Le Monde - 04.03.2020

(Brent) #1

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RENDEZ-VOUS
LE MONDE·SCIENCE & MÉDECINE
MERCREDI 4 MARS 2020

EN CHINE, UNE MONDIALISATION PRÉCOCE

Depuis plus d’un demi-siècle, les spécialistes des porcelaines chinoi-
ses blanches et bleues, summum de l’artisanat des dynasties Yuan,
Ming et Qing, se déchirent. Les pigments de cobalt importés du
Moyen-Orient, appelés « bleu de Sumali », ont-il été utilisés pendant
et après la période où l’empereur Xuande (1425-1435) régnait sur la
dynastie Ming, ou ont-ils alors été remplacés par des minerais d’abso-
lane locaux? Des analyses chimiques et la fermeture des routes com-
merciales après la mort de l’amiral Zheng He (vers 1435) penchaient

pour la seconde hypothèse. Mais une équipe chinoise explique, dans
PNAS du 2 mars, avoir pu trancher, après avoir examiné les glaçages
et décors en microscopie électronique. Changsui Wang (Académie des
sciences, Pékin) et ses collègues concluent que, même sous Xuande,
une fraction des pigments utilisés étaient d’origine étrangère, selon
un mélange qui n’est pas observé sous les dynasties Yuan et Qing.
Cela suggère que les importations se sont poursuivies pendant
cette période et qu’un réseau commercial international, y compris
officieux, était établi au XVe siècle.
(PHOTO : JINGDEZHEN INSTITUTE OF CERAMIC ARCHAEOLOGY)

E. BUSSER, G. COHEN ET J.L. LEGRAND © POLE 2020 [email protected]

Le jeu du PGCD et du PPCM


Bob écrit sur un tableau deux nombres entiers strictement positifs aet b. Puis il les efface et écrit au tableau à leur
place les nombres d(plus grand diviseur commun de aet b) et m(plus petit multiple commun). Si les deux nombres
sont différents des deux premiers, il marque un point et peut recommencer. Sinon, la partie s’arrête.


  1. Combien Bob peut-il marquer de points, au maximum, avec sa règle?
    Alice, à qui Bob a décrit son jeu, élargit la règle. Il s’agit de partir de cinq entiers strictement positifs, d’en choisir
    deux, de les effacer et de leur appliquer la règle de Bob. Tant que les deux nouveaux nombres sont différents des
    deux qui ont été effacés, on marque un point et on recommence. Sinon, la partie s’arrête.
    2.Combien Alice peut-elle marquer de points, au maximum, avec sa règle?

  2. Sauriez-vous décrire une partie où le nombre maximum de points est atteint?


Solution du problème 1134


1a. Dans le premier cryptarithme, la valeur maximale de
POINT est 76032.
On part de l’addition ELUDA + POINT = ADULE.


  • On montre d’abord que P ne peut être égal à 8. Si c’était
    le cas, on aurait A = 9 et E = 1, donc T = 2. 9 étant pris, on
    aurait I = 0 sans retenue dans sa colonne.
    Ainsi, 1 + D + N = L, donc D < L. Mais L + O = D, donc L < D.
    D'où la contradiction.

  • On essaie alors P = 7. E = 2 mène rapidement à une
    impossibilité. En revanche, on va trouver des solutions si
    E = 1 et A = 9 (et donc T = 2). 9 étant pris, I = 0 et il ne doit
    pas y avoir de retenue dans l’addition D + N + 1 = L, ce qui
    est possible avec L = 8, D et N valant 3 et 4 ou l’inverse. On
    a donc : 18549 + 76032 = 94581 ou 18639 + 75042 = 93681.
    La première des deux solutions optimise POINT.
    1b. Dans le second cryptarithme, la valeur maximale de
    POINT est 60495.
    On part de l’addition ADULE + ELUDA = POINT. On
    remarque qu’il n’y a pas de retenue dans A + E , donc que
    P = T + 1. On va alors considérer deux cas :

  • L + D ≥10. On montre alors que seul N peut valoir 0, ce
    qui mène à une contradiction.

  • L + D <10. On a alors forcément L + D = N = 9, O = 0 et
    2U = 10 + I. La somme des dix chiffres, 45, est alors égale
    à 3 (P + U) + 6. On en déduit P + U = 13. Le plus grand P pos-
    sible est obtenu pour U = 7. On a alors P = 6, T = 5 et I = 4,
    soit POINT = 60495. A + E = T = 5 est possible avec A = 2
    et E = 3 ou l’inverse. D + L = 9 avec D = 1 et L = 8 ou l’in-
    verse. Ainsi, quatre solutions mènent à l’optimum.


DEUX APPROCHES DES FRACTALES
À EAUBONNE JUSQU’AU 07/03
En prolongement de « Jeux, fête et maths »,
la ville d’Eaubonne (95) propose autour des
fractales à l’Espace culturel L’Orange Bleue :


  • tous les jours jusqu’au 7 mars l’exposition
    Installation fractale;

  • le 6 mars à 20 h 30 un spectacle de cirque.
    Informations sur http://www.sortiraeaubonne.fr


SEMAINE DES MATHÉMATIQUES (2)
DU 09/03 AU 16/03
Après la moitié nord de la France, voici
quelques-unes des manifestations organi-
sées dans la moitié sud à l’occasion de la
semaine des mathématiques.


  • Festival de jeu du 13/03 au 15/03 à Pau.
    Ce festival, qui se déroulera au Parc des expo-
    sitions, est réservé aux scolaires le vendredi 13
    et ouvert au grand public le 14 et le 15. Il pro-
    pose des espaces de jeux dédiés aux mathé-
    matiques, aux sciences expérimentales et
    aux lettres, animés par des partenaires scien-
    tifiques, des associations locales et des élèves
    des établissements des alentours.
    Informations sur http://www.festivaljeupau.fr

  • A Lyon du 12/03 au 16/03.
    La semaine des maths sera marquée à plu-
    sieurs reprises à Lyon. Samedi 14/03, une
    après-midi festive remplie de surprises se
    déroulera à la Maison des mathématiques
    et de l’informatique autour des sciences, de


la semaine des maths et du « π-Day » (le
jour de π, 3-14 en notation anglo-saxonne).
D’autre part, lundi 16/03 à 20h, à l’Ecole
normale supérieure, aura lieu une des
« soirées mathématiques de Lyon », animée
par Tanguy Rivoal sur le thème « Comment
déterminer la nature arithmétique des
constantes mathématiques classiques ».
Infos et réservations sur Mmi-lyon.fr


  • « Maths en folie » le 15/03 à la Cité des
    savoirs à Etoile-sur-Rhône.
    La Grange des maths, association de culture
    scientifique, y animera une après-midi
    récréative pour rendre les mathématiques
    aimables au grand public.
    Infos sur http://www.la-grange-des-maths.fr


N° 1135

M É D E C I N E
« Quand la physique soigne »
Il n’y a pas que les rayons X pour illustrer les
liens entre médecine et sciences physiques.
Pour le diagnostic et le traitement, la physi­
que est partout : résonance magnétique
nucléaire, tomographie par rayons gamma,
endoscopie, laser... Les auteurs détaillent
en textes, en images et en schémas ce que
doivent ces applications à l’optique, à l’élec­
tromagnétisme, à la physique quantique...
> De Cédric Ray et Jean­Claude Poizat
(Belin, 140 p., 23 €)

L’EXPOSITION


Les Wisigoths, mal 


connus, mal aimés


Première exposition


consacrée à ce peuple,


1600 ans après son


installation à Toulouse


toulouse (haute­garonne) ­ envoyé spécial

D


ans le monde, aucune exposition n’a
jamais été consacrée uniquement
aux Wisigoths », assure Laure Bar­
thet, qui comble désormais cette lacune
dans le Musée Saint­Raymond de Toulouse
qu’elle dirige. Cocommissaire, avec sa collè­
gue Claudine Jacquet, de l’exposition « Wisi­
goths. Rois de Toulouse », Laure Barthet sait
qu’elle doit se battre contre les stéréotypes
persistants qui accompagnent ce peuple :
« En France, les Wisigoths ont toujours été
soumis à une double peine. D’une part, ce sont
des barbares et on les associe à des notions de
horde sauvage, de destructions et de négation
de la culture classique. Et, d’autre part, ce ne
sont pas les héros du récit national, un rôle qui
a été dévolu aux Francs. » Lesquels étaient
tout autant des « barbares » aux yeux de
leurs contemporains, mais passons.
L’exposition évoque le parcours et la cul­
ture de ces mal­aimés qui avaient aussi le
« défaut » d’avoir choisi l’arianisme comme
religion, une variante du christianisme con­
sidérée comme hérétique par les « trinitai­
res ». Apparus dans le nord de la Pologne au
Ier siècle, les Wisigoths se déplacent ensuite
vers la mer Noire, d’où ils sont délogés par
l’irruption des Huns. S’ensuit une longue mi­
gration vers l’ouest, qui les fait entrer dans
l’Empire romain auquel ils sont militaire­
ment capables de tenir tête – ils pillent
d’ailleurs Rome en 410. Quelques années
après, on les retrouve en Aquitaine, où ils
obtiennent, légalement, des terres. C’est le
royaume méconnu de Toulouse, qui durera
près d’un siècle, de 419 à 507. A cette date, les
Francs de Clovis prennent l’ascendant sur les
Wisigoths, qui se replient vers la Septimanie
et, surtout, la péninsule Ibérique.

Des objets somptueux
Pour évoquer un peuple qui, à son apogée,
domina un territoire allant de la Loire à Gi­
braltar, les commissaires de l’exposition ont
réussi plusieurs petits exploits. Tout d’abord
celui de se faire prêter des objets somptueux,
comme trois éléments du trésor de Pietroasa
(Roumanie), le sceau du roi Alaric II conservé
au Kunsthistorisches Museum de Vienne ou
deux magnifiques plats en argent, décou­
verts à Toulouse au XIXe siècle et qui, em­
pruntant les détours de l’histoire, se sont re­
trouvés au Musée national de Varsovie.
Le second tour de force est d’être parvenu à
intégrer des objets issus de fouilles archéolo­
giques récentes dans le Sud­Ouest. Pendant
longtemps, les traces matérielles de la pré­
sence wisigothique y ont été minuscules.
Depuis une dizaine d’années cependant, les
fouilles préventives dans la région permet­
tent de ressusciter ce patrimoine souvent
d’une grande délicatesse, comme le montre
le matériel funéraire mis au jour en 2018 dans
la nécropole de Seysses (Haute­Garonne). On
notera ainsi une magnifique bague en or au
décor cloisonné en forme de svastika, dont
les quatre branches représentent une tête
d’aigle, rapace qui fascinait et inspirait tant
les barbares que les Romains...
pierre barthélémy

« Wisigoths. Rois de Toulouse », au Musée
Saint­Raymond, Toulouse, jusqu’au
27 septembre. Saintraymond.toulouse.fr

LIVRAISON


DIX MILLE PAS ET PLUS


LE PING-PONG AU SERVICE DU CERVEAU


Par SANDRINE  CABUT


V


oilà un partenariat original qui illustre
comment, peu à peu, le sport­santé fait son
chemin en France. La Fédération française
de tennis de table (FFTT) et l’association France
Alzheimer et maladies apparentées viennent de s’as­
socier pour promouvoir la pratique du ping – nom
moderne du tennis de table – chez des personnes
atteintes de ces affections neurodégénératives.
Pour 2020, l’objectif est double : rapprocher, dans
chaque région, un club et une structure France
Alzheimer ; et identifier un groupe pouvant évaluer
scientifiquement l’impact de cette pratique sportive
sur la maladie, qui concerne environ 900 000 indi­
vidus en France.
Ludique, peu onéreux en termes de matériel, prati­
cable à tout âge, et quasiment sans contre­indica­
tions, le tennis de table dispose aussi de nombreux
atouts pour la santé, que met en avant la FFTT. Sport
rapide et intermittent, il sollicite le système cardio­
respiratoire et développe l’endurance. Mais c’est
peut­être au niveau du cerveau que ses effets sont les
plus intéressants, avec des bénéfices potentiels sur
l’attention, la concentration, la coordination, l’équili­
bre, l’adresse, la vitesse de réaction...

« Chaque trajectoire de balle est unique, et les joueurs
doivent s’adapter en permanence, souligne Renato
Walkowiak, manageur du Levallois sporting club ten­
nis de table, chargé du déploiement du partenariat
côté FFTT. C’est vrai aussi au tennis, mais le tennis de
table est plus rapide, avec davantage d’effets, et c’est
une activité plus adaptée pour quelqu’un qui se remet
au sport que le tennis, où le contact est plus violent
avec la balle. » Même si les études cliniques sont rela­
tivement peu nombreuses, des neuroscientifiques
américains affirment que le ping est le « meilleur
sport pour le cerveau ». « C’est l’un des sports par excel­
lence pour les personnes avec des troubles neurodégé­
nératifs. Une pratique régulière contribue à maintenir
l’autonomie et la socialisation le plus longtemps possi­
ble », nous indiquait dans une précédente chronique
la médecin fédérale Sylvie Selliez.
En ce qui concerne la maladie d’Alzheimer, des pro­
grammes de « thérapie » par le tennis de table se sont
développés, notamment en Angleterre (BAT Founda­
tion) et aux Etats­Unis. En France, le Levallois spor­
ting club a été pionnier, avec Ping4alzheimer, lancé à
l’automne 2018. Sensibilisé au sujet par sa grand­
mère, elle­même atteinte, et par la lecture d’études
scientifiques, M. Walkowiak a d’abord adapté le
contenu des entraînements avec une psychologue et

un kiné. Les séances, qui durent deux heures,
accueillent désormais entre 10 et 15 participants, une
ou deux fois par semaine.
Avec un impact évident, assure­t­il. « Les personnes
qui viennent régulièrement sont plus détendues. C’est
une activité où les progrès peuvent être assez rapides,
d’autant que la plupart de ces malades ne sont pas
très âgés – le plus jeune a 42 ans – et n’ont pas de pro­
blème physique, ils peuvent donc pratiquer deux heu­
res à fond. Surtout, le gymnase est pour eux un lieu de
socialisation et d’inclusion, ils viennent sur le même
créneau que des retraités avec qui ils peuvent jouer »,
se réjouit le manageur. L’activité est aussi appréciée
par les aidants (souvent les conjoints), dont certains
se laissent tenter par la petite balle. M. Walkowiak va
maintenant participer au déploiement du pro­
gramme. Trois clubs ont déjà manifesté leur intérêt
en France, et un en Belgique.
Pour Benoît Durand, directeur délégué de France
Alzheimer, ce partenariat avec la FFTT s’inscrit dans
une logique de promotion du sport adapté pour ces
patients, dans la suite de celui déjà noué avec la Fédé­
ration française d’équitation. Au­delà, insiste­t­il,
c’est une initiative qui va dans le bon sens pour chan­
ger le regard sur cette maladie stigmatisante, la plus
redoutée par les Français après le cancer.

AFFAIRE DE LOGIQUE – N° 1135

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