Le Monde - 07.03.2020

(Grace) #1
UN VIEUX GENDARME.
« La Cour des comptes juge
les comptes des comptables
publics. » Il y a forcément beau-
coup de « comptes » pour définir
la mission d’une institution de
contrôle des comptes publics.
La cour a été imaginée et mise en
œuvre, sous sa forme actuelle,
par Napoléon Bonaparte en 1807.
Elle s’intéresse à toute entité qui
gère de l’argent public, des
établissements publics nationaux
aux organismes privés bénéfi-
ciant d’une aide de l’État en
passant par les entreprises
publiques. À l’origine, la Cour des
comptes siégeait au palais
d’ Orsay avant qu’un incendie, lors
de la Commune de Paris en 1871,
ne l’oblige à se rapatrier, tempo-
rairement, au Palais-Royal.
Depuis 1912, la cour occupe un
vaste bâtiment dans la discrète
rue Cambon, située entre la place
Vendôme, le jardin des Tuileries
et la place de la Concorde.

PLUS QUE SON RAPPORT ANNUEL
RENDU LE 25 FÉVRIER, C’EST LE
NOM DE SON FUTUR PRÉSIDENT
QUI FAIT PARLER. CAR LA COUR
DES COMPTES RESTE SANS TÊTE
DEPUIS PLUS D’UN MOIS
EN ATTENDANT UN CHOIX
D’EMMANUEL MACRON.

48° 52’ 01’’ N


2° 19’ 32’’ E


C'EST LÀ QUE ÇA SE PASSE

Texte Laurent TELO

UN RAPPORT ANNUEL ATTENDU.
Chaque année, les magistrats de
la Rue Cambon publient le
fameux rapport qui traque tous
azimuts les gaspillages des
deniers de l’État et pointe les
mauvais élèves. Cette année, la
cour s’est notamment intéressée
à la gestion dégradée des abat-
toirs publics d’animaux de bou-
cherie, à la réforme des aides au
logement (APL) qui continue de
favoriser les injustices ou encore
aux insuffisances de la gestion de
l’École polytechnique qui
débouche sur une situation finan-
cière préoccupante. Les rapports
de la Cour des comptes ne
revêtent pas de caractère contrai-
gnant, mais la médiatisation de
leur publication leur confère pra-
tiquement force de loi. Même si,
cette année, l’ épidémie du coro-
navirus a quelque peu éclipsé le
cru 2020.

UNE INSTITUTION “LIBRE”.
Magistrat inamovible, le premier
président est nommé par décret
en conseil des ministres. Depuis
François Barbé-Marbois (1807-
1834), le choix du premier
premier président de la cour est
donc hautement politique, même
si l’histoire et l’usage prouvent
que l’institution parvient à se tenir
à équidistance de l’exécutif et
du législatif. Sans être un contre-
pouvoir hystérique, le premier
président de la cour est censé ne
jamais être aux ordres et être à
même de résister aux pressions.
La cour, souvent accusée de
défendre des positions libérales,
a pu être présidée par des per-
sonnalités politiques de premier
plan comme le mitterrandien
Pierre Joxe (1993-2001) ou le
gaulliste Philippe Séguin (2004-
2010). En 2010, Nicolas Sarkozy
innove en confiant ce poste pres-
tigieux à l’opposition, en l’occur-
rence au socialiste Didier Migaud,
alors président de la commission
des finances de l’Assemblée
nationale.

UN POSTE À POURVOIR.
Depuis fin janvier, la cour n’a plus
de patron, Didier Migaud étant
parti diriger la Haute Autorité pour
la transparence de la vie publique.
On ne sait toujours pas qui va lui
succéder. A été évoquée la nomi-
nation de Pierre Moscovici,
ex-commissaire européen aux
affaires économiques, on parle
désormais de l’arrivée de Nicole
Belloubet, actuelle garde des
sceaux, plutôt en difficulté. Mais
la nomination d’une proche du
chef de l’État ne manquerait pas
de faire polémique. Emmanuel
Macron n’a pas encore tranché.
Par le passé, ses relations avec
l’institution ne furent pas toujours
bonnes. À la fin des années 2000,
le futur président de la
République est en poste
à la direction générale des
finances. Il subit alors les remon-
trances de la cour présidée par
Philippe Séguin pour un travail
jugé bâclé sur la fraude fiscale.

Le Palais Cambon, situé entre la place Vendôme et la place de la Concorde, accueille la Cour des comptes depuis 1912.

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LA SEMAINE

Gilles Targat/Photo12

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