Libération - 05.03.2020

(Michael S) #1

6 u http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe Libération Jeudi 5 Mars 2020


L


a campagne pour la nomination du
Parti démocrate a soudain pris des airs
de prophétie autoréalisatrice mardi.
Alors que sa campagne était jugée moribonde
la semaine dernière, l’ancien vice-président
Joe Biden remporte dix des quatorze Etats du
Super Tuesday, journée pivot dans le mara-
thon des primaires, puisqu’un tiers des délé-
gués nationaux étaient en jeu. Entre les deux,
l’écrasante victoire de l’ancien bras droit de
Barack Obama samedi en Caroline du Sud,
portée par le soutien massif des électeurs
afro-américains.
Cette première primaire jamais gagnée par
l’ancien vice-président, dont c’est la troisième
tentative pour la Maison Blanche, a totale-
ment rebattu les cartes. Dans la foulée, les
soutiens de nombreuses figures du parti ont
afflué ; des candidats ont quitté la course et
lui ont apporté leur soutien lundi dans un

meeting au Texas, démonstration de force à
la veille de l’ouverture des bureaux de vote.
La course à l’investiture du Parti démocrate,
pour faire face à Donald Trump en novembre,
se joue désormais entre deux hommes blancs
et quasi-octogénaires, Joe Biden et le séna-
teur indépendant du Vermont, le socialiste
Bernie Sanders.
Sa victoire samedi et la mise en place de cette
coalition centriste et anti-Sanders ont entraîné
une couverture médiatique très positive pour
Biden dans les jours qui ont précédé le Super
Tuesday. L’ex-vice-président est passé de ma-
nière fulgurante, comme l’indiquait l’une des
stars de CNN, Van Jones, mardi soir, «de vaste
blague à poids lourd». Avec des résultats dans
les urnes mardi, notamment au Texas (lire ci-
contre), ou dans le Minnesota, fief de son ex-ri-
vale Klobuchar qui lui a apporté son soutien,
dans lequel il n’a même pas fait campagne.
Avec des levées de fonds faiblardes, Biden
n’avait pas les moyens de labourer le pays : il
n’avait que neuf bureaux de campagne pour
couvrir les quatorze Etats qui votaient mardi.

Ce rebond spectaculaire contribuera à n’en pas
douter au storytelling Biden, phœnix à de
nombreux moments de sa vie politique et
personnelle. Un mois seulement après son
élection au Sénat des Etats-Unis, à tout
juste 30 ans, il avait perdu en 1972 sa femme
Neilia et leur fille Naomi dans un accident de
voiture. Il a déjà tenté deux fois la course à la
nomination du parti. Mais après s’être lancé
en juin 1987, il est pris dans une controverse
de plagiat d’un discours, et doit se retirer.
Nouvelle tentative en 2008, de courte durée
là aussi – il avait dit de Barack Obama, alors
adversaire pour la nomination, qu’il était «in-
telligent, propre, qui présente bien», phrase
aux relents racistes qui fit scandale. Obama
ne lui en tiendra pas rigueur et en fera son
vice-président pendant huit ans, le relançant
sur la scène nationale et entretenant savam-
ment leur «bromance», aujourd’hui atout de
Biden auprès des démocrates nostalgiques de
l’ancien président.
Sa notoriété et l’affection du public américain
l’avaient placé en tête des sondages nationaux
dès le début de la campagne. Mais sa candida-
ture peine à convaincre électeurs et dona-
teurs. Les trois premiers scrutins des pri -
maires, où il réalise des scores décevants
sinon catastrophiques, confirment l’absence
de dynamique en sa faveur. Jusqu’au vote de
Caroline du Sud et le désormais «Joemen-
tum» , l’élan de Biden célébré aujourd’hui
par ses partisans.

MULTIPLES GAFFES
Selon les sondages de sortie d’urnes, les Afro-
Américains, électorat-clé du Parti démocrate
qui a enclenché cette résurrection, ont permis
à Biden de remporter mardi toute une bro-
chette d’Etats du Sud. Biden, qui n’a eu de
cesse de mettre en avant son «expérience» ,
son «électabilité» pour battre Donald Trump
en novembre avec sa position centriste, a
convaincu les démocrates pour qui faire
barrage au président républicain est la prio-
rité. Les résultats du Super Tuesday montrent
un net fossé générationnel, Biden remportant
partout le vote des électeurs les plus âgés ;
Sanders, des plus jeunes.

Même l’establishment démocrate reconnaît
que Joe Biden n’est pas, loin s’en faut, le can-
didat idéal pour novembre. Ainsi John Law-
rence, ex-chef de cabinet de Nancy Pelosi, la
présidente démocrate de la Chambre des re-
présentants : «Il y a de nombreux nids-de-poule
entre le Super Tuesday et Joe Biden prêtant
serment devant le Capitole une matinée froide
de janvier, écrit ce professeur à l’Université de
Californie. Et il y a plus qu’une forte probabi-
lité que Biden se jette dans au moins l’un d’en-
tre eux d’ici là.» Les angles d’attaque contre le
bilan politique de Biden ne manquent pas,
de son opposition à la déségrégation des bus
scolaires dans les années 70 à son vote en

Par
ISABELLE HANNE
Correspondante à New York

MONDE


Joe Biden,


une résurrection


par effraction


Après un début de campagne moribond, l’ancien vice -président


d’Obama est revenu en force dans la course à l’investiture démocrate,


en volant la vedette à Bernie Sanders lors du Super Tuesday.


Le candidat arrivé en tête des primaires démocrates par Etat
Bernie Sanders Joe Biden Autres À venir Caucus

3 979
délégués

3 mars
3 février Super Tuesday 10 mars 17 mars 28 avril 6 juin
1 357 352 577 663

Alaska Hawaï

Américains
De L’étranger

Iles Mariannes
du Nord

Porto
Rico Guam Iles vierges

Samoa
Américaines

Arizona NouveauMexique

Oklahoma
Arkansas

Indiana

Kentucky

Tennessee

Texas

Missouri
Californie

Nevada

Floride

Michigan

Géorgie
Louisiane Alabama
Mississippi

Colorado

Wyoming

Montana

Oregon Idaho

Dakota
du Nord Minnesota
Dakota
du Sud

Nebraska
Kansas

Iowa

Utah Illinois

Wisconsin
Ohio

New York

Vermont
New
Hampshire

Virginie
Caroline
Du Nord
Caroline
du sud

Massachusetts

Rhode
Island

Pennsylvanie Connecticut
New Jersey
D.C. Delaware

Maryland

Virginie
Occidentale

Washington Maine

6

105

415

Nombre
de délégués
par Etat
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