chômer ses salariés si l’adminis-
tration l’accepte et les payer à 70 %
du salaire brut. Dans ce cas, l’Etat
et l’Unédic indemnise la société à
hauteur de 8,04 euros par heure
chômée, c’est-à-dire le niveau du
SMIC. Ce tarif a été rehaussé par le
gouvernement de 30 centimes.
Muriel Pénicaud a promis que son
ministère donnerait les autorisa-
tions d’activité partielle en moins
de quarante-huit heures.
Ce dispositif, peu utilisé en
France jusqu’à p résent, car il n’a été
simplifié qu’en 2013, a permis à
l’Allemagne d’amortir les effets de
la crise de 2008 sur l’emploi. En fin
de semaine dernière, 900 entre-
prises avaient effectué une
demande d’activité partielle pour
environ 15.000 salariés. Le coût
pour l’Etat représentait alors
52 millions d’euros mais il est, a
priori, appelé à grimper. « Nous
allons avoir des dépenses publiques
supplémentaires » , a avoué Bruno
Le Maire. Le ministre vise « tou-
jours un rétablissement des comp-
tes publics ». Mais « il y aura néces-
sairement un décalage dans le
temps » , a-t-il ajouté.
« Cas de force majeure »
Autre mesure, déjà annoncée la
semaine dernière, bpifrance
garantira jusqu’à 70 % des crédits
de trésorerie contractés par des
PME en difficulté auprès de leur
banque. Les actions de la banque
publique seront aussi élargies aux
entreprises de taille intermédiaire.
Enfin, Bercy a demandé au
médiateur des entreprises de
regarder s’il était possible de con-
sidérer l’épidémie comme un « cas
de force majeure » dans les con-
trats privés. L’Etat et les régions le
font pour leurs fournisseurs en
difficulté et ne leur appliquent
donc pas de pénalités. Dans le cas
de donneurs d’ordres privés, cela
suppose que ce soit l’assurance qui
prenne en charge les pénalités.
Deux syndicats, la CPME et l’U2P,
qui représentent les PME et arti-
sans, vont plus loin et ont
demandé lundi de faire jouer la
clause d ’« état d e catastrophe sani-
taire » pour que les assurances
prennent en charge une partie des
pertes d’exploitation.n
Guillaume de Calignon
@gcalignon
Bercy est sur le pied de guerre.
Lundi matin, au ministère de
l’Economie, il flottait comme un
parfum de 2008, une odeur de
crise sans précédent. B runo
Le Maire, le ministre de l’Econo-
mie, et Muriel Pénicaud, la minis-
tre d u Travail, ont de nouveau reçu
les fédérations professionnelles
des secteurs les plus durement
touchés par l’épidémie de corona-
virus. Avec un credo : « Maintenir
le tissu économique, éviter les
défaillances de PME et préserver
l’emploi » , selon Muriel Pénicaud.
L’heure est grave : le chiffre
d’affaires des traiteurs, par exem-
ple, a chuté de 60 % la semaine
dernière, celui de l’hôtellerie, de 30
à 35 %, et, dans la restauration, la
baisse atteint 25 %, selon Bercy.
Sans compter ce qui se passe dans
l’événementiel avec l’interdiction
des rassemblements de plus de
1.000 personnes, l’auto et l’aérien.
Pour la chambre de commerce de
Paris Ile-de-France, « les chefs
d’entreprise craignent une crise éco-
nomique sans précédent ».
Activité partielle
Devant cet état d’urgence écono-
mique, Bercy a décidé de permet-
tre aux entreprises ayant des diffi-
cultés de décaler le paiement des
charges sociales le 15 mars pro-
chain « sur simple mail » , a précisé
Bruno Le Maire. Les versements
d’impôt sur les sociétés pourront
aussi être retardés. Les dégrève-
ments seront décidés au cas par
cas. Ensuite, le dispositif de l’acti-
vité partielle, qui permet aux
employeurs confrontés à de gros
problèmes de faire payer une par-
tie des salaires à la collectivité, va
légèrement changer. L’entreprise
qui en fait la demande auprès du
ministère du Travail peut faire
Les entreprises en difficulté
pourront décaler
le paiement des charges
sociales le 15 mars
« sur simple mail ».
Les versements d’impôt
sur les sociétés pourront
aussi être retardés.
Bercy tend la main
semaines avec 40 % d’effectifs en
moins » , détaille-t-on chez EDF.
Chez Suez, on capitalise aussi
sur l’épisode H5N1 pour garantir « à
tout moment » une continuité,
notamment dans le traitement des
déchets infectieux.
Le problème du frais
Dans l’agroalimentaire, la situation
se tend. Si Danone « ajuste chaque
jour » ses mesures, Lactalis étudie
« les scénarios » avec 20 personnes à
temps complet. Tout le monde a
reçu des consignes pour les visites,
les réunions, les livraisons. Les col-
lecteurs de lait ont reçu une forma-
tion et sont équipés de masques chi-
rurgicaux dans les zones à risque.
A La Poste, les facteurs doivent se
laver les mains régulièrement lors
de leur tournée. Dans les zones clus-
ters et pour le cas particulier du ser-
vice Veillez sur mes parents : le
groupe prend contact avec le client
pour éviter une visite à domicile.
Sinon, c’est masque obligatoire pour
l’agent, qui doit se laver les mains
après la visite et rester à un mètre de
la personne âgée. A la fin de la pres-
tation, celle-ci ne peut plus signer
avec le smartphone. Les repas sont
déposés à la porte du domicile et
non plus dans le frigo.
« Les Echos » aussi...
Aux « Echos », les journalistes ont
été invités à tester l a connexion à dis-
tance des logiciels et à réfléchir à la
composition du « noyau dur » capa-
ble si nécessaire d ’assurer la produc-
tion du journal. Lundi midi, la rédac-
tion a d’ailleurs mangé à la cantine
dans des conditions particulières : le
prestataire Elior avait décidé de
demander à un salarié muni de
gants de distribuer à la main les cou-
verts. S odexo, le c oncurrent
d’Eurest, n’est pas en reste. Sécurité
alimentaire, hygiène personnelle et
contrôle des infections : « les équipes
locales gèrent la situation de manière
proactive avec chacun de leurs
clients » , précise la direction. Chez
Saint-Gobain, dans cette optique de
propreté, le nettoyage des locaux et
des « surfaces stratégiques » – des
boutons d’ascenseur aux poignées
de porte – a été densifié.
Chez Century 21 enfin, aucune
consigne n’a été donnée aux agents
pour les visites. « Nous nous adap-
tons au fur et à mesure » , explique le
patron, Laurent Vimon. « Il pourrait
y avoir des conséquences sur les syn-
dics , note-t-il. Nous entrons dans la
période des AG. » Elles seront repor-
tées en cas de pandémie. Sans doute
pas la pire conséquence de la crise.
4
À NOTER
Le PDG d’ADP, Augustin de
Romanet, a été testé positif au
Covid-19. Sa santé ne l’empêche
pas d’exercer ses fonctions.
Le patron devra rester à domi-
cile quatorze jours. Les salariés
qui ont été en contact avec lui
« étroit et prolongé, à moins
d’un mètre plus de quinze
minutes » au cours des dix
derniers jours restent chez eux.
lL’épidémie prend chaque jour
davantage d’ampleur en France.
lLes entreprises tricolores
anticipent activement l’entrée proba-
blement prochaine dans la phase 3.
Coronavirus : les entreprises
passent en mode commando
Service Entreprises
Se préparer à entrer dans le tunnel.
L’épidémie de coronavirus prenant
chaque jour davantage d’ampleur
en France, les entreprises anticipent
l’entrée dans la phase 3 – celle où les
salariés seront nombreux à être can-
tonnés à domicile. « Le stade 3, c’est
relativement facile à organiser dans le
tertiaire. Dans les usines, ce sera sensi-
blement plus compliqué » , craint un
industriel.
« Nous travaillons en temps réel
pour définir en avance la gamme des
actions nécessaires » , dit-on chez
PSA, où l’on souhaite « laisser les
autorités communiquer ». En face,
chez Renault, « une cellule dédiée se
réunit chaque jour en fin de journée
pour décliner pour le lendemain au
niveau de l’entreprise les mesures des
autorités ».
Sanofi et EDF ont des plans
Les équipes RH de Sanofi peaufi-
nent de leur côté les mesures per-
mettant de poursuivre l’activité –
rythme adapté, télétravail, moyens
alternatifs de transport... « Nous
veillerons au maintien de notre pro-
duction indispensable pour nos
patients » , affirme le laboratoire. Air
France et KLM ont, eux, demandé à
leurs salariés de prendre leurs reli-
quats de vacances.
Pour éviter les pannes d’électri-
cité, EDF « se tient prêt » à actionner
son plan pandémie. Conçu lors de la
grippe H5N1 mais jamais éprouvé,
celui-ci a été actualisé. « On peut
faire fonctionner les installations et
garantir leur sûreté avec 25 % d’effec-
tifs en moins pendant huit à douze
semaines, puis pendant plusieurs
ÉPIDÉMIE
Bruno Trévidic
@BrunoTrevidic
La chute des cours du pétrole
pourrait-elle compenser, au
moins partiellement, l’impact
dévastateur du coronavirus sur
le trafic et les recettes des compa-
gnies aériennes? Quand l’épidé-
mie était encore contenue en
Chine, il était permis d’y croire.
Lors de la présentation de ses
résultats annuels, le 20 février, Air
France-KLM indiquait que sa fac-
ture de carburant allait baisser
d’environ 450 millions d’euros en
2020, comparé à 2019, tandis que
le manque à gagner lié à la suspen-
sion des vols vers la Chine était
estimé « entre 150 et 200 millions ».
Mais alors, la perte d’activité res-
tait limitée à la Chine, pour une
durée... d’un mois.
Depuis, ni Air France-KLM ni
aucune autre compagnie ne se ris-
quent à avancer la moindre prévi-
sion chiffrée sur l’impact d’une
crise en développement constant.
L’Association internationale du
transport aérien estime néan-
moins que la perte de chiffre
d’affaires pour l’ensemble des
compagnies aériennes mondiales
pourrait se situer entre 63 et
113 milliards de dollars en 2020.
Or, la facture pétrolière annuelle
des compagnies aériennes était de
133 milliards de dollars en 2018.
Pour compenser la perte de
recette, il f audrait donc que le baril
de pétrole p erde entre 50 % et 80 %
de sa valeur. On en est encore loin.
Malgré sa chute spectaculaire, le
baril de brent s’échangeait lundi
aux alentours de 37 dollars, alors
que l’hypothèse sur laquelle Air
France-KLM a bâti son budget
2020 est un prix moyen de 52 dol-
lars (contre 64 dollars en 2019).
Le revers des couvertures
pétrolières
Par ailleurs, le groupe franco-
néerlandais, comme ses princi-
paux concurrents, a déjà acheté à
l’avance de quoi couvrir plus de la
moitié de ses besoins en carburant
à un prix défini à l’avance. Air
France-KLM a ainsi déjà couvert
60 % de ses besoins pour 2020
(et même 70 % au troisième et
quatrième trimestre) à 62 dollars
le baril.
Ces c ouvertures pétrolières pro-
tègent les compagnies aériennes
contre une possible flambée du
prix du pétrole, mais elles ont un
coût. Et en cas de baisse spectacu-
laire, elles n’en bénéficient pas, et
doivent même passer dans leurs
pertes financières l’écart entre le
prix de couverture et le prix du
marché. Dans le cas d’Air France-
KLM, la chute du prix du pétrole
risque donc de se traduire par une
moins-value de plusieurs centai-
nes de millions de dollars – et
même 1 milliard de dollars, selon
Forbes – dans son bilan 2020.
Lufthansa et IAG,
grands perdants
Toutefois, le groupe franco-néer-
landais ne sera pas le plus gros
perdant en cas de baisse durable.
L’allemand Lufthansa est couvert
à 85 % sur les huit prochains mois,
à 63 dollars le baril. Quant à IAG,
maison mère de British Airways et
Iberia, le groupe a couvert, sans
préciser à quel prix, 92 % de ses
besoins au premier trimestre,
94 % au second trimestre, 91 % au
troisième et 82 % au quatrième.n
La chute du prix du pétrole ne compensera pas
les pertes des compagnies aériennes
La chute de 20 % des cours
du pétrole va alléger
la facture de carburant
des compagnies aériennes.
Les effets de cette baisse
seront néanmoins insuffi-
sants pour compenser
le manque à gagner lié
à la chute du trafic.
La SNCF permet de reporter
et d’annuler son voyage sans frais
Alors que l’épidémie de coronavirus continue chaque jour
de s’étendre en France, la SNCF fait un geste pour permet-
tre à ses clients de reporter leur voyage sans frais. Le
groupe public a annoncé lundi avoir décidé « de rendre
gratuits les frais d’échange et de remboursement des billets
TGV INOUI, OUIGO et Intercités » pour tous les voyages
prévus depuis lundi et jusqu’au 30 avril. « Cette mesure
s’applique également aux TER en correspondance » , a-t-il
ajouté. Pour être remboursé, le client pourra avoir recours
à « l’ensemble des canaux de vente habituels » (site Internet,
guichets, etc.) et ce jusqu’au départ du train. Par ailleurs,
tous les TGV et Intercités font l’objet d’un « nettoyage quoti-
dien renforcé et minutieux depuis plusieurs jours déjà, afin
d’éliminer au maximum les risques de contamination? »
« Le stade 3, c’est relativement facile à organiser dans le tertiaire. Dans les usines, ce sera plus compliqué », craint un industriel.
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ENTREPRISES
Mardi 10 mars 2020 Les Echos