Le Monde - 04.03.2020

(Brent) #1
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MERCREDI 4 MARS 2020 économie & entreprise| 17

Médias : Google prêt à payer des contenus


Ce changement d’attitude intervient alors que les éditeurs réclament des accords collectifs


C

es dernières semaines,
Google a proposé à des
journaux français de les
rémunérer pour faire
apparaître leurs articles dans un
espace destiné à des contenus de
médias d’information. Le leader
mondial de la recherche en ligne a
testé l’idée auprès du Figaro, du
groupe Les Echos­Le Parisien, du
Monde et aussi de titres de presse
régionale comme Ouest­France, a
appris Le Monde.
Google a évoqué des montants
par titre allant de 100 000 à 1 mil­
lion de dollars (de 90 000 à
899 000 euros) par an, selon des
sources proches des discussions.
Mais les échanges restent explora­
toires et ne sont pas conclusifs à ce
stade. Les contenus pourraient
être placés dans un nouvel onglet
du moteur de recherche Google.fr
ou dans un espace spécifique au
sein de la partie Google Actualités,
voire dans un service à part, même
si Google reste encore flou.
L’initiative rappelle l’onglet
News lancé en octobre 2019 par
Facebook aux Etats­Unis. Des con­
tenus de médias comme le New
York Times, le Wall Street Journal
ou BuzzFeed y apparaissent et cer­
tains titres sont rémunérés. Face­
book est d’ailleurs lui aussi en dis­
cussion avec des éditeurs français.
L’initiative de Google marque
un changement d’attitude. Jus­
qu’ici, le groupe n’avait jamais ac­
cepté de payer pour des contenus.
Et toujours rappelé qu’il générait
déjà des clics d’internautes vers
des articles, que les éditeurs pou­
vaient tenter de convertir en reve­
nus. Sommé par les médias de
partager ses immenses revenus

publicitaires, Google avait préféré,
en 2013, lancer en France un fonds
de soutien à des projets innovants
de médias, élargi à l’échelle euro­
péenne fin 2015.
Mais le schéma évoqué par Goo­
gle est aussi une tentative de
nouer des accords commerciaux
avec certains éditeurs. Et donc de
ne pas appliquer à la lettre la direc­
tive européenne sur le droit
d’auteur d’avril 2019 : celle­ci a
donné aux médias la possibilité de
négocier avec les plates­formes
l’utilisation d’extraits de leurs con­
tenus. Or, après la transposition
du texte par la France, le groupe a
annoncé ne pas vouloir payer. Et a
proposé aux journaux protestatai­
res de cesser de référencer des ex­
traits et des photos de leurs arti­
cles, pour ne montrer que des
liens. Depuis, une épreuve de force
est engagée. L’offre de Google res­
semble à une tentative de diviser
le front des éditeurs.

« Un premier pas »
Contacté, Google dit explorer des
pistes alternatives à la rémunéra­
tion d’extraits de contenus, qui
transformeraient le modèle de
son moteur de recherche et crée­
raient, selon lui, un précédent
mondial. « Nous avons entendu les
suggestions d’amélioration de no­
tre soutien au secteur des médias et
nous cherchons de nouvelles fa­
çons de travailler avec les éditeurs
et d’investir dans l’avenir de la
presse », déclare l’entreprise. Le
groupe échange aussi avec des ti­
tres américains, selon le Financial
Times et le Wall Street Journal, qui
ont déjà évoqué sa proposition de
rémunérer des médias.

Interrogé sur cette proposition
de Google, Marc Feuillée, directeur
général du groupe Figaro, la juge
« ambiguë ». « C’est un premier pas
vers une rémunération des conte­
nus, que nous réclamons depuis
des années. Mais ce n’est pas du
tout collectif, ni transparent, et
donc forcément discriminatoire. »
Depuis des mois, certains édi­
teurs, dont le syndicat de la presse
indépendante d’information en li­
gne, qui représente Mediapart ou
Arrêt sur images craint que les né­
gociations soient favorables aux
grands éditeurs.
« Nous souhaitons que les propo­
sitions faites s’inscrivent dans le
cadre législatif. Il faut d’abord un
accord collectif pour tous les titres
de presse d’information géné­
rale », estime Louis Dreyfus, le
président du directoire du
Monde. « Les éditeurs attendent
une proposition véritablement
universelle, qui couvre l’ensemble
des médias d’information géné­
rale et qui puisse évidemment en­

suite être différenciée selon
l’audience des titres », ajoute
Pierre Louette, PDG du groupe Les
Echos­Le Parisien, chargé d’un
groupe de travail sur le droit voi­
sin pour l’Alliance de la presse
d’information générale.
Facebook discute aussi avec cette
association professionnelle de
près de 300 titres. Le réseau social
se targue d’avoir une démarche
plus collective et d’avoir anticipé
la directive en proposant dès 2019
une rémunération des contenus.

Une initiative saluée par certains
éditeurs. « Nous étudions en
France une solution autour d’un
produit comme l’onglet News lancé
aux Etats­Unis mais les modalités
sont à définir avec l’ensemble des
éditeurs », assure Facebook. L’en­
treprise rappelle qu’elle soutient
déjà la presse (service de vidéos
rémunéré, partenariats sur la re­
cherche d’abonnés).
Dans leur tentative de forcer
Google et Facebook à s’acquitter
du droit voisin, les éditeurs espè­
rent un coup de pouce de l’auto­
rité de la concurrence. Jeudi
5 mars, celle­ci doit examiner leur
recours pour abus de position do­
minante déposé contre Google.
Les médias ont demandé à l’auto­
rité d’ordonner à l’entreprise de
proposer une offre tarifaire, de dé­
signer un expert pour encadrer la
négociation et de lui fixer un délai
de trois mois. Mais la décision de
ce régulateur ne sera pas connue
avant plusieurs semaines.
alexandre piquard

L’initiative
rappelle l’onglet
« News » lancé
aux Etats-Unis
par Facebook,
qui discute
avec des
journaux français

Décidément, les anciennes filia­
les de la vénérable Compagnie
générale d’électricité (CGE), an­
cien empire français de l’indus­
trie, ne portent pas chance à
leurs acquéreurs. Son navire
amiral, la division énergie d’Als­
tom, vendue en 2015 à General
Electric, est fréquemment cité
comme l’une des sources du
malheur de l’américain, autre
puissance à la dérive. C’est main­
tenant Alcatel, la branche télé­
coms de la CGE, éphémère nu­
méro un mondial du secteur, qui
serait à l’origine des déboires du
finlandais Nokia.
Ce dernier a annoncé, lundi
2 mars, le départ de son actuel pa­
tron, Rajeev Suri (remplacé, en
septembre, par Pekka Lundmark),
à la tête de la société depuis 2014.
Son bilan est mitigé : croissance
faible, pertes de parts de marché,
baisse des profits. Avec, en consé­
quence, un cours de Bourse en
chute d’un tiers depuis un an.
Tout cela, dans un secteur de
l’équipement téléphonique que se
partagent trois acteurs de taille
mondiale : Nokia, le suédois Erics­
son et le chinois Huawei.
De plus, cerise sur le gâteau,
Huawei est banni par les Etats­
Unis, dont le président, Donald
Trump, est entré personnelle­
ment en croisade pour convain­
cre ses alliés de boycotter la so­
ciété de Shenzhen. En dépit de
cette aide inespérée, Nokia perd
du terrain. En 2014, au moment
du rachat d’Alcatel­Lucent, sa
part de marché dépassait les
20 %, et il était numéro un mon­
dial du marché des réseaux télé­
phoniques. Six ans plus tard, la
firme chinoise dépasse les 25 %
du marché global en valeur,

quand le finlandais flirte avec les
15 %, juste au­dessus d’Ericsson.
Pis, sur la dernière génération
mobile, la 5G, des opérateurs
clients reconnaissent en public
que le finlandais est en retard.

Malédiction
Explication, l’acquisition d’Alca­
tel­Lucent, après celle de la bran­
che télécoms de Siemens, l’a
plongé dans la spirale sans fin
des réductions de coûts et de
l’harmonisation de ses gammes
de produits. Nokia a joué le rôle
de l’idiot utile, nettoyant le mar­
ché de ses surcapacités à son
grand désavantage et au profit de
ses concurrents. Tout cela, dans
un monde de la technologie qui
n’est plus celui des grandes com­
mandes d’Etat, spécialité des
géants du siècle dernier, comme
Siemens, Alcatel, Alstom, Gene­
ral Electric et les autres.
Pour échapper à cette malédic­
tion, Alcatel a tenté de se réin­
venter par une politique agres­
sive d’acquisition, dont le point
d’orgue a été Lucent, le leader
américain avalé en 2006. Son
fantôme hante désormais les fo­
rêts de Finlande. Nokia, dont le
démantèlement pourrait faire sa­
liver les fonds activistes, saura­
t­il conjurer ce sort, comme il l’a
déjà fait par le passé?
Une leçon à méditer, à l’heure
où la dernière branche indépen­
dante de la CGE, la branche ferro­
viaire d’Alstom, vient d’acquérir
son concurrent canadien, Bom­
bardier, après l’échec de sa fusion
avec Siemens, convaincue que la
taille est le sésame de la puis­
sance industrielle. Quand le
monde change, elle est bien sou­
vent sa perte.

PERTES & PROFITS|NOKIA
p a r p h i l i p p e e s c a n d e

Le fantôme d’Alcatel


dans les forêts finlandaises


D I S T R I B U T I O N
Le Printemps se sépare
de son PDG
Le Printemps a annoncé,
lundi 2 mars, dans un com­
muniqué, s’être séparé de
son PDG, Paolo de Cesare, en
poste depuis 2007. Cette déci­
sion fait suite « au constat des
difficultés rencontrées ces der­
nières années dans le secteur
de la vente au détail » et « de
la nécessité de mettre en place
un nouveau leadership ». Le
groupe évoque
la nécessité « d’accélérer et
de concrétiser » son plan
de développement. – (AFP.)

M O D E
1 083 lève 1,083 million
d’euros
Le fabricant français de jeans
1 083 a levé 1,083 million
d’euros sur la plate­forme
LITA.co, en douze heures, a
annoncé, lundi 2 mars dans
un communiqué, la marque
fondée par Thomas Huriez à
Romans­sur­Isère (Drôme),
en 2013. Cette somme finan­
cera le besoin en fonds de
roulement de l’entreprise, en
forte croissance, ainsi que le
projet de recherche Monco­
ton, consacré au coton recy­
clé issu de vieux jeans.

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