Libération - 10.03.2020

(Dana P.) #1

Libération Mardi 10 Mars 2020 http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 3


rieux problèmes de trésorerie qui menacent
l’existence même des entreprises les plus fra -
giles ou de taille réduite. Afin de limiter les
dépôts de bilan en cascade, le ministre de
l’Economie, Bruno Le Maire, accompagné de
ses collègues du Travail et de l’Industrie, a
dégainé un plan en plusieurs temps.
C’est le premier étage du dispositif qui inté-
resse en priorité les entreprises, petites ou
grandes. Au 15 mars, elles doivent normale-
ment faire face au paiement de leurs échéances
fiscales et sociales. En clair, le règlement des
charges patronales et salariales, la TVA... «Sur
simple envoi d’un mail», selon Le Maire, les
entre prises pourront obtenir un report des
sommes dont elles doivent s’acquitter. Inter-
rogé par Libération sur la durée de cette me-
sure, le ministre n’a pas donné de précisions.
Pour les sociétés «menacées de disparition»,
une mesure supplémentaire sera mise en
place : le dégrèvement d’impôt. En clair, la sup-
pression totale ou partielle de l’addition fiscale
à régler, par exemple sur les bénéfices.
Les galères auxquelles sont confrontées les en-
treprises ne sont cependant pas uniquement
de nature fiscale. Face à des problèmes d’appro-
visionnement auprès de leurs sous-traitants,
elles peuvent mettre plus de temps à terminer
un chantier ou livrer une commande. Pour y
remédier, il leur sera possible d’évoquer la crise
sanitaire «comme un cas de force majeure» et
éviter d’avoir à payer des pénalités de retard.
Les collectivités locales, importantes pour-
voyeuses de marchés publics, sont priées de
faire preuve de la même mansuétude à l’égard
de leurs fournisseurs. Même message auprès
des bailleurs, à qui il est demandé d’être un
peu souple sur la date de paiement des loyers
des boutiques ou des locaux commerciaux.

Chômage partiel. A ces mesures d’ordre gé-
néral s’ajoutent des dispositions spécifiques,
liées à l’essence même de certaines activités.
Ainsi, les compagnies aériennes (qui tournent
en ce moment au ralenti) peuvent perdre leur
créneau horaire dès lors qu’elles annulent des
vols et n’utilisent pas leur précieux slots de dé-
collage ou d’atterrissage. L’UE va être sollicitée
pour assouplir cette règle.
Sur le front social, 900 entreprises ont déjà de-
mandé à bénéficier du dispositif de chômage
partiel dans lequel le contrat de travail est sus-
pendu et le salaire n’est versé qu’à 70 %. La mi-
nistre du travail, Nicole Pénicaud, s’est enga-
gée à ce que les entreprises qui demanderont
à bénéficier de ce mécanisme obtiennent une
réponse en quarante-huit heures. Pour les re-
présentants des secteurs d’activité les plus tou-
chés par les effets du Covid-19, cette batterie
de dispositions trouve tout son sens dans l’im-
médiat. Reste qu’en cas de prolongation de la
crise, l’attitude des banques sera détermi-
nante. Or, selon un participant à la réunion
tenue à Bercy, les établissements financiers
sont encore assez frileux. Pas question pour
l’heure d’ouvrir à grand débit le robinet du
crédit. Moins encore de reporter les échéances
de remboursement de crédits.
D’où le deuxième niveau du plan de sauvetage
porté par Le Maire. Il consiste à frapper à la
porte des autorités de régulation bancaire euro-
péennes pour leur demander d’être plus souples
quant aux règles de prudence imposées au sec-
teur financier. Les banques sont en effet tenues
d’avoir un ratio minimum de fonds propres au
regard de la masse des prêts qu’elles accordent.
Une manière d’éviter que les épargnants ne se
retrouvent en carafe en cas de non-rembourse-
ment massif des emprunteurs. Le ministre de
l’Economie va devoir ferrailler dur à Bruxelles
et surtout à Francfort, du côté de la Banque cen-
trale européenne. Objectif : convaincre les ar-
gentiers de l’UE d’être plus souples sur les cor-
dons du crédit. Il en va de la viabilité de bien des
entreprises françaises et européennes.
FRANCK BOUAZIZ

venir en aide aux entreprises. Auparavant,
les grandes fédérations professionnelles
avaient été conviées à une réunion au sommet
(le 7e étage de Bercy), histoire de faire part de
leurs doléances et de leurs propositions.

Echéances fiscales. Les secteurs écono -
miques qui souffrent le plus – hôtellerie, tou-
risme, restauration, transports, luxe ou événe-
mentiel – sont confrontés à deux types de
turbulences : l’effondrement de leur chiffre
d’affaires et, par voie de conséquence, de sé-

U


n peu sonné par la dégringolade des
marchés financiers (-8,39 % lundi à la
Bourse de Paris) et les prévisions de
croissance revues à la baisse, le gouvernement
a sorti, lundi, un train de mesures destinées à

ont également dévissé après l’annonce de la baisse du prix du baril de Brent. PHOTO GIUSEPPE CACACE. AFP


Bercy en quête


de la bonne posologie


pour les entreprises


Les ministres de l’Economie,
du Travail et de l’Industrie
ont présenté lundi un ensemble
de mesures visant à éviter
des dépôts de bilan en cascade.

producteurs de pétrole (les 14 + 10,
soit l’Opep +) pour réduire l’offre de
pétrole et stopper la chute du prix
du baril amorcée en début d’année
et qui s’est accéléré depuis que la
Chine s’est mise sous cloche.
L’Arabie Saoudite, chef de file de
l’Opep, se tourne vers la Russie,
jusqu’ici son allié. Sa proposition?
Réduire de 1,5 million de barils par
jour la production quotidienne de
l’Opep +, qui frôle les 27 millions de
barils, dans l’espoir de stopper la
chute des prix liée à la baisse de
la demande d’or noir. Les 14 pays
membres de l’Opep sont d’accord
pour diminuer leur offre d’un mil-
lion. Le reste est à mettre sur le
compte de la Russie, du Kazakhstan,
de l’Azerbaïdjan et des sept
autres pays hors Opep. La réponse
d’Alexander Novak est claire : «Niet.»
Entre l’Arabie Saoudite et la Russie,
la guerre des prix est déclarée. Crise
du coronavirus, coup Suite page 4
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