Le Monde - 05.03.2020

(Tina Meador) #1
0123
JEUDI 5 MARS 2020 économie & entreprise| 19

C’est un petit archipel corallien
tranquille posé sur l’Atlantique
Nord. Son climat tropical tem­
péré lui assure une température
confortable. Les policiers comme
les hommes d’affaires arborent
de longues chaussettes et d’im­
peccables pantalons courts que
l’on a logiquement appelés « ber­
mudas ». Les Bermudes sont un
paradis, supervisé de très loin par
la reine d’Angleterre, mais appré­
cié de près par les compagnies
d’assurance, qui bénéficient de
ses largesses fiscales et de sa ré­
gulation compréhensive.
En dépit du Brexit, ce confetti
marin se rapproche de plus en
plus de la France, du moins sur
le plan économique. Bientôt,
deux de ses principales entrepri­
ses devraient être possédées par
des maisons mères françaises. La
première l’est déjà, c’est l’assu­
reur XL, acheté par Axa en 2018.
La seconde pourrait l’être pro­
chainement, puisque la société
Covéa, qui possède notamment
les mutuelles MAAF, MMA et
GMF, a annoncé, mardi 3 mars,
qu’elle entendait acheter l’autre
grand réassureur de l’île, Partner
Re, propriété de la famille
Agnelli. Pour cela, le groupe fran­
çais est prêt à débourser 8 mil­
liards d’euros. Une somme con­
sidérable que l’assureur peut
sortir sans problème, puisque sa
seule trésorerie atteint les
10 milliards d’euros.

Un paysage très émietté
Mais que vient faire dans ce pa­
radis pour milliardaires le pro­
priétaire de la garantie mutuelle
des fonctionnaires? De la crois­
sance, réplique Thierry Derez, le
PDG de Covéa. Déjà numéro un
dans l’automobile et puissant
dans la santé, il ne voit pas beau­

coup d’avenir dans l’assurance
traditionnelle. Il a donc nourri
l’idée de partir à l’assaut du mé­
tier situé juste au­dessus de lui,
celui de la réassurance. Beau­
coup plus risqué, mais à fort po­
tentiel. Il a tenté de mettre la
main sur le numéro un français
du secteur, la Scor. Mais il s’est
fâché avec son patron, Denis
Kessler, qui l’accuse d’avoir joué
un double jeu en profitant de sa
position de membre du conseil
d’administration de son entre­
prise. Un signe de l’ébullition
dans laquelle est entré ce sec­
teur, avec la multiplication des
nouveaux risques environne­
mentaux où numériques.
Thierry Derez tient finalement
un discours capitaliste tradition­
nel, pariant sur la diversification
pour gagner de la croissance. Le
seul problème est qu’il n’est pas
un capitaliste traditionnel.
Comme pour toute mutuelle, ce
sont ses clients qui sont suppo­
sés diriger l’entreprise. Le con­
cept est né dans les années 1930,
du côté de la Charente, avec, pour
principe, pas d’actionnaire, pas
d’intermédiaire, et donc des prix
plus bas adaptés à la spécificité
des professions couvertes.
Très émietté, le paysage des
mutuelles s’est considérable­
ment consolidé ces trente der­
nières années dans les mains de
quelques établissements, MAIF,
Macif, Covéa, etc. Ces actionnai­
res clients n’attendent pas un di­
vidende ou de la croissance, mais
un bon service. Cela fait long­
temps qu’ils ne jouent plus leur
rôle de contre­pouvoir au sein de
la gouvernance de ces mutuelles
new look. Il faut pourtant se mé­
fier des îles paradisiaques, dont
les cyclones peuvent aussi être
ravageurs.

PERTES & PROFITS|COVÉA­PARTNER RE
p a r p h i l i p p e e s c a n d e

Des mutuelles


en bermuda


C O N J O N C T U R E
Forte contraction dans
les services au Japon
L’activité dans le secteur des
services japonais s’est con­
tractée en février, à un plus
bas de près de six ans, alors
que l’incidence de l’épidémie
du nouveau coronavirus me­
nace de pousser l’économie
nippone en récession.
L’indice PMI des services cal­
culé par Markit/Jibun Bank,
publié mercredi 4 mars, a
chuté à 46,8 (en données cor­
rigées des variations saison­
nières), le mois dernier, con­
tre 51,0 en janvier,
s’établissant à un plus bas de­
puis avril 2014. – (Reuters.)

É N E R G I E
Les préfets appelés
à identifier les secteurs
pouvant accueillir
des éoliennes
Le gouvernement va charger
les préfets d’identifier avec
les élus les secteurs adaptés à
l’accueil de nouvelles éolien­
nes, « indispensables » à la
transition énergétique, a dé­
claré, mardi 3 mars, la minis­
tre de la transition écologi­
que, Elisabeth Borne. La
programmation plurian­
nuelle de l’énergie (PPE),
feuille de route énergétique
du pays, prévoit un double­
ment de la production éo­
lienne d’ici à dix ans. – (AFP.)

I M M O B I L I E R
Colonies, spécialiste
du « coliving », lève
180 millions d’euros
La start­up immobilière fran­
çaise Colonies a fait part, mer­
credi 4 mars, d’une levée de
180 millions d’euros, afin de se
développer sur un créneau ap­
paru depuis quelques années :
les résidences de « coliving »,
sorte de colocation avec des
espaces privés et partagés et
de nombreux services. L’opé­
ration témoigne de l’intérêt
réel des investisseurs pour ce
concept. Colonies prévoit une
centaine d’ouvertures ces
deux prochaines années.

Alimentation : fraude massive


sur les labels de qualité


U


n « agneau de l’Aveyron » qui n’avait jamais brouté de
l’herbe de ce département, un « cabécou de Rocama­
dour » qui ne correspond à aucun label certifié, un
« miel de montagne », dont l’origine géographique est incon­
nue... Les exemples de tromperie des consommateurs se ra­
massent à la pelle. C’est en tout cas le constat dressé par la Di­
rection générale de la concurrence, de la consommation et de
la répression des fraudes (DGCCRF), dans un bilan de contrôle
publié vendredi 28 février.
Les services de Bercy ont examiné l’utilisation des labels de
qualité européens applicables aux denrées alimentaires, hors
vins et spiritueux – en particulier les labels d’indications géo­
graphiques comme les AOP (appellation d’origine protégée),
IGP (indication géographique protégée) ou STG (spécialité tradi­
tionnelle garantie) très prisés des consommateurs. La DGCCRF a
constaté un taux d’anomalies de 31 % en 2016 et de 27 % en 2017.
Ces manquements sont constatés à tous les niveaux. Ainsi, un
producteur commercialisait ses fromages sous l’AOP Cantal,
alors que son habilitation lui avait été retirée par l’INAO (Institut
national de l’origine et de la qualité)
et en dépit de nombreux avertisse­
ments des services de la répression
des fraudes.
Parfois, il s’agit d’usurpations ou de
pratiques commerciales trompeuses.
A l’exemple de la mention Coppa di
Parma indiquée abusivement sur
une charcuterie ne possédant pas
cette IGP. Ou des viennoiseries met­
tant en avant une AOP comme
Beurre Charentes­Poitou, alors que le beurre n’est qu’un ingré­
dient du produit. Dans d’autres cas, le cahier des charges n’était
pas respecté. Les inspecteurs ont constaté que des fromages « Ri­
gotte de Condrieu » étaient élaborés avec du lait thermisé et non
du lait cru comme l’exige l’appellation. Des magasins ont été
épinglés, car ils ne pouvaient justifier l’origine bio de produits.
Enfin, l’étiquetage est parfois fantaisiste, comme la mention
« Tomme noire des Pyrénées ».
La DGCCRF s’est également penchée sur la référence à la mon­
tagne. Elle constate, que depuis que l’Europe a défini une men­
tion « produit de montagne », les entreprises ont tendance à re­
courir à des indications géographiques comme Pyrénées,
Ariège, Cantal, Auvergne... parfois de façon abusive. A l’issue de
ces contrôles, Bercy a émis 240 avertissements et 92 injonc­
tions, et ouvert 22 dossiers contentieux.
laurence girard

LA RÉPRESSION DES 


FRAUDES A RELEVÉ DE 


NOMBREUX EXEMPLES 


DE TROMPERIE DES 


CONSOMMATEURS


La vente de Go Sport dans les starting­blocks


Plusieurs candidats, français et étrangers, se sont montrés intéressés
par le troisième acteur hexagonal du marché de la distribution d’articles de sport

L


e calendrier de la cession de
Go Sport s’est accéléré ces
derniers mois. Un mandat
de vente pour le troisième acteur
français du marché de la distribu­
tion d’articles de sport – derrière
Decathlon et Intersport – a été
confié aux banques Natixis et
Rothschild & Co au quatrième tri­
mestre 2019. Et les acquéreurs
potentiels avaient jusqu’au 10 fé­
vrier pour manifester leur intérêt
pour cette société appartenant,
comme Casino, à la holding Ral­
lye, qui vient de voir son plan de
sauvegarde validé par la justice.
Actuellement, « les candidats
sont entrés en phase de discus­
sion », indique une source proche
du dossier. « La vente pourrait
aboutir d’ici au printemps ou à

l’été. » A condition de s’entendre
sur le prix, qui serait de quelques
centaines de millions d’euros.
Plusieurs candidats, français et
étrangers – certains ayant pour
volonté de s’implanter en France –
se sont montrés intéressés. A
commencer par son adversaire di­
rect Intersport, comme l’a révélé
le JDD, ce que nous a confirmé une
source proche du dossier. L’ensei­
gne coopérative (660 magasins
réalisant un chiffre d’affaires de
2,2 milliards d’euros) se livre de­
puis plusieurs années à une ba­
taille pour détrôner Decathlon.

Nouveau projet stratégique
Go Sport et Intersport ont des stra­
tégies assez proches, tous deux
orientés vers les grandes griffes, à
la différence de Decathlon, qui a
développé ses propres marques.
Grâce aux 85 magasins que Go
Sport détient en direct en France
et aux 272 en franchise, une telle
opération permettrait à Intersport
d’étendre sa part de marché. A l’in­
ternational, Go Sport n’est présent
que par ses 46 franchisés (Inde,
Philipines, Dubaï...), depuis qu’il a
vendu au russe Sportmaster,
en 2019, son activité en Pologne où
il était présent depuis vingt ans.
Depuis 2019, l’enseigne d’arti­
cles de sport, qui n’a pas encore
publié ses résultats pour 2019 (au
premier semestre, son chiffre
d’affaires a progressé de 2,1 %, à
305 millions d’euros), s’est en ef­
fet engagée dans un vaste mouve­
ment de cession. En février 2019,
elle avait vendu Courir, sa filiale
spécialisée dans les sneakers, au

fonds d’investissement Equis­
tone pour 283 millions d’euros.
« Un prix très élevé pour une petite
affaire », selon un proche de la di­
rection de Rallye. Ce qui a permis
« au groupe Rallye de dégager une
plus­value de 170 millions d’eu­
ros », lit­on dans les résultats se­
mestriels de la holding. Puis, dé­
but juillet 2019, le distributeur a
cédé le site d’e­commerce Tool Fi­
tness à Fitness Boutique. Il ne res­
tait plus alors qu’à se concentrer
sur l’activité en France. La marque
est connue, engrange du chiffre
d’affaires, mais elle n’est pas ren­
table. « Son positionnement attra­
pe­tout afin de faire du chiffre et
son développement désorganisé
pesaient sur les résultats », décrit
un proche du dossier.
Pour Jean­Charles Naouri, le
PDG de Casino, rien ne sert de
vendre une affaire au tapis. Avant
d’en confier le mandat aux ban­
ques, il fallait donc la remettre sur
les rails. « Pour qu’un acheteur
éventuel voie que le redressement
est crédible et qu’il pourra encore
améliorer le business, il faut faire
progresser la rentabilité », expli­
quait un proche de la direction de
Rallye, il y a quelques mois.

Pour habiller la future mariée,
un management de transition du
cabinet Prospheres remplace le
directeur général, André Segura,
en mars 2019 et prend alors les rê­
nes de l’entreprise. Objectif : re­
mettre au carré la société et façon­
ner son nouveau projet stratégi­
que. Après une phase de concerta­
tion avec les salariés au tournant
de l’été, le plan a été formalisé en
septembre 2019, et sa mise en
œuvre a débuté il y a quelques
mois sans toucher, jusqu’à pré­
sent, aux effectifs.
En pratique, cela s’est concrétisé
dans l’assortiment de marchandi­
ses : diminution du nombre de
marques dans chaque catégorie de
produits, réduction de celles en
propre, coup de frein sur les opéra­
tions de promotion... A l’inverse,
les relations avec les marques na­
tionales ont été renforcées, à
l’image de Nike. Le programme de
fidélité a été amélioré, et la vente
en ligne optimisée, pour pouvoir
faire le lien avec les magasins.
Une stratégie censée redonner
du tonus à l’entreprise alors que le
marché du sport se porte bien.
En 2019, les ventes d’articles de
sport devraient avoir progressé de
plus de 3 % pour se rapprocher des
11,5 milliards d’euros sur l’année,
d’après les chiffres que l’Union
Sport & Cycle (fédération des en­
treprises de la filière du sport) ar­
rêtera à la fin du premier trimes­
tre. Un rattrapage, après une
hausse de seulement 0,5 % en 2018
à cause de la météo et du mouve­
ment des « gilets jaunes ».
cécile prudhomme

La marque
engrange
du chiffre
d’affaires, mais
elle n’est pas
rentable

LES  CHIFFRES


11,5  MILLIARDS
C’est, en euros, le montant des
ventes d’articles de sport at-
tendu en France en 2019.

85
C’est le nombre de magasins
que Go Sport détient en direct
en France et 272 en franchise.

305  MILLIONS
C’est, en euros, le chiffre d’affai-
res réalisé au premier semestre
par Go Sport.

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