Joe Biden (à droite) comme
Bernie Sanders défendent
un salaire minimum
à 15 dollars de l’heure.
Photo Juim Watson/AFP
étrangère avec moins d’emphase, il
partage concrètement le même
programme que son rival démo-
crate : mettre fin aux « guerres sans
fin » au Moyen-Orient (notamment
le soutien à l’Arabie saoudite dans
sa guerre contre le Yémen), et
« reconstruire » la diplomatie amé-
ricaine. C ela s ignifie plus particuliè-
rement renouer, sous conditions,
avec l’accord iranien sur le
nucléaire. Et redonner ses pouvoirs
constitutionnels au Congrès quand
il s’agit de faire usage de la force.
- DÉFENDRE LES SALARIÉS
Joe Biden comme Bernie Sanders
défendent un salaire minimum
(fédéral) à 15 dollars de l’heure. Les
deux candidats veulent aussi réguler
l’économie des « petits boulots » (la
« gig ecconomy »), Joe Biden pro-
mettant de travailler avec le Congrès
pour déterminer ce qui relève du
salariat et du travail indépendant et
de poursuivre « agressivement » les
employeurs qui enfreindraient le
droit du travail. Pour faire pression,
ils limiteraient tous deux l’accès des
contrats fédéraux aux entreprises
socialement exemplaires (avec tou-
tefois des définitions qui varient).
Mais quand Joe Biden dit vouloir
faciliter la négociation collective et
les procédures pour les salariés sou-
haitant implanter un syndicat, Ber-
nie Sanders affiche des objectifs plus
précis : doubler le nombre de sala-
riés syndiqués en quatre ans. Ce der-
nier entend aussi que le licencie-
ment ne soit possible que pour « une
juste cause » , et souhaite garantir le
droit de grève aux fonctionnaires
fédéraux. Surtout, Bernie Sanders
propose que les entreprises cotées
ou de plus de 100 millions de chiffre
d’affaires ouvrent leur capital (par
émission d’actions nouvelles) à hau-
teur de 2 % par an aux salariés, jus-
qu’à atteindre 20 % du capital. Et que
les salariés élisent 45 % des adminis-
trateurs dans les conseils.
- ACCÉLÉRER LA
TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
Les deux candidats en sont tous les
deux conscients : la lutte contre le
grands meetings pourraient bien
être les prochains sur la liste.
Dimanche, le candidat à l’investiture
démocrate Bernie Sanders a indiqué
qu’il annulerait les grands meetings
de sa campagne si les autorités sani-
taires le lui demandaient.
« Nous n’allons mettre en danger
la santé de personne dans ce pays » ,
a assuré le sénateur du Vermont.
« Nous parlons aux responsables de la
santé publique dans tout le pays et,
évidemment, ce qui est le plus impor-
tant pour nous, c’est de protéger la
santé du peuple américain. »
En campagne dans le Missis-
sippi, Joe Biden a tenu peu ou prou
le même discours. « Nous sommes
à l’écoute des experts et du CDC, et
nous prenons conseil auprès d’eux.
Quels que soient les conseils qu’ils
me donneront, nous les suivrons » ,
a indiqué l’ancien vice-président
de Barack Obama, sorti gagnant
des scrutins du Super Tuesday la
semaine dernière.
Bond du nombre de cas
Mais, alors que le nombre de conta-
minations a bondi de plus de
100 personnes sur la seule journée
de dimanche, avec 547 cas recensés
dimanche soir par l’université John
Hopkins, les candidats continuent
en attendant un éventuel contre-
ordre à attirer les masses. Samedi, le
sénateur démocrate a réuni « une
foule d’au moins 10.000 personnes »
dans un parc de Chicago, selon le
« Chicago Tribune ». Et Joe Biden a
réuni plusieurs milliers de person-
nes dans le Missouri.
Sans craindre d’envoyer des mes-
sages contradictoires avec les mises
en garde des autorités sanitaires,
« nous organiserons d’énormes ras-
semblements » , a, de son côté, pro-
mis ces derniers jours le président
américain. La presse américaine a
toutefois noté qu’aucun nouveau
meeting n’avait été inscrit à l’agenda.
Côté démocrate, le syndicat AFL-
CIO a annoncé avoir annulé un évé-
nement en Floride où devaient inter-
venir Joe Biden et Bernie Sanders.
Un sénateur du Texas
en quarantaine
Six Etats voteront pour la primaire
démocrate ce mardi, notamment
celui de Washington, où ont été
enregistrés la grande majorité des
décès survenus aux Etats-Unis
- 21 recensés par la base de données
de l’université John Hopkins diman-
che soir. Et les scrutins vont encore
s’égrener dans les p rochaines s emai-
nes, avec notamment les primaires
de Floride et de l’Illinois le 17 mars.
Les équipes des candidats organi-
sent à chaque fois des centaines
d’événements locaux, qui vont des
opérations de porte-à-porte aux
grands meetings.
Le sénateur du Texas, Ted Cruz, a,
de son côté, annoncé dimanche soir
qu’il se plaçait en quarantaine pour
avoir serré la main à une personne
porteuse du virus lors du grand ren-
dez-vous annuel des conservateurs.
Une manifestation à laquelle ont
aussi participé Donald Trump et le
vice-président, Mike Pence, mais,
semble-t-il, à davantage de distance.
— V. L. B.
Les candidats essaient de tenir le coronavirus à distance
Le coronavirus se rapproche de la
campagne électorale américaine.
Alors que les annulations de confé-
rences et de manifestations culturel-
les se multiplient aux Etats-Unis, les
Alors qu’ils organisent
des meetings avec plusieurs
milliers de personnes,
Joe Biden et Bernie
Sanders, les deux candidats
à l’investiture démocrate,
assurent qu’ils se conforme-
ront aux préconisations des
autorités sanitaires. Donald
Trump entend continuer
à réunir ses partisans.
Véronique Le Billon
@VLeBillon
et Nicolas Rauline
@nrauline
—Bureau de New York
- MIEUX SOIGNER
LES AMÉRICAINS
C’est l’une des grandes différences
entre les deux candidats et l’un des
principaux thèmes de la campagne.
Joe Biden souhaite capitaliser sur
l’un des principaux acquis de l’ère
Obama : l’A ffordable Care Act, qui a
donné une assurance-santé à
20 millions d’Américains, mais n’a
pas empêché l’explosion des frais de
santé. L’ancien vice-président de
Barack Obama veut prolonger et
étendre ces mesures, en octroyant
une couverture publique à tous
ceux qui ne disposent pas d’une
assurance privée. Son financement
serait assuré par la suppression de
certaines niches fiscales. Bernie
Sanders veut aller beaucoup plus
loin et supprimer les assurances p ri-
vées pour instaurer un système
public unique, qui couvrirait aussi
les 30 millions d’Américains non
pris en charge actuellement. Le can-
didat s ocialiste veut e n outre plafon-
ner les dépenses de santé, pour cha-
que Américain, à 200 dollars par an.
Des hausses d’impôts serviraient à
financer cette gigantesque transfor-
mation, qui coûterait au pays
17.500 milliards de dollars sur la
prochaine décennie et dont la mise
en place serait progressive.
- TAXER PLUS OU MOINS
LES RICHES
Les deux candidats proposent
des hausses d’impôts pour financer
leurs mesures sociales et environne-
mentales. Mais Joe Biden frapperait
surtout les p lus riches, quand l a base
serait plus large pour Bernie San-
ders. Les hausses d’impôts de Joe
Biden rapporteraient 4.000 mil-
liards de dollars en dix ans, selon les
calculs du Tax Policy Center. Il pla-
fonnerait notamment les déduc-
tions accordées par Donald Trump
aux foyers touchant p lus de
400.000 dollars par an. Il relèverait
le taux d’imposition des sociétés de
21 à 28 % et imposerait le capital au
même taux que les revenus pour les
personnes gagnant plus de 1 million
de dollars par an. L’une des mesures
phares du programme de Bernie
Sanders est la création d’un impôt
sur la fortune, allant de 1 %, pour les
couples mariés disposant d’une for-
tune supérieure à 32 millions de dol-
lars (16 millions de dollars pour les
célibataires), à 8 %, pour les fortunes
dépassant les 10 milliards de dollars.
Cette mesure permettrait de récolter
4.350 milliards de dollars en dix ans.
- RÉDUIRE LE COÛT
DES ÉTUDES
En matière d’éducation, les deux
candidats font le même constat – un
système inégalitaire, coûteux au
niveau universitaire et un rang qui a
baissé dans les classements interna-
tionaux –, partagent les mêmes
objectifs, mais ne font pas l es mêmes
promesses. Ils proposent tous les
deux de tripler les fonds alloués aux
écoles avec une forte proportion
d’élèves modestes et d’ouvrir davan-
tage l’enseignement aux minorités
(seuls 7 % des enseignants sont
noirs). Mais là où Joe Biden veut lais-
ser les écoles libres de fixer les haus-
ses de salaire des enseignants, Ber-
nie Sanders propose qu’ils ne
débutent pas à moins de 60.000 dol-
lars annuels (53.000 euros). Joe
Biden veut développer le système
des « community colleges » (des étu-
des post-bac en deux ans) sans frais
pour les étudiants, accorder davan-
tage de bourses, et réduire les rem-
boursements de prêt étudiant des
salariés modestes et des fonction-
naires, tandis que Bernie Sanders
propose d’effacer la dette étudiante
de 45 millions d ’Américains
(1.600 milliards de dollars) et de pla-
fonner le taux des emprunts à 1,88 %,
tout en renforçant le système de
bourses. Bernie Sanders propose
aussi une prise en charge gratuite
des enfants en bas âge.
- RELANCER
LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE
S’il est élu, Joe Biden organisera un
« sommet de la démocratie » pour les
pays du « monde libre ». L’ancien
vice-président de Barack Obama l’a
répété dans les débats ces derniers
mois : il veut redonner aux Etats-
Unis sa place dans le monde, que le
pays retrouve son « leadership ». Si
Bernie Sanders évoque la politique
changement climatique est une
priorité. Bernie Sanders veut une
énergie « 100 % renouvelable » pour
l’électricité et le transport dès 2030,
et une décarbonation complète de
l’économie au plus tard en 205 0.
Joe Biden défend aussi un pays à
« zéro émissions nettes » de carbone
en 2050.
Pour ce faire, les deux candidats
défendent peu ou prou les mêmes
leviers : favoriser fiscalement la voi-
ture électrique (avec 500.000 bornes
de recharge publiques d’ici 203 0
pour Joe Biden), investir dans les
énergies propres et l’innovation,
développer le train, électrifier le fret
ferroviaire et l’énergie dans les bâti-
ments, inciter fiscalement les tra-
vaux d’efficacité énergétique ou
encore développer les transports en
commun et, notamment, la micro-
mobilité dans les villes.
- RÉGLEMENTER
LES ENTREPRISES
Là encore, les avis divergent sur la
manière de réguler Wall Street et
les grandes e ntreprises. Bernie San-
ders veut un grand plan qui s’atta-
querait, entre autres, à l’évasion fis-
cale et à la concentration dans
certains secteurs, et protégerait
davantage les consommateurs. Il
propose une taxe sur les transac-
tions financières, le plafonnement
des taux d’intérêt des cartes bancai-
res et des commissions prélevées
sur les retraits aux distributeurs, ou
encore le soutien aux petites entre-
prises. Joe Biden cible aussi l’éva-
sion et l’optimisation fiscale. Il
souhaite instaurer un taux d’impo-
sition minimum de 15 % et imposer
des sanctions aux pays pratiquant
le « dumping fiscal », comme les
îles C aïman, les Bermudes, l’Irlande
ou les Pays-Bas. Pour le reste, toute-
fois, ce serait le statu quo. Durant la
campagne, Elizabeth Warren et
Bernie Sanders ont d’ailleurs plu-
sieurs fois attaqué leur rival sur sa
proximité avec les grandes entre-
prises, dont il a reçu des finan-
cements.n
lLes primaires démocrates en vue de l’élection présidentielle de novembre se poursuivent mardi dans les Etats
du Michigan, de Washington, du Missouri, du Mississippi, de l’Idaho et du Dakota du Nord, avec 352 délégués à la clé.
lSanté, éducation, fiscalité... les divergences sont profondes entre les deux candidats à l’investiture démocrate.
Elections américaines : le match
des programmes entre Sanders et Biden
ÉTAT-UNIS
Les deux candidats
proposent
des hausses d’impôts
pour financer leurs
mesures sociales et
environnementales.
Mais Joe Biden
frapperait surtout les
plus riches, quand la
base serait plus large
pour Bernie Sanders.
Quand Joe Biden
dit vouloir faciliter la
négociation collective
et les procédures
pour implanter
un syndicat,
Bernie Sanders
entend doubler
le nombre de salariés
syndiqués
en quatre ans.
MONDE
Les Echos Mardi 10 mars 2020