Les Echos - 10.03.2020

(Rick Simeone) #1

Les Echos Mardi 10 mars 2020 ENTREPRISES// 17


cher? Les jeunes? Les plus âgés? Je
m’y refuse » , s’emporte le président
de la Philharmonie, Laurent Bayle.
Les concerts à la Cité d e la musique,
les ateliers et les expositions sont
en revanche maintenus.

Limiter la jauge
Radio France a décidé, pour sa part,
de maintenir les c oncerts à l’audito-
rium (1.461 places) en limitant les
entrées. Même choix générale-
ment dans le secteur privé non sub-
ventionné. « Si nécessaire, nous
limiterons la jauge, mais vu le con-
texte, nous n’avons même pas à le
faire, nous sommes en dessous des
1.000 réservations par soir! »
observe Laurent Bentata, à la tête
de Mogador (1.860 places) et direc-
teur France de Stage Entertain-
ment, groupe qui produit ses pro-
pres comédies musicales. Même
scénario au cabaret Le Lido où, vu
la conjoncture internationale, la
revue « Paris Merveilles » est loin
de faire le plein.
Dans les théâtres du groupe
Lagardère (Folies Bergère, Bata-
clan, Casino de Paris), où la plupart
des événements sont « accueillis » ,
« il reviendra à chaque producteur

de décider d’annuler, de reporter, de
limiter la billetterie. Quant au rem-
boursement éventuel, le spectateur
devra s’adresser là où il a acheté son
billet » , précise Jérôme Langlet,
président de Lagardère Live Enter-
tainment.
En région, où les théâtres du
Morbihan et du Haut-Rhin avaient
déjà annulé ou reporté toutes leurs
représentations, nombre de Mai-
sons d’opéras tels Toulon et Lyon
restreindront la jauge s i nécessaire.

Désinfections des réseaux
de ventilation
Les syndicats du spectacle vivant
(Prodiss) et du théâtre privé
(SNDTP) alertent sur « l’accident
industriel à venir ». Ils réclament au
gouvernement un fonds d’aide et
un report de charges pour l’éviter.
Le Prodiss évalue à 250 millions
d’euros les pertes de recettes liées
aux annulations de concerts du
5 mars au 31 mai. Les achats de
billets pour les spectacles à venir
sont en chute de 50 à 60 %. C’est dix
fois pire qu’après les attentats du
Bataclan en 2015.
Pour empêcher ce cercle vicieux,
« il faut éviter les messages anxiogè-

nes et continuer à accueillir du
public, mais en prenant toutes
les précautions » , insiste Laurent
Bentata, qui, lui-même, a multiplié
les distributeurs de gel hydroalcoo-
lique dans son théâtre et fait
désinfecter tous les réseaux de
ventilation. n

Le monde du spectacle vivant


au bord de l’accident industriel France, même s’il reste la possibi-


lité d’appliquer la jauge des
1.000 personnes. Ce sont les pré-
fets qui auront le dernier mot pour
tous les événements sportifs, qui
sont d’ores et déjà interdits dans
l’Oise et le Haut-Rhin.
Le rugby y voit lui aussi un peu
plus clair. La dernière rencontre
des Bleus dans le Tournoi des Six
Nations, prévue samedi face à
l’Irlande, faisait partie des événe-
ments dans le collimateur. Le
match a finalement été reporté,
c’est le troisième reporté depuis le
début du Tournoi.

L’ Euro 2020 impacté
Tous les sports risquent d’être
impactés. Le Top 14 de rugby ris-
que de se jouer avec des tribunes
vides, tout comme les matchs de
championnat de basket ou de
handball. Pour le tournoi de
France de football féminin, qui se
dispute à Calais et à Valenciennes,
les deux derniers matchs, France -
Pays-Bas et Canada-Brésil, prévus
mardi se disputeront à huis clos.
L’épidémie pourrait aussi peser
sur l’Euro 2020. La possibilité d’un
huis clos pour les matchs de pré-
paration des B leus face à l ’Ukraine,
au Stade de France, et contre la
Finlande, à Lyon, n’est plus à écar-
ter.
Les clubs sportifs qui font face à
des charges fixes souvent élevées
et qui sont déjà régulièrement tou-
chés par l’aléa sportif pourraient
se retrouver dans une position
financière très délicate si les huis
clos, annulations ou les reports de
certaines c ompétitions d evaient se
poursuivre longtemps.n

Les Echos

Le huis clos est devenu la règle.
Afin de lutter contre l’expansion
du coronavirus, toutes les mani-
festations sportives se joueront à
huis clos ou avec 1.000 spectateurs
maximum jusqu’au 15 avril, a indi-
qué lundi la ministre des Sports,
Roxana Maracineanu. L’annonce
intervient au lendemain de l’inter-
diction des rassemblements de
plus de 1.000 personnes, y com-
pris en extérieur, annoncée
dimanche par le ministre de la
Santé, Olivier Véran. « Nous som-
mes dans un moment exceptionnel.
[...] Ce que je préconise est la conti-
nuité sportive, notamment pour les
compétitions qualificatives aux
Jeux Olympiques et paralympiques
de Tokyo » , a commenté Roxana
Maracineanu.
Une rencontre focalisait l’atten-
tion : le huitième de finale retour
de la Ligue des champions de foot-
ball entre le Paris S aint-Germain e t
le B orussia D ortmund, prévu mer-
credi. Lundi matin, avant même
les annonces de la ministre, la pré-
fecture de police de Paris a décidé
d’un huis clos pour ce match cru-
cial pour la saison du club de la
capitale. « Les supporters ayant
acheté leurs billets sur [la billetterie]
ainsi que les abonnés seront infor-
més des modalités proposées » ,
indique le club. Cette décision ris-
que bien de ne pas être la seule en

Toutes les rencontres
sportives se joueront
à huis clos ou avec
1.000 spectateurs maxi-
mum jusqu’au 15 avril.

Le sport sous cloche


Catherine Ducruet
@CDucruet


Le premier vaccin contre le
Covid-19 devrait entrer en test chez
l’homme dans une dizaine de jours.
Il s’agit du mRNA-1273 de la biotech
américaine Moderna, dont l’essai
clinique a été organisé avec les NIH
(National Institutes of Health, équi-
valents américains de l’Inserm). Il
doit se dérouler à Seattle et inclure
45 adultes de 18 à 55 ans. L’objectif
est de vérifier l’innocuité du produit
mais aussi de déceler des indices de
réaction immunitaire. Il aura fallu
deux mois à compter de la publica-
tion par les Chinois de la séquence
du génome du virus pour que
Moderna mette au point un proto-
type de vaccin.
Les prochains candidats
devraient également être issus de la
biotech. Inovio cible le mois d’avril,
Novavax et CureVac mai ou juin,


tandis que les grands industriels
tablent au mieux sur la fin de
l’année pour J&J, ou le début 2021
pour Sanofi. Cette différence de
réactivité ne tient pas seulement à
la taille des entreprises mais aussi
aux technologies utilisées. Alors
que les grands laboratoires se mon-
trent très conservateurs dans leurs
méthodes, les biotechs n’hésitent
pas à tester de nouvelles approches.

Fragments d’ARN
Les vaccins classiques utilisent des
virus entiers. Il peut s’agir de virus
inoffensifs pour l’homme dans le
génome desquels on intègre des
gènes du virus causant la maladie
dont on veut se protéger. C’est ce
que fait Sanofi en l’espèce. On peut
aussi utiliser le virus causant la
maladie lui-même après l’avoir
inactivé en lui enlevant les gènes de
virulence ou par neutralisation chi-
mique. C’est ce que fait J&J.
Si les biotechs sont plus rapides,
c’est qu’elles n’injectent que des
fragments d’ADN (Inovio), d’ARN
(Moderna, CureVac) ou de protéi-
nes (Novavax) du Covid-19, choisis
pour leur capacité à susciter une
réponse immunitaire. Toute la

question est de savoir si de telles
technologies déclenchent une
réponse immunitaire aussi protec-
trice que les méthodes classiques.
Que Novavax éprouve le besoin
d’ajouter des adjuvants (substances
qui amplifient la réponse immuni-
taire) à ses nanoparticules de pro-
téines prouve que la question n’est
pas seulement théorique. Quant
aux autres biotechs, leurs vaccins
contre d’autres maladies les plus
avancés sont encore en essais clini-
ques. Il est donc trop tôt pour savoir
s’ils apportent une protection vrai-
ment efficace.
Pour autant, la conception de
vaccination évolue aussi. On en
vient à considérer qu’atténuer la
maladie pourrait suffire, sans cher-
cher à l’éviter complètement. C’est
l’objectif moins ambitieux que se
fixent, notamment, ceux qui tra-
vaillent à un vaccin universel de la
grippe saisonnière (qui pourrait
protéger plusieurs années). Dans
une telle optique, les nouvelles
technologies utilisées par les bio-
techs pourraient s’avérer adaptées
même si la réponse immunitaire
qu’elles déclenchent est moins
puissante.n

Les biotechs prennent des risques


pour trouver un vaccin


Alors que les grands
industriels du vaccin
misent sur des méthodes
classiques, les biotechs
changent d’approche
pour gagner du temps.


Victime de son succès, avec ses concerts pleins, la Philharmonie de Paris préfère les annuler jusqu’au
22 mars. Elle décidera bientôt de l’annulation ou pas de la venue du San Francisco Symphony début avril.

Martine Robert
@martiRD


Le couperet est tombé dimanche
soir, après l ’annonce du ministre de
la Santé : tous les rassemblements
de plus de 1.000 personnes sont
désormais interdits. Jusqu’à pré-
sent le seuil était à 5.000 personnes,
ce qui concernait les gros Zénith,
les Arena, les concerts dans les sta-
des. Beaucoup plus de salles sont
désormais concernées. Et non des
moindres! L’Opéra Bastille, le Châ-
telet, Chaillot, le Théâtre des
Champs-Elysées, les Folies Ber-
gère, Mogador, Pleyel, l’Olympia,
l’Opéra-Comique, la Porte Saint-
Martin, Marigny, le Théâtre de
Paris... Mais aussi, en région, une
vingtaine d’Opéras.
Pour le monde du spectacle, c’est
un nouveau coup dur, doublé d’un
vrai casse-tête. Les professionnels
réclament des précisions sur les
modalités du comptage (les techni-
ciens, artistes, personnels d’accueil
et de sécurité sont-ils inclus ?) et la
durée de ces restrictions. En outre,
l’avis des préfets prime sur celui du
ministre, et peut être plus draco-
nien encore.


Certaines salles décident pure-
ment et simplement d’annuler les
événements prévus, comme
l’Opéra de Paris, jusqu’au 11 mars
(mais probablement au-delà), ou
la Philharmonie pour sa salle
Pierre Boulez (2.400 places) jus-
qu’au 22 mars. « Tous nos concerts
étant complets, comment laisser
60 % des spectateurs à la porte? Et
qui garder : ceux qui ont payé le plus


L’ interdiction des
rassemblements, de plus de
1.000 personnes désormais,
porte un nouveau coup dur
au secteur du spectacle.
Les pertes de recettes liées
aux annulations de concerts
entre le 5 mars au 31 mai
sont estimées à 250 millions
d’euros.


Les achats de billets


pour les spectacles


à venir sont en chute


de 50 à 60 %.


C’est dix fois pire


qu’après les attentats


du Bataclan en 2015.


Manuel Cohen/AFP
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