Les Echos - 10.03.2020

(Rick Simeone) #1

04 // ÉVÉNEMENT Mardi 10 mars 2020 Les Echos


Retrouv ez Nicolas Barré dans


le journalde7hpour« L’ éditoéco »


dansle 6h-9h de MatthieuBelliard


aéroports de Wuhan et d u
Hubei se préparent également à
rouvrir, ont fait savoir les autori-
tés, sans toutefois fixer de date
officielle de reprise des vols.
Quant aux entreprises, elles
doivent pouvoir commencer à
rouvrir mercredi, sauf avis
contraire d’ici là.
Ailleurs dans le pays, les
autorités continuent à faire le
grand écart entre les mesures
de prévention de l’épidémie et
celles encourageant à la reprise
du travail. Les provinces du
Guizhou et du Qinghai ont
annoncé la réouverture pro-
gressive des écoles à partir de
cette semaine.
L’activité commerciale
reprend également à travers le
pays. Ainsi, 85 % des 4.300 Star-
bucks de Chine ont rouvert.
Ikea a de son côté fait savoir que
sur la trentaine de ses maga-
sins, plus de la moitié étaient
accessibles au public. Le parc
de loisirs Disneyland de Shan-
ghai a lui aussi rouvert au
public. Enfin, Cainiao, filiale
logistique du géant de l’e-com-
merce Alibaba, a repris l a livrai-
son de ses colis en Chine.
Mais, au même titre que les
usines et les bureaux, ces réou-
vertures commerciales sont
très encadrées et limitées.
Beaucoup de Starbucks ne font
que de la vente à emporter, le
complexe Disneyland a rouvert
« certains » restaurants, hôtels
et boutiques, mais laissé les
attractions fermées. A Pékin, il
est désormais interdit d’avoir
plus de 1 personne par table
dans les bars et restaurants...
De même, si les gens sortent
davantage et que le trafic rou-
tier reprend, le nombre de pas-
sagers dans le métro reste
encore très inférieur à la nor-
male (–85 % à Pékin ; –66 % à
Shanghai).

« Guerre populaire
contre le diable »
La Chine ne saura véritable-
ment si elle a gagné sa « guerre
populaire contre le diable »
qu’après le retour complet au
travail et la réouverture des éco-
les. Les autorités chinoises
redoutent une deuxième vague
de contamination une fois que
tous les travailleurs migrants
seront revenus à leur poste. A ce
stade, beaucoup restent bloqués
dans leur province natale et les
autorités tablent sur un retour à
la normale courant avril. A ce
jour, le taux de reprise de l’acti-
vité n’est selon un indicateur
Baidu que de 60 % dans les pro-
vinces industrielles du Guan-
gdong et du Zhejiang – bien en
deçà des données officielles.
Craignant également l’impor-
tation du virus de l’étranger, le
pays renforce les contrôles aux
aéroports pour identifier les per-
sonnes ayant voyagé dans des
zones touchées (comme la
Corée du Sud ou l’Iran), mettant
en place des quarantaines pour
ces profils à risque, et proposant
par ailleurs de fournir masques
et désinfectants aux pays dans
le besoin.n

En Chine, la contagion


semble marquer


nettement le pas


[par] des situations d’urgence liées à
des raisons de santé ».
Les forces de l’ordre ont com-
mencé dès ce lundi à effectuer des
contrôles sur les principaux axes
routiers et dans les gares. Les
contrevenants s’exposent à une
amende de 206 euros et jusqu’à
trois mois de prison. A Milan, dans
les aéroports de Linate et Malpensa,
Alitalia, qui gère la plupart des vols,
en a annulé une soixantaine par
jour, aussi bien nationaux qu’inter-
nationaux. Les autorités n’excluent
pas la fermeture jusqu’en avril de
l’un des aéroports milanais, sinon
de celui de Bergame. Seul le transit
pour rallier son domicile ou son
pays d’origine est consenti.

Improvisation
Venise a de son côté été proclamée
« zone de sécurité », ce qui signifie
que les passagers des navires de
croisière ne pourront pas y débar-
quer pour visiter la ville. Pas
d’entrave e n revanche pour l es mar-
chandises, ni pour les 68.000 tra-
vailleurs transfrontaliers. Les bars
et restaurants resteront fermés de
18 h à 6 h.

Confiner 15 millions de personnes,
soit un quart de la population du
pays : tel est le défi que tente de rele-
ver le gouvernement italien pour
endiguer la propagation du corona-
virus. Les autorités ne cessent d’en
appeler « au sens des responsabili-
tés » des Italiens, alors que le place-
ment en quarantaine d’une large
partie du Nord, imminent, a
entraîné à Milan une ruée sur les
trains en partance pour le Sud. Qua-
rantaine? Mobilité réduite, plutôt,
tant il est difficile d’arrêter totale-
ment le cœur économique de la
Péninsule. C e dernier s’apprête à bat-
tre au ralenti jusqu’au 3 avril au
moins, et ses habitants devront « évi-
ter absolument tout déplacement à
l’intérieur et à l’extérieur des territoi-
res concernés, sauf pour les déplace-
ments motivés par des besoins profes-
sionnels ne pouvant être reportés ou


L’ isolement d’un quart
de la population italienne
est difficile à mettre en
œuvre. La gestion chaotique
et ambiguë de la crise
est critiquée par plusieurs
présidents de région.


Propos recueillis par
Olivier Tosseri
@OlivierTosseri
—Correspondant à Rome


Comment réagissez-vous
à l’annonce de la mise en
quarantaine de la Lombardie?

Mal, parce que cette décision va
ajouter encore plus de confusion et
compliquer encore plus la situa-
tion. Les usines ne peuvent pas fer-
mer parce que cela signifierait que
notre société capitulerait devant le
coronavirus. Notre système manu-
facturier produit de la richesse, des
ressources économiques, du tra-
vail. Le problème est avant tout
sanitaire. Les cliniques privées se
sont unies aux hôpitaux publics
pour sauver des vies humaines au-
delà de toute probabilité. Il est inu-
tile de nier ou de minimiser les gra-
ves et difficiles questions sanitaires,
mais il faut s’asseoir à une table et en
discuter de manière unie aussi bien
entre les institutions politiques, les
partenaires sociaux et les acteurs
économiques. Ce n’est pas unique-
ment un défi lancé à la Lombardie,
mais au pays entier et à l’Europe.


n’ont plus confiance dans les entre-
prises de la Lombardie et dans
leur capacité à répondre à leurs
besoins. Ils nous demandent si
nous serons en mesure de les four-
nir e t d’honorer les commandes. La
conséquence de cette quarantaine
est qu’ils iront chercher ailleurs
d’autres fournisseurs.

Quels sont les secteurs
les plus touchés?
Ils le sont tous sans d istinction. Tout
le secteur manufacturier est frappé.
Toutes les filières aujourd’hui sont
globalisées et celui qui rompt un
des maillons de la chaîne s’exclut d u
système. C’est exactement pour
cette raison que je considère que
l’épidémie est un fait d’une gravité
exceptionnelle qui doit être géré au
niveau européen. Cela étant, il faut
réagir et nous n’avons pas le temps
d’attendre la réponse que nous
espérons. D’où l’obligation de défi-
nir les leviers sur lesquels agir pour
contenir le virus et juguler l’urgence
sanitaire e n augmentant la capacité
des services de réanimation dans
les hôpitaux lombards. Le gouver-
nement doit également, comme il a

Dimanche, à Milan, la galerie commerciale Vittorio Emanuele II était loin d’afficher son animation habituelle. Photo Antonio Calanni/AP/Sipa


« La situation est pire qu’en 2008 »


Quelle est la priorité?
Elle est simple : endiguer la diffu-
sion du virus. Mais cela ne se pro-
duira pas en fermant les usines ou
les centres commerciaux. Nous ne
sommes pas en Chine, où les dis-
tances se comptent en milliers de
kilomètres. Les usines sur notre
territoire emploient des personnes
qui font la navette tous les jours
d’un village ou d’une ville à l’autre,
distantes de quelques kilomètres à
peine. Tout fermer n’aura d’autre
effet q ue de p longer encore plus ces
zones économiques centrales pour
le pays dans la crise. Nous sommes
en dialogue constant avec la région
lombarde et nous répétons que
cette issue n’est pas possible. Ces
deux dernières semaines, nous
avons été submergés d’appels et
d’e-mails de clients étrangers. Ils

lLe président des chefs d’entreprise en Lombardie, Marco Bonometti,


regrette la décision du gouvernement italien de mise en quarantaine.


l« On ne va pas endiguer le coronavirus en fermant les usines », prévient-il,


assurant que la priorité est de donner plus de moyens au système de santé.


MARCO
BONOMETTI
Président
de Confindustria
Lombardia

commencé à le faire avec un plan
d’aide extraordinaire de 7,5 mil-
liards d’euros, soutenir les familles
et les entreprises. Mais il faut aller
plus loin. Ces dix dernières années,
nous avons déjà accumulé les
retards en termes de productivité
et de compétitivité. Notre situation
est pire que celle dans laquelle
nous étions en 2008. Cette crise
sera longue. Quand elle a com-
mencé, il fallait réagir rapidement
et de manière adéquate. Les répon-
ses ont été tardives et nous avons
été pris à contre-pied.n

« Tout fermer
n’aura d’autre effet
que de plonger
encore plus
ces zones
économiques
centrales pour
le pays dans
la crise. »

Frédéric Schaeffer
@fr_schaeffer
—Correspondant à Pékin

Xi Jinping se rendra-t-il bientôt à
Wuhan déclarer la fin de l’épidé-
mie en Chine? Alors que le nou-
veau coronavirus se répand à
travers le monde, l’épidémie
semble nettement faiblir en
Chine, où des mesures draco-
niennes de quarantaine et de
restrictions de circulation sont
effectives depuis fin janvier. Les
autorités chinoises ont recensé
dimanche un total de 40 nou-
veaux cas de contamination, le
chiffre quotidien le plus faible
depuis le début de la publication
des données le 21 janvier dernier.
Parmi ces nouveaux cas, 36 ont
été recensés à Wuhan, la capi-
tale du Hubei et épicentre de
l’épidémie. Les 4 autres (dans la
province du Gansu) concernent
des personnes venant d’Iran.

Parfum de victoire
Si le régime communiste reste
prudent et appelle la population
à ne pas baisser la garde pour
éviter une deuxième vague de
contamination, il règne comme
un parfum de victoire dans la
presse officielle chinoise. La pro-
pagande décrit Xi Jinping
comme un héros « au cœur pur
comme celui d’un nouveau-né »,
un leader décisif qui a sauvé son
pays d’une catastrophe sanitaire
et permis au reste du monde de
gagner du temps pour se prépa-
rer à affronter le Covid-19. Ven-
dredi dernier, le secrétaire du
Parti de Wuhan est même allé
jusqu’à évoquer l’idée d’une
campagne éducative auprès des
habitants de la ville pour qu’ils
expriment leur gratitude envers
Xi Jinping et le Parti, déclen-
chant des réactions violentes
sur les réseaux sociaux.
Dans cette ville, les 11 millions
d’habitants restent toujours
confinés chez eux, avec l’inter-
diction quasi totale de sortir des
résidences. Mais plusieurs
signes laissent espérer une fin
progressive des mesures de qua-
rantaine imposées le 23 janvier.
Signe du recul de la maladie,
11 des 16 hôpitaux de campagne
ont été fermés, a rapporté
l’agence officielle Xinhua. Les

Les autorités chinoises
ont recensé dimanche
un total de 40 nouveaux
cas de contamination,
soit le chiffre le plus
faible depuis janvier.
La Chine redémarre
peu à peu, même si les
autorités veulent éviter
une deuxième vague
de contamination avec
le retour au travail et des
cas venant de l’étranger.

11


MILLIONS
d’habitants restent confinés
à Wuhan, capitale du Hubei
et épicentre de l’épidémie.

Cette série de mesures n’est pas
sans susciter la polémique. Les pré-
sidents de région reprochent au
gouvernement d’avoir adopté ces
dernières de manière improvisée.
Le maire de Milan se plaint d’en
avoir pris connaissance par la
presse, le président de l’Emilie-Ro-
magne les juge « ambiguës, et
demande plus de clarté », tandis que
pour son homologue de la Vénétie,
« elles sont disproportionnées et
in opportunes. Nous ne pouvons pas
présenter l’Italie comme si c’était
Wuhan ».

Les gouverneurs des régions
demandent une table ronde avec le
gouvernement pour modifier et
mieux coordonner les mesures.
Dans le Sud, la crainte d’une arrivée
de la maladie prend de l’ampleur.
« On a l’impression que le gouverne-
ment n’a pas pris la pleine mesure du
phénomène qui pourrait se dévelop-
per dans les prochaines heures »,
affirme le président de la région sici-
lienne, alors que son homologue de
Calabre réaffirme que le « système
sanitaire n’est pas capable de tenir
face à une telle urgence. » — O. T.

La gestion de crise suscite la polémique en Italie


Mutineries dans les prisons


La suspension des visites familiales jusqu’au 22 mars,
soit le temps jugé nécessaire pour que l’administration
pénitentiaire puisse s’adapter aux nouvelles réglementa-
tions concernant les distances de précaution à respecter
pour enrayer la progression de l’épidémie, a provoqué
la colère des détenus à travers tout le pays. Des mutine-
ries ont éclaté à Modène, Frosinone, Naples, Alexandrie,
Pavie, Foggia, Vercelli, Palerme, Milan, Reggio Emilia,
Bari et Salerne. L’événement le plus violent s’est déroulé
à Modène, avec six victimes parmi les prisonniers
et un établissement complètement ravagé.
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