Dans l’album photo de...
Anna Mouglalis.
LA COMÉDIENNE, À L’AFFICHE DE LA
SAISON 3 DE “BARON NOIR” SUR CANAL+,
TROUVE DU PLAISIR DANS TOUS LES
REGISTRES. UN GOÛT DÉVELOPPÉ
GRÂCE À UN PASSAGE INITIATIQUE PAR
LE CONSERVATOIRE OÙ ELLE A AFFIRMÉ
SA VOIX.
RETROUVEZ
LE PODCAST “LE
GOÛT DE M” SUR
LEMONDE.FR
ET SUR TOUTES
LES PLATEFORMES.
NOUVELLE INVITÉE :
L’ACTRICE
EMMANUELLE
DEVOS.
“J’AI 19 ANS SUR CE POLAROID PRIS PAR MON
AMI TIAGO. C’était lors d’une soirée passée aux Halles,
dans le studio de son amoureux. Tiago m’apprenait à
danser sur Madonna ou Depeche Mode, alors que moi
je ne jurais que par le blues et le rock des années 1970.
C’est l’une des rares photos que j’ai de cette époque.
Je commençais le tournage d’un court-métrage, je
faisais un peu de mannequinat. Ce cliché a été pris
l’année de mon entrée au Conservatoire, où mon goût
pour le jeu est apparu.
Actrice n’était pas une vocation, même si j’aimais le
cinéma. J’étais abonnée au Forum des images et le
lundi, jour de fermeture, était une journée noire.
J’étais en hypokhâgne et je m’ennuyais, entourée de
gens qui aimaient la compétition et avaient si peu
vécu, jusqu’à ce qu’après une expérience d’assistante
à la mise en scène, des amis me parlent du
Conservatoire. Pour le concours d’entrée, j’ai choisi un
monologue de Penthésilée, de Kleist. J’ai eu un trac
phénoménal que je suis parvenue à transformer en
excitation puis, sur le plateau, en enthousiasme. Je me
suis laissée envahir par cette sensation folle, inouïe!
C’était comme une drogue. Du Conservatoire, je garde
en tête les pièces de guerre d’Edward Bond, ma pro-
fesseure Dominique Valadié m’intimant : « Plus fort! »
alors que je jouais Elvire dans Dom Juan, mes pre-
miers essais de comédie avec Daniel Mesguich,
le génial Alexandre Del Perugia qui nous apprenait à
faire des acrobaties...
Pour autant, on trouvait que ma voix grave ne corres-
pondait pas à mon physique. Dès l’entrée, chaque
étudiant avait droit à une consultation avec une pho-
niatre un peu raide. Elle m’a collé un instrument sur
la gorge en me demandant de lire La Chèvre de mon-
sieur Seguin, m’a fait passer une échographie, puis m’a
proposé une opération pour la rendre plus aiguë, plus
jeune première. J’ai refusé, la voix, c’est comme le
regard ou la main : pas question d’en changer.
Aujourd’hui, j’ai toujours le même trac au moment de
jouer, comme ces derniers mois dans Mademoiselle
Julie – un plaisir absolu! Maintenant, j’ai l’âge de ma
voix. Il y a quelques années, on m’a fait rencontrer
Toni Morrison, qui cherchait une interprète pour
l’audiolivre français de son roman Home. Je suis allée
la voir, on a discuté un peu. J’ai proposé de faire un
essai. « C’est même pas la peine que tu lises », m’a-t-elle
répondu en entendant le timbre de ma voix aussi
grave que le sien. Aux États-Unis, elle avait tenu à dire
ses textes elle-même. Finalement, c’est elle qui m’a lu
le premier chapitre en anglais. Elle voulait me mon-
trer qu’il ne fallait surtout pas mettre le ton, surjouer.
Quand j’ai eu terminé l’enregistrement, elle a écouté
le résultat et m’a félicitée. Puis elle m’a demandé
d’enregistrer tous ses livres. »
Propos recueillis par Valentin PÉREZ
BARON NOIR, SAISON 3, AVEC KAD MERAD, ANNA MOUGLALIS,
FRANÇOIS MOREL ET PATRICK MILLE, SUR CANAL+.
82
LE GOÛT
Anna Mouglalis