Les Echos - 06.03.2020

(sharon) #1

Véronique Le Billon
@VLeBillon
—Bureau de New York


Il lui a ura f allu deux nuits de
réflexion. Elizabeth Warren a
annoncé jeudi à ses équipes son
retrait de la campagne pour la
course à l’investiture démocrate,
deux jours après un Super Tuesday
qui aura mis fin à ses ambitions pré-
sidentielles. « Je sais que lorsque
nous sommes partis en campagne, ce
n’était pas ce que vous vouliez enten-
dre. Ce n’est pas l’appel que j’ai jamais
voulu faire. Mais je refuse de laisser la
déception m’aveugler – ou vous aveu-
gler – sur ce que nous avons accom-
pli »
, a expliqué la sénatrice du Mas-
sachusetts dans un message diffusé
sur Twitter. Sans pouvoir indiquer
« aujourd’hui » le soutien qu’elle
pourrait apporter à l’un des deux
candidats encore en lice, Bernie
Sanders et Joe Biden. « Je veux pren-


ÉTATS-UNIS


La sénatrice du Massa-
chusetts a indiqué
ne pas être prête
« aujourd’hui » à
annoncer son soutien
à l’un des deux candi-
dats encore en lice,
Bernie Sanders
ou Joe Biden.


tenues par l’aviation russe, ont
lancé une attaque dans cette
région du nord-ouest de la Syrie,
ultime bastion rebelle et djiha-
diste où la Turquie est intervenue
contre les forces du régime de
Bachar Al Assad. Dans ces inten-
ses affrontements, 36 soldats turcs
ont été tués, plus de 30, blessés.
Cela a aussi entraîné une catastro-
phe humanitaire, avec près d’un
million de personnes déplacées
vers la frontière turque. Au moins
15 civils, dont un enfant, ont
encore été tués jeudi lors de frap-
pes aériennes russes, selon l’ONG
Observatoire syrien des droits de
l’homme.
Seul chef d’Etat à parler à tout le
monde, de facto arbitre et gen-
darme de la région, Vladimir Pou-
tine essaie de ménager son allié
d’Ankara tout en continuant de
soutenir son allié de Damas. Avec
Recep Erdogan, il a traversé bien
des crises mais, régulièrement, il
s’attache à mettre en scène leur
bonne entente, marchant même
une fois avec lui lors d’un Salon
aéronautique à Moscou un cornet
de g lace à la main tout e n admirant
ensemble les avions de combat
russes.

Condoléances à Erdogan
« La situation à Idlib s’est tellement
détériorée que cela demande que
nous ayons une conversation per-
sonnelle et directe », avait déclaré

au début de la rencontre Vladimir
Poutine, exprimant ses condo-
léances à Recep Erdogan pour la
mort des soldats turcs tout en rap-
pelant que « l’armée syrienne aussi
a subi de lourdes pertes ». Son hôte
lui a répondu espérer l’é mergence
de « décisions » communes pour
« apaiser la région d’Idlib et nos
deux pays ».
Pour Moscou, l’une des princi-
pales raisons de la dégradation est
le non-respect par Ankara d’un
précédent accord : l’armée turque
pouvait rester dans la zone de
désescalade d’Idlib à condition que
les groupes terroristes radicaux se
retirent. Le ministre russe des
Affaires étrangères, Sergueï
Lavrov, a notamment regretté que
la Turquie n’ait pas dissocié les ter-
roristes de l’opposition prête au
dialogue. Une condition qu’A nkara
n’a pas interprété de la même
manière. Tout nouvel accord doit
passer par une mise au clair entre
les deux parties, plus que jamais à
la peine pour renforcer leur coopé-
ration sur le dossier syrien.n

« Pourquoi ne pas
nous engager
formellement?
C’est aussi
une question
de confiance. »
MICHEL BARNIER
Négociateur en chef
des Européens

sur quatre grands sujets. Des diver-
gences qui traduisent la volonté de
Londres de limiter au maximum
ses engagements à l’égard de
l’Union européenne. Et qui, si elles
ne sont pas résolues, pourraient
faire craindre, pour de bon, le spec-
tre d’un Brexit sans accord le 1er jan -
vier prochain.
Premier point d’inquiétude : les
conditions de concurrence équita-
ble. Les Européens voudraient que
le Royaume-Uni, pour garder un
accès privilégié au marché euro-
péen, s’engage à ne pas diverger des
normes européennes en matière
d’aides d’Etat, d’environnement, de
droit du travail, etc. Or, Londres
n’entend pas se lier les mains à long
terme. « Ils nous disent qu’ils ont
toujours l’ambition d’avoir des stan-
dards élevés, mais ne veulent pas tra-
duire ces engagements dans un
accord commun » , déplore Michel
Barnier. Et le négociateur d’interro-
ger : « Pourquoi ne pas nous engager
formellement? C’est aussi une ques-
tion de confiance. »

Pas de Cour de justice
de l’UE
Au tre domaine d ans l equel Londres
refuse toute ingérence européenne :
la coopération judiciaire et policière
en matière pénale. Si les deux par-
ties sont prêtes à collaborer, les
négociateurs britanniques ne veu-
lent pas s’engager à continuer à
appliquer la Convention euro-
péenne des droits de l’homme, ni
continuer de s’en remettre à la Cour
de justice de l’UE. Comment s’enten-
dre, dès lors, sur des sujets comme
les données personnelles? « Ce
point est grave » , a lâché Michel Bar-
nier.
Londres souhaite par ailleurs
signer une « myriade d’accords par-
ticuliers » plutôt que s’inscrire dans
un cadre global, comme l’a proposé
l’Union européenne. Michel Bar-
nier plaide en faveur d’un seul
accord-cadre permettant une plus

grande efficacité, des ratifications
beaucoup plus simples et qui serait
plus évolutif, en cas de nouveau défi
partagé, à l’image du coronavirus.
Mais la stratégie de Londres est
compréhensible : elle limiterait le
risque, pour les négociateurs bri-
tanniques, d’être obligés de céder
sur tel dossier (comme la pêche) en
raison d’une pression européenne
exercée sur tel autre (comme la
finance).

C’est précisément au sujet de la
pêche que se profile le dernier p oint
de friction. Londres souhaite, à
l’avenir, que l’accès à ses eaux soit
négocié sur une base annuelle. Cela
se fait aujourd’hui avec la Norvège.
Mais Michel Barnier juge cette
méthode « absolument impratica-
ble » du fait qu’il y a dans les eaux
britanniques « une centaine d’espè-
ces » contre « 5 espèces » dans les
eaux norvégiennes. La « visibilité »

dont ont besoin les pêcheurs euro-
péens n’est pas compatible avec un
tel dispositif, affirme le Français.
Derrière les arguments techniques,
c’est en réalité l’un des principaux
bras de fer politiques entre les deux
parties qui pointe.
Une chose est sûre : la partie de
poker qui s’engage s’annonce plus
musclée que les précédentes. Après
avoir souvent brillé par leurs hésita-
tions, les négociateurs b ritanniques

ont désormais un cap ferme, en
ligne avec la large majorité obtenue
par les conservateurs lors des der-
nières élections législatives. Même
si une dose de posture ne doit pas
être exclue, Londres semble décidé
à centrer sa négociation autour de
la notion de souveraineté nationale.
Et fait savoir à qui veut l’entendre
que la perspective d’un échec des
négociations, s ans être souhaitable,
ne doit pas être exclue.n

Gabriel Grésillon
— Bureau de Bruxelles


De la politesse et de l’inquiétude.
Michel Barnier a eu beau remercier
abondamment les différents prota-
gonistes qui ont participé au pre-
mier cycle de négociation sur la
future relation entre le Royaume-
Uni et l’Union européenne, i l n’a pas
caché, jeudi, son appréhension
devant les difficultés majeures qui
se dessinent. Lors d’une conférence
de p resse, l e négociateur e n chef des
Européens a, certes, estimé que cer-
tains dossiers s’annonçaient relati-
vement simples à négocier. Mais il a
surtout insisté sur les « divergences
très sérieuses »
qui se manifestent


EUROPE


A l’issue des premières
journées de négocia-
tion sur la future
relation entre le
Royaume-Uni et l’UE,
le négociateur
en chef des Européens
a surtout insisté sur
les « divergences très
sérieuses » qui se
manifestent sur
de grands sujets.


Brexit : Barnier avoue son inquiétude

sur la relation future avec Londres

Le négociateur britannique, David Frost, et le négociateur en chef des Européens, Michel Barnier, lundi à Bruxelles. Pho to Olivier Hoslet/AFP

tion d’investiture en juillet) que dans
l’Iowa. Mardi, parmi les quatorze
Etats qui votaient lors du Super
Tuesday, elle n’est arrivée en tête
dans aucun, n’obtenant même
qu’une troisième place humiliante
dans l e propre Etat dont elle est séna-
trice, le Massachusetts. Ailleurs, elle
n’a pas toujours franchi le seuil des
15 % de voix nécessaire pour obtenir
des délégués. Dans les décomptes
encore partiels, elle affiche a insi près
de dix fois moins de délégués que Joe
Biden ou Bernie Sanders, tous deux
plus proches des minorités qu’elle-
même a peiné à convaincre. Un
résultat impossible à redresser.
Alors que Pete Buttigieg et Amy
Klobuchar avaient choisi d’aban-
donner la course avant le Super
Tuesday, pour renforcer le modéré
Joe Biden qu’ils ont appelé à soute-
nir, Elizabeth Warren a préféré
malgré tout jouer sa chance.
Son étoile avait pourtant com-
mencé à pâlir dès octobre dernier.
Au fait de sa popularité et perçue
dès lors comme une menace, elle a
commencé à être attaquée par ses
concurrents démocrates lors des
débats télévisés, notamment sur le
thème du financement de l’assu-
rance-maladie universelle (Medi-
care for All) qu’elle souhaitait met-
tre en place. Le patronat et Wall
Street ont aussi tiré à vue sur son
programme, enclenchant une spi-
rale baissière dans les sondages
qu’elle n’a pas réussi à inverser.n

Elizabeth Warren abandonne


la course à l’investiture démocrate


dre un peu de temps pour y penser » ,
a-t-elle déclaré à des journalistes
devant sa maison de Cambridge
(Massachusetts) – ce qui doit déjà
constituer une déception pour le
camp Sanders.
Elizabeth Warren a probable-
ment eu d’autant p lus de mal à acter
ce renoncement qu’elle était, jus-
qu’en octobre dernier, la révélation
de la pré-campagne, avec l’espoir d e
devenir, à 70 ans, la première
femme présidente des Etats-Unis.

Série de déconvenues
Las, les résultats des premières pri-
maires n’ont été qu’une série de
déconvenues. Malgré une campa-
gne énergique pendant laquelle elle
a imprimé sa marque, avec sa capa-
cité hors pair pour expliquer sim-
plement des enjeux complexes
mais aussi un marketing politique
affûté (ses files de « selfies » à cha-
que fin de meeting, son uniforme
invariablement noir avec un gilet
coloré, ses produits dérivés couleur
« vert Liberté »... ), elle n’a pas réussi
à convertir le « moment » Warren
dans les urnes.
Lors des quatre premiers scru-
tins, elle a chaque fois été dépassée
par Bernie Sanders, avec qui elle par-
tage une ambition de réformer en
profondeur le pays, ou par Pete But-
tigieg, le benjamin de la course qui
affichait sa volonté de rassembler.
Elle n’avait réussi à gagner des délé-
gués (qui voteront lors de la conven-

Benjamin Quénelle
— Correspondant à Moscou

Vladimir Poutine et Recep Tayyip
Erdogan, les deux principaux pro-
tagonistes d e la guerre en Syrie o nt
annoncé dans la soirée de jeudi un
cessez-le-feu dans la province
syrienne d’Idlib, à l’issue d’un
entretien de plus de six heures. Le
président turc a précisé que
l’armée turque se réservait le droit
de riposter à toute attaque des for-
ces syriennes, soutenues par la
Russie dans leur volonté de recon-
quête de la région, dernier bastion
de rebelles hostiles au président
syrien Bachar Al Assad.
Les affrontements de ces der-
niers jours dans la région d’Idlib
ont menacé de dégénérer en con-
flit direct entre la Russie et la Tur-
quie, chacun aidant des camps
opposés sur le terrain. Les forces
gouvernementales syriennes, s ou-

MOYEN-ORIENT


Le chef du Kremlin
et le président turc se
sont mis d’accord jeudi
soir à l’issue d’une
longue réunion de
plus de six heures
pour établir un cessez-
le-feu à Idlib à partir
de minuit.

Po utine et Erdogan concluent un


nouveau cessez-le-feu sur la Syrie


ont été tués et plus de 30
blessés lors des affrontements
de ces derniers jours. 15 civils
dont un enfant ont encore été
tués jeudi par une frappe russe.

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SOLDATS
TURCS

MONDE


Vendredi 6 et samedi 7 mars 2020 Les Echos

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