6 – LA FOLIE MOLLY.
Elle n’est jamais allée à un bal de promo. Un paradoxe
pour cette créatrice devenue la référence de la « party
dress ». En cinq ans exactement, la Britannique Molly
Goddard s’est imposée dans le paysage de la mode inter-
nationale et compte aujourd’hui parmi les têtes d’af-
fiche de la Fashion Week de Londres. Dans la mouvance
de l’Irlandaise Simone Rocha et de la Danoise Cecilie
Bahnsen, elle imagine des robes très volumineuses en
tulle, à l’aura théâtrale, qui frôlent le sol. Des modèles
surdimensionnés, smockés et volantés, hautement
instagramables. Molly Goddard est un pur produit
londonien et cela transparaît dans son style. Son studio
de création est situé dans le quartier gentrifié de Bethnal
Green, à l’est de Londres, dans une ancienne fabrique
de parapluies. Cette diplômée de l’école Central Saint
Martins est passée entre les mains de l’intransigeante
professeure Louise Wilson, disparue en 2014 à l’âge de
52 ans, qui a aussi formé Kim Jones, Craig Green (lire
aussi p. 59) et, bien sûr, Alexander McQueen.
Master en poche, la créatrice a fait ses armes dans les
studios de John Galliano et de Meadham Kirchhoff, label
anti-establishment et underground, à l’excentricité
revendiquée (fermé depuis 2014). Un esprit que l’on
retrouve chez Molly Goddard, qui « streetcaste » avec sa
sœur Alice la moitié de ses mannequins, à la recherche
de personnalités. Féminines, les robes sont élastiques et
confortables, se portent de nuit comme de jour, sur un
pull jacquard ou sur un pantalon avec des baskets. « On
m’associe beaucoup au style girly mais je trouve le mot très
limitatif, il y a toujours des centaines de références dans
mes collections. Je m’inspire des robes victoriennes, mais je
me passionne aussi pour le workwear et les vêtements
masculins, par exemple. » Quand on lance une mode
monoproduit (les robes), il est difficile d’en sortir. La
créatrice développe donc les accessoires et diversifie son
vestiaire. « Cette saison, nous avons présenté des vête-
ments pour homme : costumes, chemises, tricots. Tout était
unisexe, conçu pour être porté par n’importe qui et de dif-
férentes manières », précise-t-elle. Girly, mais pas que.
7 – LEÇON D’ESTHÉTIQUE.
Ce fut l’une des plus jolies surprises de la Fashion Week
de Milan. Un défilé tout en délicatesse, comme suspendu
aux notes de piano et de violon de la bande-son.
Harmonieux et maîtrisé de bout en bout. S’est dessinée,
chez Jil Sander, l’esquisse d’un vestiaire intello idéal. Lucie
et Luke Meier ont, non sans radicalité, comme réconcilié
le meilleur de la mode belge et un certain romantisme
pictural et littéraire anglais. Ils parviennent cette saison,
dans cette maison qui se distingue par son esthétique
minimaliste, à insuffler, à force de sérieux et de tendresse,
l’idée de pure beauté. Silhouettes monochromes compo-
sées de maille et de faux blancs ; volumes généreux façon
blouses de peintre ; popeline aux tons neutres ; colliers de
franges longues formant comme une cape sensuelle sur
les vêtements du soir ; sacs un peu sévères des Italiennes
que le cinéma des années 1960 a déifiées ; touche de
rouge en bas d’une jupe claire rappelant le sang, l’amour
et la vie ; manches bouffantes de chemises dépassant des
trenchs ; attraction fatale des manteaux noirs ceinturés
portés en robes et d’une féminité jouée en touches : ici
un volant termine une robe un peu stricte, là des boucles
d’oreilles en or soulignent la sensualité d’une coiffure
– cheveux tirés en arrière ou raie plaquée sur le côté.
6 - Molly Goddard.
7 - Jil Sander.
7 - Jil Sander.
7 - Jil Sander.
Jason Lloyd Evans. Adam Katz Sinding. Alessandro Lucioni/Gorunway. The Row. Dimitrios Kambouris/Getty Images pour Marc Jacobs/AFP. Samantha Deitch/BFA.com. Neil Rasmus/BFA.com. The Row.
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