Les Echos - 21.02.2020

(vip2019) #1
48 –LES ECHOS WEEK-END

CULTURESORTIES


L’INSTANT DE RÉFLEXION


ESSAIUn tel livrepourrait bien être
le plus déprimant de l’année:une enquête
sur les nouvelles formes de désamour,les
«relations négatives »,la«structurenarrative
de la séparation »ou le divorce comme liberté
revendiquée... Etpourtant, non!Certes,
la sociologie dureàlaDurkheim appliquée
aux relations amoureusespeut avoir quelque
chose de rebutant. Mais cette enquête
approfondie de la sociologueEvaIllouz
(déjà auteure dePourquoi l’amour
fait malet deLes Sentiments du capitalisme)
se lit comme un documentpoignant.
Car elles’attaqueàundes phénomènes les plus
troublants du nouveau désordre amoureux :
le triomphe du sexe sans lendemain et le prix
de la«liberté de ne paschoisir ».«Les gens
n’aiment pas que l’on explique deschoses qu’ils
veulent garder«absolues ». Moi je trouvequ’il
vaut mieux savoir »,écrivait PierreBourdieu en
1998.EvaIllouzpense comme lui:ilvaut mieux
comprendrepourquoi la libération sexuelle,
àpartir des années 1970,afavorisé l’émergence
de«relations sexuelles négatives »et pourquoi
l’amour semble essentiellement marqué
aujourd’hui«par la liberté de ne paschoisir
et de se désengager ».
La thèse est audacieuse car elle vise
àdécrypter les racines profondes du«désarroi
quirègne dans nos vies privées ».Intense désarroi
dont les multiples affaires (Weinstein, Haenel,
Matzneff...) ne seraient qu’une forme
de symptômes plus ou moins atypiques...
Le livre d’Eva Illouzs’appuie sur de nombreux
témoignages concrets sur la pratique montante
du«ghosting»(la rupture sansexplication),

largement encouragée par les applis de
«dating»Tinder ou Grindr,ousur le«sexe sans
attentes ».

ÉCONOMIE DE LA JOUISSANCE
Aufinal, elle se rallievolontiersàlathèse
du psychanalystefrançais CharlesMelman
qu’elle résumeainsi:«Les sociétés
contemporaines sont passées d’une économie
du désir, régulée par larareté etl’interdit,
àune économiedelajouissance,qui correspond
au besoinillimité de trouverune satisfaction
immédiate dansdes objetsquiexistent
en abondance.»Loin de prônerunretour
auxvaleursdelafamille ou une réduction
des libertés,EvaIllouzne cache passa perplexité
faceàce nouveau culte de la«sexualité
sanslendemain»,source d’ungrand désarroi
existentiel,particulièrementbien pressenti
dansles romansdeMichel Houellebecq.
Avec uneintuition inquiétante:«Lasexualité
et l’amour constituent aujourd’huileterrain
parfait pourreproduirelecapitalisme
consumériste etaiguiserl’aptitudeàl’autonomie
et l’indépendance exigéeset pratiquées partout. »
Sa critiqueporte surtoutsur la récupération
de la liberté sexuelle par ce qu’elle appelle
une nouvelle forme de«capitalisme scopique »
qui chercheàexploiter par tous lesmoyens
l’image ducorps sexualiséet fausse les relations
amoureuses.Àcecompte-là,la libération
sexuelle ne seraitplus qu’unimmense marché
de dupes. Dérangeant...P. de G.
La Fin de l’amour, enquête sur
un désarroi contemporain,d’Eva Illouz,
Seuil, 411 pages, 22,90 euros.

CLÔTURE DEL’AMOUR


SALLES OBSCURES


RichardJewell aura étéunhéros
national pendant trois joursaux
États-Unis. En juillet 1996, alors
qu’Atlanta s’apprêteàaccueillir les
Jeux Olympiques, un concert se tient
àCentennialPark.Unvigile, Richard

Jewell,remarqueunsac abandonné,
donnel’alerte et presse la foule
d’évacuer.Uncarnage estévité. Jewell
est fêtédetoutes partsjusqu’àce
quele FBI fasse de luisonprincipal
suspect. L’informationest publiée en
premièrepagedeThe Atlanta Journal-
Constitution,le débutde88jours
d’enfer pour Jewelletsamère,chez
laquelleilvit. La meutemédiatique
campe devant leur domicile,le FBI
perquisitionne, l’opinionpublique
accableceluiqu’elle avaitacclamé.
Le FBIcherche le moindreindice
pouvant prouver la culpabilitéde ce
géant candidequi avaitrêvéd’être flic.
Les psychologues avancentqu’il aurait
cherchéàdevenir un héros. Avec
Le CasRichard Jewell,ClintEastwood
signe un filmfort, remarquablement
interprété, avec Paul Walter Hauser
(photo)danslerôle-titre.
En 2012,le contrôleurgénéral
de la privation deliberté qualifie les
conditionsdedétention dela fameuse
prison des Baumettes,àMarseille,
d’«inhumaines».En 2015, Jean-Robert
et Viallet Alice Odiot, deuxPrix Albert
Londres,ypassent troissemaines,
sanscamérani micro. En 2016,
ilsyrestent 25 jours en immersion.
Avecses plans fixesrefusant le regard
facecaméra,Des hommesmontre
lesdétenus, sanscommentaire,
en préservant leur dignité.
Un documentairequifait référence.
Les Baumettes ont été fermées en 2018.

L’actualité cinématographique
de la semaine vue
par Thierry Gandillot.

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