Les Echos - 10.03.2020

(Rick Simeone) #1

Les Echos Mardi 10 mars 2020 ÉVÉNEMENT// 03


tains interprètent, à Bruxelles,
comme le signe de l’influence
qu’exerce sur lui Emmanuel
Macron. « Agissons ensemble dès
maintenant » , a d’ailleurs tweeté le
chef de l’Etat français après avoir
été en contact avec Charles Michel.
Car la France n’a été que partielle-
ment satisfaite de la vidéoconfé-
rence qu’ont tenue les ministres des
Finances européens la semaine
dernière. Alors que Bruno Le Maire
espérait envoyer un signal fort aux
marchés financiers, il a dû affronter
les réticences de plusieurs Etats
membres. Un travail technique a
donc été commandité pour réflé-
chir aux moyens de soutenir l’acti-
vité économique, et le « sommet
européen virtuel » de ce mardi
pourrait servir à accentuer la pres-
sion sur la réunion de l’Eurogroupe
du 16 mars pour qu’elle produise
des résultats concrets.

« Flexibilité et argent »
« Les effets économiques de cette
crise sanitaire restent encore incer-
tains. Mais il faut au moins trouver
un accord politique pour enclencher
une relance commune une fois que
celle-ci sera derrière nous » , expli-
que-t-on à Bercy. Pour l’instant, les
réponses sont assez disparates d’un
pays à l’autre. Ce lundi, le gouverne-
ment allemand a par exemple
annoncé une série de mesures pour
soutenir son économie avec le
recours facilité au chômage partiel
pour les entreprises en difficulté et
une enveloppe de 12,8 milliards
d’euros sur quatre ans pour les
infrastructures. Un paquet en
retrait de ce qu’espérait le SPD,
preuve que le coronavirus n’a pas
encore affaibli l’orthodoxie budgé-
taire en Allemagne.

Au niveau européen, Ursula von
der Leyen, la présidente de la
Commission, a résumé la situation,
ce lundi : « Notre approche, c’est la
flexibilité et l’argent. » Ce second
point fait référence à la nécessité
d’injecter des liquidités dans le sys-
tème économique. Au-delà des
attentes fortes qui entourent la pro-
chaine réunion de la Banque cen-
trale européenne, une des pistes
évoquées – mais loin d’être confir-
mée – pourrait consister à confier
à la Banque européenne d’investis-
sement la mission de soutenir
les entreprises, en particulier les
PME, afin de limiter leur choc de
trésorerie.
Enfin, comme l’a confirmé
Ursula von der Leyen, la Commis-
sion européenne réfléchit aux
moyens d’assouplir les règles qui
encadrent les aides d’Etat en
Europe. Le but : laisser les gouver-
nements venir en aide aux secteurs
les plus touchés par la crise. Cette
piste est regardée avec bien-
veillance à Paris, où l’on rappelle
qu’un assouplissement similaire
avait été décidé après la crise finan-
cière de 2008.

Risque sur l’endettement
Quant à la flexibilité, elle renvoie à
la nécessité de ne pas tenir compte,
dans l’évaluation par Bruxelles des
déficits nationaux, des dépenses
liées au coronavirus – un point déjà
acté au sujet de l’Italie et appelé à
se généraliser sur le continent.
La France, dont le déficit était
attendu à 2,2 % du PIB cette année,
entend aussi en profiter. Bruno
Le Maire a annoncé « toujours viser
le rétablissement des finances publi-
ques, mais il y aura un décalage dans
le temps ».
Cette dégradation du climat éco-
nomique fait peser un risque sur le
niveau d’endettement, qui était de
98,8 % fin 2019 et qui pourrait donc
se rapprocher dangereusement du
seuil symbolique des 100 %. « La
gestion sérieuse des finances publi-
ques reste une priorité. Mais le fait de
savoir si on est sur un ratio de 98,9 %
ou 100,1 % pèse peu face à l’urgence
sanitaire et économique » ,
répond-on à Bercy.n

Gabriel Grésillon
@GGresillon
et
Renaud Honoré
_@rhonore


Après les sommets de la dernière
chance sur la zone euro, la Grèce ou
les migrations, va-t-il falloir s’habi-
tuer à la multiplication des réu-
nions européennes sur les consé-
quences de la crise du coronavirus?
La pression est en tout cas montée
d’un cran lundi pour une plus
grande coordination européenne
en réponse aux conséquences éco-
nomiques de l’épidémie, alors que
les marchés financiers faisaient
face à un véritable coup de tabac.
Par la voix de son économiste en
chef, Gita Gopinath, le FMI a appelé
à « une réponse internationale coor-
donnée »
. Une petite musique qui ne
pouvait que réjouir la France, qui
plaide en ce sens depuis quelque
temps. « L’Europe est placée face à
ses responsabilités. Elle doit apporter
la preuve de son utilité et de son effi-
cacité »
, a plaidé Bruno Le Maire
lors d’une conférence de presse.
Pour le ministre de l’Economie et
des Finances, il faut un « plan de
relance européen »
qui soit à la fois
« coordonné et massif ».
Preuve que l’urgence s’est instal-
lée dans les esprits au niveau euro-
péen, le président du Conseil euro-
péen, Charles Michel, a annoncé
qu’il allait organiser, mardi, une
visioconférence avec les chefs
d’Etat et de gouvernement. A deux
semaines d’un sommet européen,
le Belge a jugé indispensable de
bousculer le calendrier, ce que cer-


Les chefs d’Etat
et de gouvernement
tiennent ce mardi
une visioconférence,
avant un Eurogroupe
en début de semaine
prochaine.


Bruno Le Maire
réclame un plan
de relance européen
« massif
et coordonné ».


La France presse pour un plan de relance européen


« L’ Europe est placée face à ses responsabilités. Elle doit apporter la preuve de son utilité
et de son efficacité », a plaidé Bruno Le Maire lors d’une conférence de presse.
Photo Hamilton/RÉA

« Agissons
ensemble
dès maintenant. »
EMMANUEL MACRON
Dans un tweet.

des hôpitaux et de leurs moyens.
Les plans blancs permettent
notamment de déprogrammer des
activités non indispensables,
d’ouvrir des lits supplémentaires
ou de rappeler temporairement du
personnel médical. Les établisse-
ments doivent notamment s’assu-
rer de la mise en place d’une cellule
de crise, de l’organisation du tri des
victimes, et d’un plan de confine-
ment et d’évacuation de l’établisse-
ment. Dans les Ehpad, les plans
bleus peuvent aussi permettre le
confinement des résidents ou
l’augmentation du personnel.

Coordination régionale
La mise en place de ces plans
blancs et bleus est chapeautée par
le dispositif Orsan REB (organisa-
tion de la réponse du système de
santé en situations sanitaires
exceptionnelles pour risque épidé-
mique et biologique connu ou
émergent). Créé en 2014, « il a voca-
tion à être mis en œuvre de manière
exceptionnelle » et « formalise une
meilleure coordination régionale des
dispositifs existants dans les trois
secteurs sanitaires » , à savoir ambu-
latoire, hospitalier et médico-so-
cial. En termes de moyens, il s’agit
« de réorganiser l’offre de soins »
selon les priorités et de « renforcer
les moyens l ocaux ». Si ceux-ci s’avè-
rent insuffisants « des moyens
nationaux peuvent être déployés » ,
notamment par le biais de la mobi-
lisation de réservistes sanitaires.n

Les plans blancs et bleus déclenchés


dans les services de santé


Ti fenn Clinkemaillie
@tifenn_clkm

« Nous venons de décider pour
l’ensemble du territoire de la mise
sous tension [...] des établissements
de santé et médico-sociaux. »
L’annonce a été faite vendredi par
le ministre de la Santé, Olivier
Véran. Hôpitaux, cliniques et
Ehpad doivent désormais déclen-
cher les « plan blanc » et « plan
bleu », destinés à répondre à la pro-
pagation du Covid-19, qui touche
plus de 1.100 personnes en France.
Un plan blanc avait déjà été
déclenché dans l’Oise à la fin
février pour les hôpitaux de Creil
et de Compiègne après la contami-
nation de deux patients.
Les plans blancs sont des dispo-
sitifs d’urgence sanitaire élaborés
par les hôpitaux et cliniques. Ils
peuvent être déclenchés lors
d’attentats, d’événements climati-
ques (canicules), d’épidémies sai-
sonnières ou de coronavirus... Ces
plans ont pour but « d’assurer la
prise en charge de patients lors
d’événements graves et/ou inhabi-
tuels tout en maintenant la conti-
nuité et la qualité des soins de

Ces dispositifs d’urgence
sanitaire, élaborés par
les hôpitaux, cliniques et
établissements médicaux
sociaux, ont pour but de
répondre à un événement
exceptionnel.

Minsky » – moment où les investis-
seurs surendettés, contraints de ven-
dre en masse leurs actifs, déclen-
chent une baisse autoentretenue et
un assèchement de la liquidité.
Le tout dans un contexte écono-
mique déjà fragile : les niveaux de
dette publique et privée de nom-
breux pays en développement sont
très élevés, rendant ces Etats sensi-
bles à tout choc extérieur – et ce
d’autant plus s’ils sont économique-
ment et financièrement liés à la
Chine. La dette des entreprises, sou-
vent de mauvaise qualité, « présente
le danger le plus immédiat » pour les
économies développées, rappelle la
Cnuced. Elle admet avoir, comme
tout le monde depuis des mois,
« scruté l’arrivée de possibles chocs,
étant donné les fragilités financières
laissées en l’état depuis la crise de
2008 et la faiblesse de la demande ».
Sans pouvoir imaginer d’où éclate-
rait la crise actuelle. Si celle-ci est de
courte durée, un mélange de mesu-
res monétaires classiques – limitées
à une baisse des taux d’intérêt, mais

pouvant inclure des mesures non
orthodoxes destinées à réduire les
taux à long terme – associées à
l’action des stabilisateurs budgétai-
res automatiques pourrait sauver la
mise, comme ce fut le cas lors de la
crise du SRAS en 2003.

Coopération internationale
Si la crise devait en revanche durer,
en raison de ruptures du côté de
l’offre (du fait de la paralysie de la
production notamment), les
espoirs d’une reprise reposeraient
sur des injections monétaires sou-
tenues et coordonnées des banques
centrales en direction des entrepri-
ses et de l’emploi, mais surtout sur
des politiques économiques très
actives. « Les banques centrales ne
sont pas en mesure de vaincre cette
crise à elles seules » , estime la
Cnuced : « des dépenses budgétaires
agressives » sont nécessaires en
matière d’investissement public,
notamment dans le domaine de
l’emploi, de la santé et du soutien au
secteur privé. Sans oublier l’exi-
gence d’une coopération interna-
tionale renouvelée : « Fondamenta-
lement, d es politiques et des réformes
institutionnelles sont aujourd’hui
nécessaires pour éviter qu’une pani-
que sanitaire locale sur un marché
du centre de la Chine tourne à la crise
économique globale » , souligne avec
ironie Richard Kozul-Wright,
directeur chargé de la division de la
mondialisation et des stratégies de
développement de la Cnuced.n

La Cnuced appelle à des politiques


budgétaires agressives


Daniel Bastien


Comment contrer les effets écono-
miques du coronavirus, qui pour-
rait r amener l a croissance mondiale
sous le seuil des 2,5 % cette année?
Et lui coûter, « si le pire est évité »,
quelque 2.000 milliards de dollars
de revenu global, s’interroge la Cnu-
ced (Conférence des Nations unies
pour le commerce et le développe-
ment) dans un rapport publié lundi.
Une question délicate, tant les trois
déterminants de la crise – la capacité
de nuisance du virus, l’horizon
d’apparition d’un vaccin et la capa-
cité des gouvernants à en limiter les
dégâts – baignent dans l’incertitude.
La perte de confiance d es
consommateurs et des investisseurs
est déjà patente, reconnaît l’organi-
sation internationale, qui de surcroît
met en garde : la combinaison de la
chute du prix des actifs, d’une baisse
de la demande globale, d’une
détresse face à l’endettement et d’une
détérioration de la distribution des
revenus p eut « déclencher une spirale
infernale »
conduisant à une insolva-
bilité générale et à un « moment


La crise sanitaire du
coronavirus pourrait
ramener la croissance
mondiale sous le seuil
de 2,5 % cette année, estime
la Cnuced, qui appelle à
des investissements publics
dans le domaine de l’emploi
et de la santé notamment.


patients non directement impliqués
dans l’événement ». « Ils peuvent
être déclenchés par le directeur ou le
responsable de l’établissement » ou
un représentant de l’Etat, explique
le ministère de la Santé.
Les plans bleus, équivalents des
plans blancs dans les établisse-
ments médico-sociaux, permet-
tent « la mise en œuvre rapide et
cohérente de moyens indispensa-
bles, pour faire face efficacement à la
gestion d’un événement exception-
nel » , détaille l’agence régionale de

santé Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Ils sont a ussi mis en place par le res-
ponsable de l’établissement en cas
de crise i nterne ou à la demande du
préfet, lors du déclenchement de
dispositifs d’alerte ou d’urgence.
« Chaque établissement de santé
doit décliner dans son plan de ges-
tion des tensions hospitalières [...] un
arsenal de mesures graduées activa-
bles en fonction de la nature, de
l’ampleur et de la cinétique de l’évé-
nement » , détaille le ministère. Ces
mesures varient donc en fonction

Un plan blanc a été
déclenché dans
l’Oise fin février pour
les hôpitaux de Creil
et Compiègne après
la contamination
de deux patients.

2.


MILLIARDS DE DOLLARS
DE REVENU GLOBAL
Ce que coûtera le coronavirus
à l’économie mondiale
« si le pire est évité »,
pronostique la Cnuced.
Free download pdf