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MERCREDI 4 MARS 2020
styles
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AUTOMOBILE
P
arce qu’elles seront élec
triques, les voitures
de demain ne ressem
bleront pas à celles
d’aujourd’hui. Si la première géné
ration de véhicules zéro émission
s’est modérément – voire pas du
tout – distinguée par ses choix
esthétiques, celle qui émerge va
davantage exploiter les marges de
créativité qu’offre l’électrifica
tion. Plusieurs conceptcars qui
auraient dû être dévoilés au salon
de Genève, prévu du 5 au 15 mars
mais finalement annulé à cause
de l’épidémie due au coronavirus,
ouvrent une fenêtre sur l’avenir de
ce design électrique en devenir.
Une bouffée d’air frais tant le lan
gage formel de l’automobile, para
lysé par l’uniformisation imposée
par la toutepuissance de la mar
que et la prééminence du SUV,
semble dans l’impasse.
A moins qu’elle se destine à
un usage exclusivement urbain –
comme la nouvelle Citroën Ami
qui, toute en verticalité, mériterait
le surnom de « pot de yaourt » na
guère attribué à l’Isetta de BMW –,
une voiture électrique doit soi
gner son aérodynamique plus en
core qu’un modèle convention
nel. « Sur la route, la résistance à
l’air détermine largement l’autono
mie d’un tel véhicule. Or, c’est là que
réside l’enjeu central. Il n’y a pas de
discussion sur ce point », souligne
Ian Cartabiano, qui dirige le centre
de design européen de Toyota et
Lexus, dont est issu le très angu
leux et musclé concept LF30,
qui devait être présenté à Ge
nève. Comme ce dernier, d’autres
conceptscars qui devaient appa
raître lors de ce salon, notamment
signés Polestar (émanation de
Volvo), Hyundai, BMW ou Renault
s’efforcent de trouver une alterna
tive à la haute stature des actuels
modèles à succès.
L’impératif aérodynamique qui
incite à dessiner des voitures bas
ses et élancées se trouve cepen
dant confronté à une autre obliga
tion ; celle qui impose de surélever
les carrosseries pour loger les bat
teries sous le plancher. « Je prends
ces contraintes comme une oppor
tunité. En mettant à profit les ca
ractéristiques (moteur peu encom
brant, plancher plat, meilleure
habitabilité...) propres à un modèle
électrique, il va devenir possible
d’exploiter de très nombreuses pos
sibilités pour avancer, entre autres,
sur la piste du postSUV », assure
Pierre Leclercq, qui dirige désor
mais le design Citroën.
« Il ne suffit pas d’obtenir une fai
ble résistance à l’air, il faut aussi
que la voiture l’exprime à travers
un aérodynamisme perçu comme
on parle de qualité perçue », insiste
François Leboine, responsable des
conceptcars chez Renault. Pour
Genève, la marque avait conçu
Morphoz, prototype à géométrie
variable porteur d’éléments stylis
tiques dont certains seront adop
tés à bord de ses prochains modè
les zéro émission. Morphoz soi
gne particulièrement ses surfaces
affleurantes, incline au maxi
mum son parebrise et se dote de
petits « flaps » (volets) latéraux.
Autant de clins d’œil à l’univers
aéronautique.
Rassurer les futurs acheteurs
La voiture électrique, estime Fran
çois Leboine, doit être porteuse
« de choix durables, empreints de
sobriété, qui doivent s’exprimer à
travers des lignes propres, précises
et simples ». Des partis pris, ad
metil, qui ne s’accordent pas
spontanément avec l’appétence
d’une partie des acheteurs pour
les signes extérieurs de statut so
cial, tels les faces avant surdessi
nées, les chromes ou les vitres sur
teintées. Même approche pour le
projet Prophecy de Hyundai, pré
figuration d’un modèle attendu
dans environ deux ans, qui en
tend « s’affranchir de la complexité
au profit de lignes épurées et de
structures minimalistes ». La mar
que coréenne, qui revendique un
« futurisme optimiste », entend
« forger un lien émotionnel » visi
blement distendu entre l’homme
et l’automobile.
La Fée électricité bouscule aussi
quelques références symboliques.
A bord de Morphoz, la longueur
du capot, variable selon la masse
des batteries embarquées, désigne
non plus la puissance mécanique
mais l’autonomie. Anticipation
d’un véhicule des années 2030, la
Lexus LF30 présente un pare
brise très plongeant mais un capot
court. Sa puissance
de 400 kW (543 ch)
s’exprime via de
grandes roues dans
lesquelles sont lo
gés les moteurs à
aimants.
Avec l’avènement
du véhicule électri
que, le principe
consistant à conce
voir des voitures
« de l’intérieur vers
l’extérieur », hérité
des années monospace, retrouve
de la substance. Le vaste écran
semicirculaire, qui se déploie, à
l’arrêt, dans l’habitacle de la
Hyundai Prophecy afin de diver
tir les occupants pendant que les
batteries se rechargent, a imposé
une ceinture de caisse basse.
Donc, une surface vitrée revue à la
hausse, à rebours de la tendance
constatée ces dernières années.
Pour modifier en profondeur l’or
donnancement intérieur des mo
dèles électriques, il faudra cepen
dant attendre de disposer des pro
chaines générations de batteries,
nettement moins encombrantes.
Le passage à l’électrique étant
facteur d’appréhension et de
stress, les designers admettent
qu’il leur faut aussi rassurer les
futurs acheteurs, pas forcément
disposés à se projeter du jour
au lendemain dans un univers
inconnu. C’est dans cette pers
pective qu’il faut envisager la per
sistance de calandres virtuelles,
de capots inutilement longs ou
de flancs sculptés de manière
exagérément musculeuse « pour
faire costaud » à bord des voitu
res électriques commerciali
sées dans les prochains mois.
« Pour avancer, il faut jouer avec
les codes, ceux de la voiture
d’aujourd’hui comme ceux de la
voiture de demain », résume Fran
çois Leboine avec un mélange de
frustration et d’excitation.
jeanmichel normand
LES BATTERIES
IMPOSENT
DE SURÉLEVER
LES CARROSSERIES
POUR LES LOGER
SOUS LE PLANCHER
Mini SE, une si longue attente
Après une expérimentation en 2008, la Mini électrique arrive en ville. Et ses accélérations restent fidèles à sa réputation de kart urbain
L
e projet de Mini électrique
a mis du temps à se dessi
ner. En 2008, un modèle
expérimental avait été confié à
650 volontaires, dont cinquante
en France, mais il ne s’agissait que
d’une fausse piste destinée à son
der le terrain au profit de la BMW
i3 électrique, apparue cinq ans
plus tard. Alors que, telle une vo
lée de moineaux, apparaît une
ribambelle de petits modèles
zéro émission (Smart, Hondae,
Twingo, Fiat 500...), la Mini élec
trique a enfin droit à une com
mercialisation en bonne et due
forme sous l’appellation SE.
Du prototype initial, les diri
geants de Mini ont tiré un ensei
gnement ; dans la vraie vie, les
possesseurs d’une petite voiture
électrique parcourent en moyen
ne moins de 50 km par jour. La
nouvelle venue s’en tient donc à
une autonomie réelle de quelque
220 km, ce qui permet de contenir
le poids de ses batteries (28,9 kWh
de capacité effective) et, donc,
leur coût. Cette vocation urbaine
est une manière de renouer avec
la raison d’être originelle d’une
automobile apparue en 1959 pour
répondre aux difficultés de circu
ler en ville et à la flambée des
cours du pétrole engendrée par la
crise de Suez (1956).
La sensation de glisser
Ce souci de continuité se matéria
lise dès les premiers tours de
roues. La voiture ne tarde pas à
faire étalage de sa maniabilité. Au
surpoids de 145 kg imposé par la
présence des batteries répond
une meilleure répartition des
masses, et les accélérations ins
tantanées (la mécanique déve
loppe 184 ch) s’inscrivent en con
formité avec la réputation d’un
modèle au comportement sou
vent comparé à celui d’un kart. En
ville comme sur route ou voie ra
pide, la sensation de glisser tout
en maîtrise sur le bitume est par
ticulièrement agréable. Quatre
modes de conduite sont pro
grammables, du plus tonique au
plus économique, et la récupéra
tion d’énergie à la décélération
peut s’ajuster sur une plage assez
large. Sur une borne à charge ra
pide (50 kW), nous avons porté la
capacité de la batterie de 53 % à
80 % en onze minutes. Sur une
Wallbox standard (7,4 kW) instal
lée à domicile, une charge com
plète durera environ quatre heu
res, selon le constructeur.
La présentation, soignée, cultive
la veine du chic anglais avec une
fausse calandre barrée d’une jolie
baguette jaune anis et un habita
cle tiré à quatre épingles. Seule
fausse note, la tablette située der
rière le volant manque d’élégance
et présente un affichage confus. La
Mini ne se refait pas ; son coffre est
toujours aussi exigu (211 litres, en
partie occupés par les câbles de re
charge) et elle devient inconforta
ble dès que la chaussée se dégrade.
Petite voiture électrique sophis
tiquée destinée aux trajets courts,
la Mini SE est proposée au prix
de 37 600 euros (hors bonus de
6 000 euros attribué aux particu
liers) ou en location longue durée
sur trois ans avec un loyer men
suel de 360 euros, entretien com
pris. A ce tarif, elle ne pourra sé
duire que les « early adopters » à
fort pouvoir d’achat – une clien
tèle que la marque connaît bien –,
mais elle devrait aussi intéresser
certaines flottes d’entreprise. Le
constructeur, qui réalise 25 % du
total de ses immatriculations en
France par le canal des ventes aux
sociétés, prévoit de porter ce
pourcentage à 40 % pour la Mini
SE, qui bénéficie d’avantages fis
caux substantiels, sans compter
que la réglementation impose
désormais aux flottes d’acquérir
un pourcentage minimum de vé
hicules zéro émission. Une base
nécessaire quoique pas encore
suffisante pour assurer le succès
de ce modèle convaincant mais
qui tient du pari pascalien. En
d’autres termes, que l’électrique
décolle ou pas, l’important est de
croire à sa réussite.
j.m. n.
La veine du
chic anglais
est cultivée
avec une
fausse
calandre
barrée
d’une jolie
baguette
jaune anis.
ALBERTO MARTINEZ
Peugeot 208, Voiture de l’année 2020
Trois ans après la 3008 et six ans après la 308, Peugeot remporte
un nouveau titre de Voiture de l’année avec la 208. Les soixante
journalistes membres du jury issus de vingt-trois pays – parmi
lesquels Le Monde est représenté – ont largement placé en tête
la petite Peugeot. Avec 281 points, elle devance deux voitures
électriques : la Tesla Model 3 (242 points) et la Porsche Taycan
(222). Sa grande rivale, la Renault Clio, arrive en quatrième
position (211 voix). Le choix du jury, dévoilé le 2 mars en direct
sur Internet sur les lieux du Salon de Genève, annulé pour cause
d’épidémie due au coronavirus, consacre un petit modèle
polyvalent, également disponible en version électrique, au style
agressif. La Peugeot 208, particulièrement appréciée par les
journalistes italiens et espagnols (le jury français lui a préféré
la Clio), succède à la Jaguar I-Pace, sacrée en 2019.
l’électrique au
secours du design
Sur les modèles zéro émission,
les impératifs techniques comme
l’aérodynamisme et l’accueil
de la batterie deviennent des occasions
de faire évoluer le style. Une bouffée
d’air frais pour les designers
Morphoz, de Renault. GREG JONGERLINCK