86 –LES ECHOS WEEK-END
CLAP DE FIN
MARC DUGAIN
ACHARNEMENTS
Il yaquelquesannées lorsque nousavons écrit
avecChristopheLabbéL’Homme nu,dénonçant
la sociétédesurveillancequi s’annonçait,
je me souviens du scepticismeaimable
de certains.Mêmeaprèsavoir lu la citation
d’un dirigeant deGoogle disant«letemps
n’est pas loin où l’on s’apercevraque la vie privée
est une anomalie. »Entre-temps, la surveillance
s’est étenduepour devenir un phénomène
général.Benjamin Griveauxn’aurait
pasdûdémissionner.Iln’aurait pasdû céder
au numériquecommearme dedestruction
massive.S’êtrepavané dansParis Match
pour donner une image formatée de lui-même,
alorsque sa vieest apparemmentplus complexe,
lui vaut d’être lacible decertainsqui voudraient
en finir avec le double langage despolitiques.
Trump, quiest unmaîtreenlamatière,n’aurait
jamais lâché l’affaire, il auraitniémêmedevant
lesimages, comme il l’afait àmaintes reprises
surdes intrigues d’uneautregravité.
Faire de lapolitique,c’est soit êtrecapable
de s’empêcher,soitavoir le réflexe de tout balayer
d’un revers dela main.Decepoint de vue,
ne relevant nide l’un,nidel’autre,Griveaux
n’avait certainement pasl’envergurepour mener
unecarrièrepolitiquedans un contexte
de délitement démocratiqueet dehaine
ordinairepour des corpsintermédiaires
qui ont aussibeaucoupfait pour enarriver
là. Il suffitdevoir l’exhibitionnisme insensé
des Balkany, relayéavecavidité par certains
médias,pourenêtre convaincu.
Les César quis’annoncent risquent d’être joyeux.
Le conseild’administrationde l’institution vient
de démissionner,accusé d’opacité.S’yajoute
l’affairePolanski dont le filmJ’accusepourrait
toutrafler sous les huées.Sonproducteur, Alain
Goldman,aréagi,àraison,àcet acharnement
basésurdes faits allégués etnon jugés.Etpuis,
Polanskin’apas fait ce film seul, plusieurs
dizainesdetechniciens du cinéma onttravaillé
durpour le rendre remarquable. Iln’yaaucune
raisonqu’ils pâtissent de la mauvaise rumeur.
Matzneff luin’apas besoin de jugement puisqu’il
atoutavoué dans ses livres,sous la protection
d’un milieu bienplus opaque que celui
du cinéma.AuxCésar, 4500 personnesvotent ;
dans chaque grand prixlittéraire,c’est moins
d’une dizainedejurés se cooptantentreamis
qui décidentde distinguerun livrequ’ils
ne lisent généralement pas, parce que,
on l’acompris, làn’est paslaquestion.
La questionc’est surtoutde servir un mélange
d’intérêtspersonnelsetéditoriaux. Lesmilieux
artistiques lesplus promptsàdonnerdesleçons
àlaterreentière sontles moins transparents.
On comprendaisément la lassitude qui prévaut
devant lesarrangements, les combines
et une morgue qui ne les rendent pas plus
exemplairesquecertainsmilieuxd’affaires
qu’ils se plaisentàfustiger.Onnerisque
pas devoir les écrivainss’insurger contre
la mécanique des prix.Parpeur d’en êtreexclus
certainement et parexcitationdelaperspective
de ce moment d’infantilisation suprême
mais éphémère qui fait devous l’être nommé.
FAIRE DE LA POLITIQUE,
C’EST SOIT ÊTRE CAPABLE DE
S’EMPÊCHER, SOITAVOIR LE
RÉFLEXE DE TOUT BALAYER
D’UN REVERS DE LA MAIN.
LE TRAIT
ILLUSTRATION
PORTRAIT :KIM
ROSELIER