiS).
« Ce genre de manifestation relè
vera peutêtre bientôt du passé »,
affirmetelle. Depuis l’entrée en
vigueur le 23 janvier de la loi disci
plinaire, surnommée « loi muse
lière », toute manifestation d’hos
tilité à ces réformes peut valoir
aux magistrats de sévères sanc
tions. Le président du tribunal
d’Olsztyn, Maciej Nawacki, choisi
par le ministère de la justice, a
d’ailleurs signalé à la police le der
nier rassemblement.
Le palais de justice d’Olsztyn,
dans le nordest de la Pologne, est
un bâtiment moderne qui sent
encore le neuf, un exemple de ce
qu’on appelle ici les « normes
européennes ». Chaque salle
d’audience est équipée de camé
ras. La moyenne d’âge des magis
trats est d’un peu plus de 40 ans.
L’époque communiste paraît bien
loin. C’est pourtant au nom d’une
prétendue « décommunisation »
du système judiciaire que le pou
voir justifie ses réformes. Or, se
lon la quasiunanimité des juris
tes, cellesci remettent en cause la
Constitution polonaise et la sépa
ration des pouvoirs.
Depuis quelques semaines, le
tribunal d’Olsztyn est l’épicentre
de la tourmente qui s’abat sur la
justice du pays. Un personnage, le
juge Pawel Juszczyszyn, est de
venu l’ennemi public numéro un
du pouvoir. Son tort est d’avoir
voulu, en application d’un arrêt
de la Cour de justice de l’Union
européenne en novembre, con
trôler la légitimité du nouveau
Conseil national de la magistra
ture, pierre angulaire des réfor
mes du PiS.
Pour avoir agi en accord avec cet
arrêt européen et avoir demandé
au Parlement des documents op
portunément classés confiden
tiels, le juge s’est vu accusé « d’acte
délictueux » devant la chambre
disciplinaire de la Cour suprême,
une instance mise en place par le
pouvoir. Le juge a été suspendu de
ses fonctions et a vu son salaire
amputé de 40 %.
Le 7 février, les magistrats du tri
bunal d’Olsztyn ont adopté à une
large majorité une résolution con
damnant ces sanctions. Le prési
dent du tribunal, Maciej Nawacki,
surnommé « l’homme du minis
tère », s’est emparé du texte et,
face aux caméras, l’a ostensible
ment déchiré. Cette image, reprise
en boucle dans les médias, est de
venue le symbole de l’arrogance
du pouvoir et de son manque de
respect pour les procédures dé
mocratiques. Pour le président du
tribunal, il s’agissait au contraire
« d’arrêter la désobéissance des ju
ges et le chaos juridique qu’elle
pourrait entraîner » et de « faire
respecter la décision de la chambre
disciplinaire de la Cour suprême ».
Cellelà même dont la légitimité
est contestée par les juristes polo
nais et européens.
« Un pistolet sur la tempe »
Le juge Pawel Juszczyszyn, abon
damment sollicité, refuse de re
cevoir la presse. « Il ne veut pas
qu’on fasse de lui un héros, il n’a
fait qu’appliquer la loi, souligne
son confrère Wojciech Krawczyk,
un ami de vingt ans. Pour avoir
demandé des documents de son
plein droit, on lui reproche un dé
lit. C’est comme si, désormais, on
travaillait tous avec un pistolet
sur la tempe. »
Depuis sa suspension, le juge
Juszczyszyn vient quelques heu
res par jour au travail pour faire
acte de présence et réconforter
ses collègues. Il est décrit par tous
comme un homme qui « sort du
lot » par ses compétences, au ca
ractère bien trempé et toujours
prêt à poser les questions qui dé
rangent. C’est la deuxième fois
qu’il s’expose aux foudres du
pouvoir : voici deux ans, il avait
mis au grand jour les irrégularités
et le manque de transparence du
système de « répartition aléatoire
des dossiers » entre les juges, prô
née par le pouvoir censée pour
justifier le caractère démocrati
que de ses réformes.
L’homme de 47 ans, alpiniste de
haut niveau ayant à son compte
des ascensions à 8 000 mètres
d’altitude dans l’Himalaya, a l’ha
bitude des terrains hostiles. « Il a
la peau dure, confirme Wojciech
Krawczyk, mais il a tout de même
peur d’être complètement sus
pendu. On pourrait même lui in
terdire d’être avocat ou simple
conseiller juridique. »
L’ambiance est des plus moro
ses au sein du tribunal d’Olsztyn.
« Tous nos espoirs reposent sur
l’UE, confie un haut magistrat,
sous couvert d’anonymat. Sans
elle, notre système juridique sera
mis à bas. Les citoyens soit n’ont
pas la force de convaincre le pou
voir, soit ils ne comprennent pas
l’ampleur des enjeux. »
La majorité des juges polonais
estiment que le nouveau Conseil
national de la magistrature a été
nommé de manière inconstitu
tionnelle. Dans la pratique, cela
veut dire que chaque jugement
émis par un magistrat nommé
par cet organe peut être remis en
cause. Il s’agit de dizaines de mil
liers d’affaires. Selon eux, le Tri
bunal constitutionnel est égale
ment un organe étroitement con
trôlé par le pouvoir.
« L’effet paralysant » de la loi
En théorie, chaque juge peut,
dans l’exercice de ses fonctions,
se référer directement à la Cons
titution, et en être ainsi « le ga
rant en dernier ressort ». Sauf
que, depuis l’adoption de la « loi
muselière », une telle action est
passible de sanctions disciplinai
res. « Pour dire les choses simple
ment : nous ne pouvons plus juger
en notre âme et conscience, le fon
dement de notre profession », ré
sume un juge.
Les magistrats dénoncent aussi
« l’effet paralysant » de cette loi.
« Si l’affaire que nous traitons a un
caractère politique ou médiatique,
si elle concerne un proche du parti
au pouvoir, il y aura de quoi avoir
la chair de poule », affirme l’un
d’entre eux. Maigre consolation :
les magistrats affirment que l’in
transigeance du pouvoir a, pour
l’heure, un caractère mobilisa
teur. Mais chacun s’interroge :
pour combien de temps ?
jakub iwaniuk
N I C A R A G U A
Sanctions américaines
contre la police
nicaraguayenne
Le département du Trésor
américain a imposé, jeudi
5 mars, des sanctions écono
miques contre la police du
Nicaragua pour son rôle dans
la répression des manifesta
tions, qui a fait plus de
300 morts depuis avril 2018.
Dans un communiqué, le dé
partement soutient que la po
lice a utilisé des balles réelles,
participé « à des escadrons de
la mort » et réalisé des « assas
sinats extrajudiciaires, des dis
paritions et des enlèvements ».
« Le régime de [Daniel] Ortega
a utilisé la police nationale
comme un instrument de cam
pagne de répression violente
contre les Nicaraguayens », a
affirmé le secrétaire au Trésor,
Steven Mnuchin.
É TATS - U N I S
Alabama : exécution
d’un condamné à mort
Nathaniel Woods, 44 ans,
condamné à mort pour le
meurtre de trois policiers, a
été exécuté, jeudi 5 mars, dans
l’Alabama, malgré la mobilisa
tion de plusieurs personnali
tés qui doutaient de sa culpa
bilité, dont Kim Kardashian,
et en dépit d’une suspension à
la dernière minute par la Cour
suprême, finalement levée.
En 2004, des policiers étaient
venus arrêter M. Woods dans
un appartement utilisé pour
du trafic de drogue à Birmin
gham. Trois agents avaient été
abattus. M. Woods n’avait pas
pressé la détente. Mais
en 2005, il a été condamné à la
même peine que l’auteur des
tirs parce qu’il a été considéré
comme le « cerveau »
de l’attaque. – (AFP.)
Brexit : Barnier liste quatre sujets
« sérieux » de divergences
Londres et l’UE, qui se retrouveront le 18 mars, partagent le constat
bruxelles bureau européen
londres correspondante
C’
était le premier round
et, pour l’instant, aucun
des protagonistes n’est
K.O. Cette semaine, le Royaume
Uni et l’Union européenne (UE)
ont entamé les négociations pour
tenter de définir ce que sera leur
relation future, à compter du
1 er janvier 2021. Car, dans moins de
dix mois, à moins que Boris John
son ne change d’avis et demande
des prolongations, ce qui semble
aujourd’hui peu probable, Lon
dres aura définitivement quitté la
maison européenne.
Le négociateur en chef pour l’UE,
Michel Barnier, et son homologue
britannique, David Frost, se sont
vus lundi 2 mars, avant que leurs
équipes – plus de cent personnes
de chaque côté –, ne s’enferment
dans le principal centre de congrès
de Bruxelles pour discuter, entre
mardi et jeudi matin. Aucune poi
gnée de main na été échangée, Co
vid19 oblige. Dans une ambiance
en apparence calme, contrastant
étonnamment avec l’acidité des
échanges entre Londres et Bruxel
les ces dernières semaines.
« Pour être tout à fait franc, il y a
beaucoup de divergences et des di
vergences très sérieuses », a com
menté le négociateur en chef de la
Commission, Michel Barnier,
jeudi 5 mars lors d’une conférence
de presse. « Les négociations vont
être très difficiles », aton renchéri
côté britannique. Les deux parties,
qui se retrouveront le 18 mars, par
tagent en tout cas le constat et les
motifs de leur désaccord. « Ce qui
n’a pas toujours été le cas », remar
que un proche des négociations.
Premier point de désaccord : les
conditions de concurrence équita
bles. Pour Bruxelles, le Royaume
Uni ne bénéficiera d’un accord
commercial sans taxes ni quotas
que s’il s’aligne sur les normes
communautaires en matière d’en
vironnement, d’aides d’Etat ou de
droit du travail. Londres insiste sur
l’exigence de ses propres lois, as
sure avoir un temps d’avance en
matière climatique, et insiste sur
le fait que le RoyaumeUni a jus
qu’à présent été un des membres
de l’UE ayant le plus faible recours
aux aides d’Etat. « Ils nous disent
qu’ils ont toujours l’ambition
d’avoir des standards élevés, mais
ne veulent pas traduire ces engage
ments dans un accord commun »,
déplore Michel Barnier.
Vieille demande des brexiters
Il est un autre domaine où les posi
tions semblent aujourd’hui in
conciliables : celui de la coopéra
tion judiciaire et policière. Boris Jo
hnson, qui veut rendre son « indé
pendance » à son pays, refuse de
s’en remettre à l’arbitrage de la
Cour de justice européenne en ce
qui concerne l’interprétation du
droit communautaire. Inenvisa
geable, répond Bruxelles. Le pre
mier ministre britannique refuse
aussi de continuer à appliquer la
Convention européenne des
droits de l’homme. Il s’agit d’une
vieille demande des brexiters.
« Nous sommes engagés à respec
ter la Convention mais cela ne né
cessite pas d’être intégré dans un
accord international », précise
Downing Street.
Dans un discours jugé brutal par
les Européens, prononcé à Bruxel
les deux semaines avant le début
des négociations, David Frost avait
dévoilé sa position de principe : le
Brexit consiste à regagner le plus
de souveraineté possible, il n’est
pas question d’accepter toute réfé
rence à une quelconque « allé
geance » européenne dans le futur
traité avec l’UE.
Troisième élément de discorde :
Londres souhaite signer une « my
riade d’accords sectoriels », expli
que Michel Barnier, quand l’Union
veut un accord global, incluant le
commerce, les transports ou la pê
che. Une manière pour Londres de
décorréler les sujets qui fâchent.
En tout cas, a répété Michel Bar
nier, le sujet de la pêche « fera par
tie de l’accord commercial » et ne
pourra pas être négocié tous les
ans, alors que le RoyaumeUni
veut « reprendre le contrôle » de ses
eaux territoriales et arrêter chaque
année avec Bruxelles l’accès des
Européens à ses eaux. C’est là le
quatrième point de divergence
qu’a souligné le M. Brexit de l’UE.
Boris Johnson sait que la pêche
est un sujet politiquement in
flammable chez certains de ses
expartenaires, à commencer par
la France. Il y voit aussi une faille
possible dans l’unité qui a jus
qu’ici prévalu entre les Euro
péens lors des négociations sur le
Brexit, puisque seuls huit des
vingtsept Etats membres de
l’Union – la France, l’Irlande, l’Es
pagne, la Belgique, les PaysBas, la
Suède, l’Allemagne et le Dane
mark – sont concernés.
Jeudi, malgré ses assurances,
Michel Barnier s’est montré
moins déterminé sur le sujet que
par le passé. Plutôt que de défen
dre un statu quo en matière d’ac
cès aux eaux britanniques, il a
évoqué la nécessité de trouver
« un accord équilibré » avec Lon
dres sur la pêche. « Ce n’est pas le
mandat que lui ont donné les
VingtSept », commente un pro
che des négociations. Downing
Street doit se frotter les mains...
cécile ducourtieux
et virginie malingre
Mer
Baltique
POLOGNE
SLOVAQUIE
ALLEMAGNE
Cracovie
Varsovie
RÉP. TCHÈQUE
BIÉLORUSSIE
RUSSIE
LITUANIE
AUTRICHE
50 km
UKRAINE
Olsztyn
« Nous ne pouvons
plus juger en notre
âme et conscience,
le fondement de
notre profession »,
résume un juge
UN FILM DESANDRAKOGUT
TROIS ETES
ROGÉRIO
FRÓES
OTAVIO
MÜLLER
GISELE
FRÓES
MEILLEUREACTRICE
RIO DE JANEIRO 2019
MEILLEUREACTRICE
ANTALYA 2019
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LA RÉVÉLATION DE
UNE SECONDE MÈRE
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AU CINÉMA LE 11 MARS