Libération - 05.03.2020

(Michael S) #1

Libération Jeudi 5 Mars 2020 u 7


n’a pas encore été attribué. Mercredi, les projec-
tions indiquaient que Biden et Sanders de-
vraient en engranger un nombre comparable
à l’issue du Super Tuesday. Dans les pro-
chains scrutins, Biden profitera d’une nou-
velle défection, celle du multimilliardaire et
ancien maire de New York Michael Bloom-
berg, qui a jeté l’éponge mercredi et lui a ap-
porté son soutien. La majorité absolue
(1 991 délégués), nécessaire pour emporter la
nomination du parti au premier tour de la
convention, en juillet à Milwaukee (Wiscon-
sin), est encore lointaine pour les deux candi-
dats. Promettant de faire durer le suspense
pour départager ce duel incertain.•

Joe Biden
avec sa
femme Jill
et sa sœur
Valerie,
mardi soir à
Los Angeles.
PHOTO MARCIO
J. SANCHEZ. AP

D


e tous les Etats rem -
portés mardi par Joe
Biden, le Texas, deu-
xième grand prix du jour der-
rière la Californie, est sans au-
cun doute celui qui apporte le
plus de satisfaction, et d’ensei-
gnements, à l’ancien vice-pré-
sident. Fort de sa victoire du
week-end en Caroline du Sud,
c’est ici, à Dallas, que Joe Bi-
den avait choisi de faire cam-
pagne pour son ultime soirée
avant le Super Tuesday. Ici,
aussi, que ses anciens rivaux
Pete Buttigieg, Amy Klobuchar
et l’enfant du pays Beto
O’Rourke ont rappliqué
comme un seul homme pour
prêter allégeance à l’ancien
bras droit du président Barack
Obama.
Sur la scène du Gilley’s, salle
de concert du centre-ville, ce-
lui que Donald Trump sur-
nomme «Sleepy Joe» n’avait ja-
mais semblé aussi éveillé. Et de
l’avis des journalistes qui sui-
vent sa campagne au quotidien
depuis des mois, il n’avait ja-
mais, non plus, rassemblé au-
tant de monde. Dans une salle
bondée et une ambiance élec-
trique, «la coalition des modé-
rés» autour de Biden a été soi-
gneusement mise en scène.
Outre Klobuchar et O’Rourke,
une kyrielle d’élus locaux, jeu-
nes et vieux, blancs, noirs et la-
tinos, ont défilé pour vanter les
mérites de l’ancien sénateur et
sa capacité à «battre Donald
Trump». Biden avait de quoi se
réjouir, et des raisons d’être op-
timiste. Mais signe qu’il ne
croyait pas, lui-même, à une
victoire dans le Lone Star State,
il s’était bien gardé de tout
triomphalisme : «Demain, le
Texas va parler. Et je pense
qu’avec votre aide, nous aurons
de bons résultats.»

Ralliement. Mardi, les
Texans ont voté, après parfois
plus de cinq heures d’attente,
et ils ont offert une victoire
surprise à Joe Biden, qui a clai-
rement profité du ralliement
de ses anciens adversaires et
de leurs électeurs. Sur 97 % des
votes comptabilisés mercredi
midi, il obtenait 33,7 % des

suffrages, près de quatre
points de plus que Sanders
(29,9 %). Cet écart d’environ
80 000 voix, Joe Biden l’a
creusé principalement dans
les trois comtés les plus peu-
plés du Texas, où se trouvent
les villes de Houston, Dallas et
Fort Worth, et où il l’a nette-
ment emporté avec huit à dix
points d’avance. Grâce notam-
ment au soutien massif de
l’électorat noir (60 % contre
17 % pour Bernie Sanders) et au
ralliement des indécis. Selon
les sondages de sortie des ur-
nes, 49 % des électeurs ayant
fait leur choix ce s der-
niers jours ont voté Biden,
contre 20 % Sanders.

Laboratoire. Terre conserva-
trice qui n’a pas voté pour un
démocrate à la présidentielle
depuis 1976, mais que ces der-
niers espèrent obstinément
faire virer au pourpre, voire au
bleu, le Texas est regardé
comme un laboratoire de l’évo-
lution démographique et idéo-
logique du parti de JFK, Clin-
ton et Obama. La «révolution
politique» prônée par Bernie
Sanders passe notamment par
le Texas et par un réveil civique
des franges les plus démobili-
sées, à commencer par les jeu-
nes et les Latinos. L’argument
phare du sénateur socialiste
est que le «mouvement», indé-
niable, qu’il a bâti, débouchera
en novembre, s’il porte l’éten-
dard démocrate, sur une mobi-
lisation record pour battre
Donald Trump.
Mais les résultats du Super
Tuesday montrent que pour
l’heure, cette mobilisation
n’est pas au rendez-vous. En
particulier au Texas. La part
des électeurs de moins
de 29 ans y est passée de 21 %
en 2016 à 16 % mardi, or c’est la
catégorie où Sanders réalise
son meilleur score (65 %). In-
versement, les plus de 65 ans,
qui soutiennent largement
Biden (46 % contre 16 % pour
Sanders), se sont davantage
mobilisés (24 % des votants
contre 17 % il y a quatre ans).
De quoi expliquer en grande
partie la victoire de l’ancien vi-
ce-président. Et tourmenter
l’entourage de Bernie Sanders,
qui a plus que jamais besoin
d’inverser la tendance s’il veut
conserver une chance de rem-
porter, à la convention de Mil-
waukee (Wisconsin) en juillet,
l’investiture du parti.
FRÉDÉRIC AUTRAN
Envoyé spécial à Dallas

Au Texas,


la victoire


surprise


Le Lone Star State,
que les démocrates
espèrent gagner en
novembre, semblait
promis à Sanders,
mais la mobilisation
des jeunes et des
Latinos n’a pas eu lieu.

faveur de la guerre en Irak en 2002. S’il va jus-
qu’à la nomination du parti, la campagne de
Trump n’hésitera pas à faire ressortir le dos-
sier Burisma, à l’origine de l’affaire ukrai-
nienne, ou ses multiples gaffes. Accusé d’être
trop tactile, Biden fait souvent figure du vieil
oncle étourdi, qui mélange les noms des Etats
ou villes, confond les gens (sa femme et sa
sœur, lors de son discours de victoire mardi),
est confus dans les débats ou répond par l’in-
sulte à des opposants dans ses meetings.


SOUTIEN DE BLOOMBERG
Plus de trente Etats doivent encore voter d’ici
au mois de juin, et 60 % du total des délégués

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