Le Monde - 07.03.2020

(Grace) #1
8 – ARTS ET PLASTIQUE.
La mode et les arts ont tissé depuis longtemps déjà des
liens étroits. Ils ont pourtant réussi à trouver sur les
podiums new-yorkais de l’automne-hiver 2020-2021 un
territoire d’expression de premier choix, surprenant les
plus blasés. C’est ainsi que, de bon matin, dimanche
10 février, Tory Burch est parvenue à instaurer un dia-
logue harmonieux entre ses silhouettes élégantes et
bohèmes, à base de grandes robes fleuries ou de
tuniques posées sur des bottes en cuir ornées de brode-
ries, et les immenses totems en porcelaine de la New-
Yorkaise Francesca DiMattio. L’artiste, qui joue à brouiller
les pistes entre la beauté et le kitsch, malaxe les codes de
la féminité et ceux du pouvoir jusqu’à les rendre indis-
cernables les uns des autres. Rappelant ainsi le travail de
Tory Burch, que l’on aime voir comme un Ralph Lauren
au féminin, symbole d’une Amérique à la fois éternelle
et très contemporaine. Le lendemain, la collection de
The Row, tout en matières luxueuses, couleurs neutres,
fluidité et sensualité, était portée par des mannequins
qui évoluaient en souplesse au milieu d’œuvres specta-
culaires. Ces sculptures douces et massives, en bois, acier
ou bronze étaient signées de l’artiste américaine Beverly
Pepper. Rare femme évoluant parmi les sculpteurs mâles
des mouvements moderniste, minimaliste ou du land
art, elle a su travailler la fonte et l’acier aussi délicate-
ment que du tissu, et s’est éteinte à l’âge de 97 ans, cinq
jours avant le défilé des sœurs Olsen.
Chez Coach, le designer Stuart Vevers avait invité Debbie
Harry à chanter en live à la fin du défilé. Hystérie du
public face à une Blondie culte qui incarne l’obsession du
styliste pour « la pop culture et pour tous ces moments
dans notre histoire où, tout à coup, une nouvelle généra-
tion arrive et change la donne, en termes de mode mais
aussi d’idées ». Et d’ajouter : « Dans cette collection, je fais
beaucoup référence aux années 1960 que j’aime pour la
joie qu’elles ont pu dégager, mais je me dois aujourd’hui
de rendre tout ça pertinent et cool. » Ce à quoi il parvient,
notamment au sein d’une marque de maroquinerie née
à Brooklyn en  1941 mais qui, depuis plus de cin-
quante ans, se distingue comme une référence mode
accessible pour beaucoup d’Américains. Musique aussi
chez Michael Kors où son vestiaire de rodéo girl chic,
tout à fait transposable dans les bureaux de Manhattan,
avance d’un pied botté sur la musique live du génial
Orville Peck, chanteur gay canadien de country au visage
masqué. Sa voix, plus profonde qu’une mine du Far
West, et son groupe de country-rock valent le détour,
tout comme la mode de Kors, efficace et terriblement
ricaine. Enfin, Marc Jacobs a conclu la Fashion Week de
New York avec un défilé mêlé à un spectacle rassemblant
une cinquantaine de danseurs de la compagnie de Karole
Armitage, chorégraphié par Cristian Laverde Koenig. Du
souffle, de l’énergie, de la précision, de la jeunesse. New
York, en somme.

Matières


luxueuses,


couleurs neutres,


fluidité et


sensualité...


À New York, chez


les sœurs Olsen,


les mannequins


évoluaient en


souplesse au


milieu d’œuvres


spectaculaires.


8 - The Row.
8 - Marc Jacobs.

8 - Debbie Harry, au défilé Coach. 8 - Tory Burch.

LE GOÛT

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