Libération Vendredi 6 Mars 2020 http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 13
Anne Hidalgo,
mardi à l’hôtel
de ville de Paris.
A
nne Hidalgo et la presse?
Aucun problème, trom-
pettent ses lieutenants.
Sauf que depuis le début de
la campagne, la candidate refuse
que les journalistes la suivent
sur le terrain, lors des opérations
«bonjour, un tract, on serre la
main». Impossible, par exemple,
de l’accompagner sur un mar-
ché le week-end, contrairement
à la plupart de ses concurrents,
quand bien même ils ver-
rouillent. Ainsi, l’équipe de Ra-
chida Dati sélectionne à chaque
fois quelques journalistes pour
ne pas «casser le lien privilégié
avec les gens qu’elle rencontre».
«Mur de caméras». Côté
Hidalgo, on assure aussi que ce
sont les «meutes» de journalistes
qui posent problème. «Elle ne re-
fuse pas d’être accompagnée,
mais elle ne veut pas l’être par un
mur de caméras, explique son
adjoint Jean-Louis Missika. Au-
jourd’hui, les télés filment en
continu, elles ne font pas simple-
ment quelques images. Ça déna-
ture les relations, empêche de
parler. Elle a l’impression qu’on
lui vole ses moments de campa-
gne.» On a donc à nouveau solli-
cité sa respon sable presse pour la
suivre sur un déplacement sans
micro, sans caméra. Et finale-
ment... sans réponse.
Selon ses adversaires, le camp
Hidalgo préférerait en réalité ne
pas lever le rideau sur des scè-
nes peu flatteuses. «Elle se fait
allumer sur le terrain», veut
croire la présidente de la fédéra-
tion LR de Paris, Agnès Evren.
«Ils la planquent, car elle n’est
pas populaire, assure Mao Peni-
nou, ex-adjoint de la maire sor-
tante aujourd’hui rallié à Cédric
Villani. C’est frappant dans les
quartiers populaires, elle n’y est
jamais allée, ils ne veulent plus
voter pour elle.» Une analyse à
relativiser. Pour l’appuyer, le
conseiller de Paris cite l’exem-
ple du démantèlement du camp
de migrants de la Porte d’Auber-
villiers fin janvier, durant lequel
la maire sortante aurait été cha-
hutée. «Ce jour-là, c’était très
calme», explique Julie Lavays-
sière, membre de l’association
Utopia 56, même s’il y a «des
tensions qui se reportent vers la
mairie, car il est difficile de com-
prendre qui est responsable de
quoi entre l’Etat, la préfecture et
la municipalité». Missika tem-
père : «Oui, il y a des Parisiens
qui gueulent, mais ça arrive à
tous les maires et a fortiori à Pa-
ris où tout le monde râle pour
tout.»
«Impolitesse». En réalité, le
problème se situe plus entre
Anne Hidalgo et les journalistes.
Maltraitée par une partie de la
presse de droite, la maire sor-
tante n’est pas toujours à l’aise
face aux micros et aux carnets.
«Elle n’aime pas qu’on lui pose des
questions sur des sujets qu’elle n’a
pas préparés», explique un cadre
de la campagne. Ses adjoints font
donc office de gardes du corps. A
la fin des conférences de presse
thématiques quasi quotidiennes
depuis le lancement de sa cam-
pagne mi-janvier, ce sont eux qui
partent au front pour répondre
aux questions des journalistes.
Et s’agacent parfois du décalage
entre le sujet du jour et les inter-
rogations de la presse.
Mi-février, après une conférence
sur le handicap, Jean Louis Mis-
sika a grondé. «Ce sont les asso-
ciations qui ont pris la mouche
parce qu’il n’y a eu que des ques-
tions sur [le remplacement de
Benjamin Griveaux par] Agnès
Buzyn, c’est une forme d’impo -
litesse, justifie-t-il a posteriori.
C’est une manière de couvrir
la campagne qui me laisse per-
plexe.» Qui a aussi pour inconvé-
nient de perturber les plans de
com de l’équipe, qui préférerait
imposer son rythme.
Ch.B.
«Aujourd’hui,
les télés filment
en continu, elles
ne font pas
simplement
quelques images.
Ça dénature
les relations,
empêche
de parler.»
Jean-Louis Missika
adjoint à la maire de Paris
Face caméra,
les faux-fuyants
d’Anne Hidalgo
Mal à l’aise face
aux «meutes» de
journalistes ou
soucieuse de cacher
son impopularité,
comme le soupçonne la
concurrence? Difficile
à suivre sur le terrain,
la maire sortante
envoie souvent
ses adjoints au front.
comme le font Rachida Dati et
Agnès Buzyn, ce n’est pas compati-
ble avec le statut de Paris.
La prochaine majorité, ce serait
donc la coalition climat avec
vous à sa tête?
Je dirige une coalition climat de-
puis 2014!
Votre premier adjoint, Emma-
nuel Grégoire, décrit Paris en
commun comme un «labora-
toire doctrinal» pour réinventer
le logiciel de la gauche, autour
de la social-démocratie et de
l’écologie. Et vous?
Ça, c’est Emmanuel, moi je ne parle
pas comme ça (rires). C’est vrai que
quand la gauche est rassemblée,
elle est plus attractive et donc plus
forte. Nous travaillons sur la façon
dont la social-démocratie peut enri-
chir le projet écologique et cela peut
redonner de l’espoir à des hommes
et des femmes qui ont une cons-
cience sociale, écologiste et huma-
niste. Mais que ce soit bien clair, Pa-
ris en commun, c’est pour Paris.•