Libération - 05.03.2020

(Michael S) #1
14 u Libération Jeudi 5 Mars 2020
MUNICIPALES

Sonia Krimi, députée LREM de la Manche, présente son programme pour les municipales, à Cherbourg lundi.

En marge de la
majorité, la députée
LREM vante
les vertus du local
et explique qu’elle
quitterait sans
regret l’Assemblée
si elle était élue
maire le 22 mars.

S


ur son affiche de cam-
pagne tout juste collée,
le long de l’hôtel de
ville de Cherbourg-en-Coten-
tin, deux références ont déjà
été griffonnées : «Macron» et
«49.3». Cela agace Sonia
Krimi, députée LREM du
coin, partie à l’assaut de la
mairie manchoise : «Heu -
reusement que le 49.3 n’a

che» mais promeut le dépas-
sement du «vieux clivage
droite-gauche». «Pour tirer les
villes, on a besoin d’hyper-
personnalisation. Malheureu-
sement», pose l’ex-consul-
tante. «Avec moi, Cherbourg
va sortir de la discrétion.»
La partie ne s’annonce pas
facile. La ville, dont l’ancien
édile se nomme Bernard
Cazeneuve, est un bastion
socialiste depuis plus de qua-
rante ans. Le maire sortant,
Benoît Arrivé, 45 ans, n’a
même pas fait disparaître
de ses tracts le logo du PS. Dé-
roulant les chiffres sur le taux
d’emploi et la popu lation, il
défend son bilan : «Le terri-
toire, en difficulté en 2014,
va mieux. On a retrouvé
du dynamisme. La ville
bouillonne.» La dernière
phrase relève de l’exagéra-
tion. Soutenu par Cazeneuve,
Arrivé est le premier maire de
Cherbourg-en-Cotentin, mé-

Par JÉRÔME
LEFILLIÂTRE
Envoyé spécial à Cherbourg
Photo ADELINE KEIL

l’emportait le 22 mars, le non-
cumul des mandats condui-
rait la députée à quitter le Pa-
lais-Bourbon sans regrets. Sa
désillusion en dit long sur
l’état d’une partie des troupes
de la majorité. Pour conquérir
la ville, la députée fait cam -
pagne sur quelques grands
thèmes : gratuité des trans-
ports en commun, construc-
tion d’une grande salle de
sport et de spectacle, semaine
d’école à quatre jours... Elle
a aussi des propositions
aventureuses, voire lunaires,
comme une réplique du
Guggenheim de Bilbao
ou un «Festival des
rôtisseurs». En
ville, cela en fait
ricaner quel-
ques-uns.
Une discussion
ave c S o n i a
Krimi part vite
dans tous les sens.
Elle se dit «de gau-

A Cherbourg, la campagne


dans tous les sens de Sonia Krimi


Sonia Krimi, élue en 2017
dans la ferveur de la vague
En marche, raconte avoir
décidé de se lan-
cer dans la course
municipale le jour
où elle a enfilé un
gilet jaune devant une ca-
méra. C’était fin novem-
bre 2018, lors d’une rencontre
avec des manifestants : «Je
me suis rendu compte que
les gilets jaunes ne venaient
pas me voir à ma perma-
nence. On vote beaucoup de
choses là-haut, à l’Assemblée,
mais ce n’est pas perçu en bas.
Il faut que je
change d’éche-
lon. La mairie,
c’est la petite
R é p u b l i q u e
dans la grande
Répub lique. Le
vrai pouvoir
e s t c h e z l e s
35 000 maires.»
Et si d’aventure elle

pas été déclenché la veille du
premier tour...» Ce téles -
copage de la politique natio-
nale l’agace d’au-
tant plus qu’elle
a signé une tri-
bune, avec d’au-
tres parlementaires, pour
s’opposer à l’emploi du 49.3,
tout en soutenant la réforme
des retraites. Tel est le posi-
tionnement politique, pas
toujours facile à suivre, de
l’élue.

Désillusion. Avant le 49.3,
Sonia Krimi, 37 ans, s’est éle-
vée contre la loi anticasseurs,
la loi asile et immigration.
Dans l’autobiographie qu’elle
vient de publier, elle qualifie
le macronisme de «Républi-
que de premiers de la classe»,
incapables de tendre la main
aux cancres. Pas étonnant
qu’elle ne touche pas un cen-
time de son parti pour mener
campagne.

LA FEMME
DU JOUR

20 km

MANCHE

Saint-Lô
CALVADOS

ORNE
ILLEETVILAINE

Manche

Manche

Jersey(R.-U.)

Cherbourg-
en-Cotentin

tropole de 80 000 habitants
issue de la fusion en 2016 de
Cherbourg-Octeville et de
quatre villes voisines. La nou-
velle carte lui semble favora-
ble. Pour lui, l’enjeu est de
tout repenser à l’échelle de ce
territoire augmenté, notam-
ment les mobilités : «Le trans-
port gratuit, ça ne tient pas la
route. Il faut d’abord créer un
vrai réseau, qui répond à la
demande.»

Pacte. A propos de Sonia
Krimi, Benoît Arrivé ne re-
tient pas les coups : «C’est
confus. Elle n’a pas d’architec-
ture politique et il y a chez elle
un vrai manque de travail. Il
y a deux ans, elle disait qu’elle
ferait tout pour la République
mais elle ne veut plus aller au
bout de son mandat...» Le
maire redoute davantage la
concurrence sur sa gauche
d’une liste «citoyenne» où
l’on trouve Génération·s, Eu-
rope Ecologie et La France in-
soumise. «La municipalité ne
répond pas aux trois urgen-
ces : écologique, sociale, démo-
cratique. Elle manque d’am-
bition environnementale, ne
crée pas de nouvelles formes
de solidarité sociale, fonc-
tionne verticalement», juge la
tête de cette liste, Barzin Viel-
Bonyadi, 28 ans.
Le maire partage son inimitié
envers Sonia Krimi avec son
opposant du parti Les Répu-
blicains, David Margueritte.
Le bureau de ce dernier est
décoré d’une photo de
De Gaulle et d’une une de la
Manche libre représentant
Hervé Morin, le président
centriste de la région Nor-
mandie, en winner. «Sonia
Krimi, c’est le culte du moi et
le niveau zéro de la poli tique.
Elle n’a plus aucune personne
de 2017 dans son entourage.
Derrière le sourire, il y a du
cynisme et de la brutalité»,
cogne le vice-président LR du
conseil régional, 39 ans. Une
rumeur en ville, relayée par la
marcheuse, dit que ses deux
adversaires ont scellé un
pacte, façon «Tout sauf
Krimi» : à Arrivé la mairie, à
Margueritte la communauté
d’agglomération du Cotentin
(129 communes, 185 000 ha-
bitants). Faux, se défendent
les deux hommes, qui admet-
tent toutefois travailler en-
semble et ne se récrient pas à
l’idée d’un tel partage du
pouvoir. Sonia Krimi le sait :
«Gagner est possible, mais ça
va être dur.» •

42%


C’est le niveau du Premier ministre Edouard Philippe
dans les intentions de votes au premier tour au Havre,
selon le sondage Ifop-CNews, à deux semaines du scrutin.
Il devancerait le candidat PCF (soutenu par La France in-
soumise) Jean-Paul Lecoq à 25 %, l’écologiste Alexis Deck
(soutenu par le Parti socialiste) à 16 % et le représentant
du Rassemblement national Frédéric Groussard à 10 %.
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