Libération - 10.03.2020

(Dana P.) #1

Libération Mardi 10 Mars 2020 u 15


Elisabeth Borne,
vendredi
au ministère
de la Transition
écologique.

mettent aux procureurs, mais les
taux de poursuite ne sont pas satis-
faisants. Avoir des magistrats spé-
cialisés dans ce volet complexe du
droit permettrait des poursuites
effectives et des réparations fortes,
rapides, à hauteur des préjudices
subis par l’environnement. Le
projet de loi doit être enrichi, lors
des débats parlementaires, par
un durcissement de l’échelle des
peines. Il est aussi possible de
créer un délit d’atteinte générale
à l’environ nement, comme il existe
une mise en danger de la vie
d’autrui.
L’usage des pesticides continue
d’augmenter en France. Com-
ment peut-on enfin en sortir?
Nous ne sommes pas sur la bonne
trajectoire. On peut soutenir l’agri-
culture bio mais, de façon générale,
les agriculteurs doivent trans former
leurs pratiques. Pour accompagner
cela, nous avons annoncé la mise en
place de «paiements pour services

écouter les craintes qui s’expriment.
Yannick Jadot (EE-LV) a essayé
de faire croire que je suis «anti-éo-
liennes».
C’est le symptôme d’une
écologie déconnectée qui ne se
préoccupe pas de la mise en œuvre
concrète. J’ai lancé une réflexion
pour réduire les nuisances, par
exemple le clignotement des lu -
mières. Et je vais demander aux pré-
fets de travailler avec les élus pour
définir les zones dans lesquelles on
peut développer l’éolien sans porter
atteinte à un paysage exceptionnel.
Les éoliennes doivent aussi être
mieux réparties : le Grand Est et les
Hauts-de-France accueillent plus
de 50 % des capacités françaises.
Pour la COP15 Biodiversité, en
octobre, la France défend l’ob-
jectif de protéger au moins 30 %
des zones terrestres et marines
d’ici à 2030. Comment s’en assu-
rer sur le terrain?

Je tiens à ce qu’on porte cet objectif
à l’échelle de la planète et je pense


qu’il peut rassembler. Et un tiers de
ces zones doit bénéficier d’une pro-
tection plus forte. Vouloir cela pour
10 % de notre territoire, c’est une
révolution. En France, on dispose
d’une panoplie de protections : cela
va des zones où on maintient une
importante activité humaine à
celles où on a supprimé ou très for-
tement réduit toutes les pressions
pouvant s’exercer sur la biodiver-
sité. Ce «10 %» correspondra en par-
tie à des zones de pleine naturalité.

«On peut avoir de


très bonnes idées,


mais si on ne prend


pas en compte
l’acceptabilité

sociale, on va


dans le mur.»


Pour cela, il faut des moyens. Les
agents de l’Office français de la
biodiversité déplorent des bais-
ses d’effectifs...
Nous sommes en train de revoir
notre stratégie nationale des aires
protégées. Evidemment, la ques-
tion des moyens se pose. C’est pour-
quoi j’ai souhaité faire une pause
dans les baisses d’effectifs en 2020.
Mais quid des années suivantes?
Cela fait partie des discussions bud-
gétaires. Mais je ne soutiendrai pas
qu’on peut mieux protéger la nature
sans avoir plus d’effectifs présents
sur le terrain.
Vous défendez, avec la garde des
Sceaux, le projet de loi créant
«une nouvelle justice pour l’envi-
ronnement». Le texte vise à amé-
liorer la réponse pénale aux in-
fractions environnementales,
mais ne prévoit pas de moyens
supplémentaires...
Nos agents relèvent des infractions
au droit de l’environnement, trans-

environnementaux» : 150 millions
d’euros sur trois ans.
Même si le public vous voit
moins que vos prédécesseurs?
Mon but dans la vie n’est pas d’être
sur le devant de la scène au détri-
ment de l’efficacité. Je suis ingé-
nieure, j’ai été préfète dans une
région rurale. Je sais ce que veut
dire prendre des décisions fortes,
sans penser qu’on a raison seule
contre tous. J’assume la complexité
technique et sociale de la transition
pour mieux la réussir.
Façon de prendre le contre-pied
de Nicolas Hulot...
Les temps ont changé. Nicolas a eu
un rôle très important d’alerte.
Grâce à lui et la mobilisation de la
jeunesse, la prise de conscience
est générale. Aujourd’hui, on rentre
dans le dur. Gérer de la complexité,
savoir trouver des chemins entre
des points de vue qui semblent irré-
conciliables, c’est aussi ce que j’ai
fait tout au long de ma carrière.•
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